Les premières étoiles de l'univers auraient été détectées

Des boules de gaz brûlantes auraient vu le jour environ 180 millions d'années après la naissance du cosmos.

De Nadia Drake
Cette illustration représente l'apparence potentielle des premières étoiles de l'univers.
Cette illustration représente l'apparence potentielle des premières étoiles de l'univers.
PHOTOGRAPHIE DE Illustration de N.R.Fuller, National Science Foundation

Si les étoiles nous accompagnent à la tombée de la nuit, ces lueurs scintillantes n'ont pas toujours fait partie du cosmos. Des scientifiques seraient remontés dans le temps, et d'après eux les premières étoiles ne seraient apparues que 180 millions d'années après le Big Bang, moment où l'univers tel que nous le connaissons aujourd'hui a vu le jour dans une gigantesque explosion.

Depuis des décennies, des équipes de scientifiques cherchent inlassablement à détecter les empreintes de ces premières étoiles. Dans le cadre d'un projet appelé EDGES, une détection récente est apparue sous la forme d'un signal radio se déclenchant lors de l'interaction entre la lumière des étoiles et l'hydrogène emplissant le vide primaire.

Si le signal était confirmé, cette détection ouvrira la voie à de nouvelles enquêtes cosmologiques et promet quelques casse-tête en perspective.

« L'aube cosmique est jusqu'ici restée complètement inexplorée », reconnaît Cynthia Chiang, physicienne à l'université de KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud. « Avoir une nouvelle vision de ce fragment de l'histoire de l'univers est quelque chose d'extrêmement enthousiasmant. La détection EDGES est une première étape si nous souhaitons comprendre de manière approfondie la nature des premières étoiles. »

 

L'AUBE COSMIQUE

Peu après sa naissance, l'univers a été plongé dans l'obscurité. Les premières étoiles se sont éclairées lors de la fusion du gaz chaud et d'amas de matière noire, qui se sont contractés jusqu'à devenir suffisamment denses pour embraser les noyaux nucléaires des petits soleils.

À mesure que ces premières étoiles ont insufflé des rayons ultraviolets dans le cosmos, leurs photons se sont mêlés à l'hydrogène primitif, qui a absorbé le rayonnement naturel jusqu'à devenir translucide. Lors de ce phénomène, ces atomes d'hydrogènes ont produit des ondes radioélectriques qui ont traversé l'espace selon une fréquence prévisible. Les astronomes peuvent toujours les apercevoir aujourd'hui au moyen de radiotélescopes.

Ce même processus se poursuit chez les étoiles actuelles, qui continuent de projeter de la lumière à travers le cosmos. Toutefois, les ondes radioélectriques produites par ces premiers balbutiements stellaires ont parcouru l'espace pendant si longtemps qu'elles se sont étirées ou ont subi un décalage vers le rouge. Un phénomène qui a permis aux astronomes d'identifier les traces des premières étoiles au sein des ondes radioélectriques détectées par une petite antenne dans l'ouest de l'Australie.

Cette chronologie mise à jour de l'univers indique la naissance des premières étoiles 180 millions d'années après le big bang.
PHOTOGRAPHIE DE Illustration de N.R.Fuller, National Science Foundation

« Le signal est apparu pour la première fois au cours des semaines qui ont suivi la mise sous tension de l'instrument, en 2015 », raconte Judd Bowman de l'université d'État de l'Arizona, l'un des co-auteurs de l'étude qui a présenté les résultats dans la revue Nature. « Au début, nous avons pensé que l'instrument avait un problème car c'était bien plus grand que ce à quoi nous nous attendions. »

Ces deux dernières années, le chercheur et son équipe ont œuvré à écarter toutes les erreurs potentielles susceptibles de prendre la forme d'un signal venu de la fin de la période sombre cosmique.

« Des dizaines de tests nous ont permis de confirmer qu'il s'agissait bel et bien d'un signal venu du ciel », poursuit-il. « Il est essentiel qu'une autre équipe confirme la détection à l'aide d'un autre instrument. »

Cynthia Chiang, qui fait partie d'une autre équipe étudiant ce même signal, confirme : « Ils proposent, et à juste titre, de mener d'autres expériences afin de confirmer les mesures ».

« Ce type de mesure est rendu très difficile par l'extrême sensibilité aux erreurs systématiques. L'équipe du projet EDGES a accompli un travail de longue haleine incroyable afin de cibler les imperfections instrumentales. »

 

RETOUR AUX TÉNÈBRES

Si le signal venait à être confirmé, il mettrait au défi certains scientifiques qui se sont penchés sur les prémices de l'univers. Premièrement, le laps de temps au cours duquel ces premières étoiles sont nées concorde avec certaines théories, mais pas avec d'autres.

« C'est très étrange et ce pour plusieurs raisons », déclare Steven Furlanetto, de l'université de Californie à Los Angeles, spécialiste de la formation des galaxies et de la production d'étoiles. « C'est une forme de physique originale qui passionnerait de nombreuses personnes. » Il est par exemple possible que ce signal soit un signe venu de galaxies au comportement imprévisible.

Lors de travaux précédents, Furlanetto et ses collègues sont partis d'observations réelles des premières galaxies connues, puis ont remonté l'horloge cosmique à l'aide de modèles informatiques, à la recherche de la période à laquelle le signal de premières étoiles serait apparu. Les premières galaxies de l'univers sont réputées pour être petites, fragiles et peu propices à la naissance d'étoiles ; le chercheur ne s'attendait pas à ce que le signal atteigne son point le plus haut avant 325 millions d'années après le big bang.

Mais si les premières étoiles avaient déjà généré suffisamment de lumière pour signaler leur présence 180 millions d'années après le big bang, ces galaxies primitives doivent être différentes.

« L'explication la plus simple consiste à dire qu'aux prémices de l'univers, ces éléments très petits pouvaient former des étoiles plus facilement qu'à d'autres périodes », explique-t-il. « Cela change énormément notre appréhension des galaxies. »

De même, l'hydrogène primitif absorbe les photons à des taux qui sont au moins deux fois plus élevés que ceux attendus, ce qui infirme certaines idées relatives à la température de l'univers primitif. Deux théories prévalent : soit le gaz primitif était plus froid que ce que nous imaginions, soit le rayonnement naturel était plus chaud.

Curieusement, un deuxième article publié hier dans la revue Nature indique que les interactions avec la matière noire refroidiraient le gaz à une température à laquelle il absorberait plus de photons.

La matière noire compose l'essentiel de la masse de l'univers mais ne se comporte pas comme la matière « normale » et s'est révélée difficile à appréhender. Elle échappe à la détection directe et les scientifiques luttent à déterminer sa nature exacte ainsi que son influence sur la structure de l'univers au fil du temps.

« Ce serait une super nouvelle s'il s'agissait d'un signal de matière noire, ce qui n'est pas impossible », affirme Tracy Slatyer de l'Institut de technologie du Massachusetts.

Elle ajoute qu'il est toutefois bien trop tôt pour accepter cette conclusion. Une autre explication serait qu'il y a plus de photons que ne peut en absorber l'hydrogène, même si l'origine de ces photons dans l'univers primitif reste floue. Tracy Slatyer et ses collègues attendent donc une confirmation indépendante des résultats du projet EDGES avant de spéculer sur les scénarios possibles relatifs à la matière noire.

« Je maîtriserai mieux le sujet lorsque nous aurons réfléchi à la place de cette découverte dans notre compréhension de la matière noire et des galaxies », explique Furlanetto. « Les résultats diffèrent tellement de ce que nous attendions, je crains qu'ils n'aient rien à voir. Je n'ai pas la moindre idée de ce que cela pourrait être. »

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