Le déploiement du télescope spatial James Webb est un succès

Le télescope spatial James Webb a mené à terme la longue série d'opérations qui devrait bientôt permettre à l'Homme de poser un regard nouveau sur l'univers.

De Nadia Drake
Publication 11 janv. 2022, 12:29 CET
JWST II

Plusieurs centaines d'opérations à la chronologie minutieuse ont été réalisées par le télescope spatial James Webb lors de son déploiement dans l'espace.

PHOTOGRAPHIE DE NASA

Le plus puissant des télescopes jamais envoyés dans l'espace a survécu la partie la plus périlleuse de sa mission : son déploiement, au terme de centaines d'étapes critiques. Depuis son lancement le jour de Noël, le télescope à dix milliards de dollars a déplié, déroulé et basculé ses différents membres dans leur configuration finale, une transformation délicate effectuée en filant à toute vitesse vers un point dans l'espace situé à plusieurs millions de kilomètres.

Pour les scientifiques et les ingénieurs impliqués dans la mission, mais aussi pour les passionnés la suivant de près, les deux dernières semaines n'ont pas été des plus reposantes. Le télescope devait exécuter chaque étape sans marge d'erreur et même si les ingénieurs avaient eu droit à une répétition générale sur Terre, rien ne pouvait assurer le bon déroulement de l'opération une fois dans l'espace. Une simple erreur dans le déploiement et la mission risquait de connaître une fin prématurée… et frustrante. Mais il n'en sera rien, car la phase majeure de déploiement du télescope s'est achevée le 8 janvier avec la mise en place du miroir primaire.

Les cinq prochains mois seront consacrés aux essais et à la mise au point de l'observatoire afin de préparer les premières observations scientifiques. Une fois paramétré, le télescope sera capable d'observer l'univers par-delà l'échelle des temps cosmiques, immortalisant des objets formés il y a plus de 13 milliards d'années. La mission de James Webb est de raconter l'histoire de l'univers en balayant du regard le passé pour étudier les balbutiements du cosmos et la naissance des étoiles, des galaxies, des planètes puis de la vie dans un océan chaotique de radiations.

Dans deux semaines, le télescope atteindra sa destination, un point dans l'espace nommé L2, quatre fois plus loin de la Terre que la Lune. Après un lancement presque parfait, le JWST pourrait finir par étudier l'univers bien plus longtemps que les dix années de sa durée de vie officielle.

Ce sont là des débuts prometteurs pour une mission qui a connu son lot de désagréments. Avec un lancement initialement prévu pour 2007, le JWST s'est heurté à de nombreux contretemps, des problèmes de budget, des menaces d'annulation et même une controverse liée à l'administrateur de la NASA dont le télescope tire son nom. Après plusieurs décennies de travail, l'observatoire à la technologie futuriste va enfin recevoir la lumière des premiers jours de l'univers.

« Cette équipe n'a pas eu un travail facile, mais ce qu'ils ont accompli est d'une perfection incroyable, » déclare Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la NASA. « Le public doit comprendre à quel point c'est difficile, vraiment difficile. Ce que nous voyons aujourd'hui fait partie de l'histoire. »

 

MISE EN ORBITE

Le nouveau fleuron de la NASA s'est élancé le 25 décembre au sommet d'une fusée Ariane 5 depuis Kourou, en Guyane française. Environ 27 minutes plus tard, le JWST se séparait délicatement des étages supérieurs du lanceur sous l'œil attentif de la caméra fixée à la fusée. Dans ces images, le gigantesque instrument scintille de mille feux devant l'obscurité de l'espace et l'arc bleuté de notre planète.

Cette image est probablement la dernière photographie détaillée du JWST quittant l'humanité à jamais, capturée par une caméra installée sur la fusée alors que le télescope s'en détachait.

PHOTOGRAPHIE DE NASA, Esa

Cette scène était la dernière occasion pour l'Homme de voir le JWST en détail, même si les astronomes continueront de suivre son faible éclat de lumière pendant son voyage vers L2.

Juste avant de quitter le champ de vision de la caméra, le JWST a étendu son panneau solaire et commencé à puiser l'énergie du Soleil. Sans cette étape, il n'y aurait pas eu de mission. « Sans électricité, il n'y a pas grand-chose à faire, » résumait Alphonso Stewart, ingénieur de la NASA pour le déploiement, lors d'une conférence de presse tenue le 4 janvier.

Malgré tout, alors que le stress du lancement se dissipait, scientifiques et ingénieurs avaient bien conscience que l'étape la plus périlleuse du voyage restait à venir.

 

DÉPLOIEMENT CÉLESTE

Entièrement déployé, le JWST est aussi haut qu'un immeuble de trois étages et son bouclier solaire pourrait quasiment recouvrir un terrain de tennis. Le télescope est si grand qu'il était tout simplement impossible de le lancer dans sa configuration finale.

Les ingénieurs ont soigneusement plié son miroir primaire de 6,50 m de diamètre, emboîté le miroir secondaire plus petit et enroulé puis rangé son bouclier solaire de 22 sur 12 mètres. Avec ses cinq couches, cet élégant dispositif permet de maintenir les instruments scientifiques à la température rafraîchissante de -205 °C, ce qui leur permet d'analyser les imperceptibles signatures infrarouges des étoiles et galaxies les plus anciennes sans être dérangés par la chaleur émanant du télescope.

« Le bouclier solaire est l'un des éléments les plus complexes jamais envoyés dans l'espace… et il est indispensable, » déclare Jane Rigby de la NASA. « Si l'on regarde les besoins scientifiques puis ce que la science exige de l'ingénierie, tout cela nous mène au bouclier solaire. »

Tout ce matériel devait être embarqué puis fermement arrimé pour le lancement, explique Rigby, afin que le télescope ne se disloque pas sous l'effet des vibrations. Une fois le JWST lancé, il pouvait enfin se défaire de ces chaînes et déployer ses différents éléments, un ballet acrobatique comptant 344 points de défaillance potentiels.

Les équipes de la mission ont rapidement œuvré pour résoudre une poignée de petits problèmes, comme la surchauffe de certains moteurs ou des anomalies électriques liées au panneau solaire, puis l'heure est arrivée de procéder aux étapes majeures du déploiement. La plus complexe d'entre toutes était la mise en position du bouclier solaire. Il devait être déplié puis tendu sans accrocs, à la manière d'une voile mais dans l'espace, robotiquement et sans aucune place pour l'erreur.

Étape après étape, l'ensemble de l'opération s'est déroulé comme prévu. Les fixations ont lâché prise. Les protections sont tombées. En l'espace de 26 heures, les câbles, poulies, leviers et moteurs ont guidé puis étendu ces cinq couches extrafines en une voile à six pans destinée à protéger le télescope du Soleil et de la Terre. Dans la salle de contrôle à Baltimore, les équipes ne pouvaient pas voir le processus suivre son cours, mais l'énergie utilisée par les moteurs, leur force et leur durée de fonctionnement étaient autant d'indications du bon état de la manœuvre.

À midi le 4 janvier, le déploiement du bouclier solaire était officiellement réussi. C'est la première fois que l'humanité déploie un système du genre dans l'espace, a indiqué Stewart aux journalistes. « La première fois, et c'était un sans faute. » 

« QUELLE JOURNÉE ! » écrivait Rigby par e-mail cette nuit-là. « Je suis tellement soulagée. »

Le télescope a ensuite procédé au déploiement de son miroir secondaire, essentiel pour concentrer la lumière sur les détecteurs. Sans lui, l'œil du télescope ne serait qu'un immense miroir doré de béryllium flottant dans l'espace.

Enfin, le 8 janvier, les ailes colossales du miroir primaire ont atteint leur position finale. « L'observatoire du JWST est désormais complètement déployé, » a annoncé Carl Starr, responsable des opérations, alors que la salle de contrôle laissait exploser sa joie.

 

UN AVENIR EN OR

Pendant que le JWST avale les kilomètres qui le séparent de L2, scientifiques et ingénieurs préparent le télescope à sonder l'univers. La mission dont ils ont la responsabilité pourrait durer bien plus longtemps que les dix années initialement prévues. Ariane 5 a si bien placé le télescope en orbite qu'il n'a dû utiliser qu'une petite quantité de carburant pour se mettre en route vers L2. Une fois ce point atteint, le JWST devra régulièrement consommer du carburant pour rester en orbite, mais la sonde dispose désormais d'une quantité de carburant supérieure aux estimations dans son réservoir.

Même si le carburant n'est pas l'unique facteur pouvant limiter la durée de vie de la mission, c'est l'un des principaux. Pour le moment, la NASA ne donne pas d'indication précise sur l'autonomie potentielle de ces réserves, mais les responsables sont optimistes.

« Nous savons que nous avons bien plus de carburant que les 10 années » initialement prévues, déclare le directeur de programme du JWST, Greg Robinson. « Par contre, nous ne savons pas à quel point nous allons devoir utiliser les propulseurs et le carburant pour achever la phase de mise en service. Il serait donc prématuré de donner une estimation… mais pour le moment, je dirais beaucoup plus que 10 ans. »

Par ailleurs, une mission de ravitaillement du JWST est également envisageable dans le futur, ce qui étendrait significativement la durée de la mission. Contrairement au vénérable télescope spatial Hubble, réparé à plusieurs reprises par des astronautes, le JWST sera beaucoup trop loin pour être entretenu par des humains. D'après Zurbuchen, le développement d'une technologie robotique de ravitaillement est une priorité.

« J'ai demandé à l'équipe de travailler sur les différentes options de maintenance pour James Webb, » indique Zurbuchen. À ce jour, la NASA ne dispose pas de la technologie nécessaire pour ravitailler le JWST, mais le télescope embarque différentes fonctionnalités compatibles avec une éventuelle mission de maintenance : un réservoir rechargeable, des protections amovibles contre la chaleur, des cibles de guidage visuel et des points d'arrimage accessibles.

Une approche similaire guide la conception du télescope spatial Nancy Grace Roman, le prochain observatoire spatial de l'agence américaine, conçu pour rejoindre le JWST à L2. « Une chose est sûre, déclare Zurbuchen, ravitaillement et maintenance constituent la stratégie à suivre pour nos grands projets. C'est très important. »

Personne ne sait exactement ce que verra le JWST en sondant l'univers, mais plus son regard s'attarde sur les galaxies primitives, les exoplanètes, les étoiles pulsantes ou même les lunes de notre propre système solaire, plus nous aurons de chances de découvrir l'inimaginable.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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