Quelque chose dans notre galaxie clignote toutes les vingt minutes… mais quoi ?

Deux objets récemment repérés dans l'espace émettent des impulsions régulières d'ondes radioélectriques, un évènement qui n’avait jamais été observé par les astronomes jusqu'à présent.

De Liz Kruesi
Publication 28 juil. 2023, 16:28 CEST
Magnetar_4_ICRAR

Un type d'étoile, appelé magnétar à ultra longue période, pourrait être à l'origine des impulsions d'ondes radio émises toutes les vingt-et-une minutes depuis au moins trente-trois ans, mais de nombreuses questions subsistent au sujet de cet objet énigmatique.

ILLUSTRATION DE ICRAR

Les scientifiques s'interrogent sur deux nouvelles étoiles aux propriétés mystérieuses. Ces objets ressemblent à des étoiles à neutrons, c'est-à-dire à des noyaux stellaires extrêmement denses laissés par des étoiles massives qui ont explosé en supernova, mais présentent d'autres caractéristiques que les astronomes ne parviennent à expliquer. Ils pourraient même représenter un nouveau type d'objet stellaire, différent de tout ce qui a été observé auparavant.

Les deux étoiles, dont l'une a fait l’objet d’une publication ce mois-ci dans la revue Nature, émettent de longues impulsions d'ondes radio toutes les vingt minutes environ. Cela signifie que leur rotation est beaucoup plus lente que celle de toutes les étoiles à neutrons connues. Elles présentent également d'autres caractéristiques étranges.

« Nous sommes tous encore stupéfaits, intrigués et déconcertés », déclare l'astronome Natasha Hurley-Walker de la Curtin University à Bentley, en Australie-occidentale, qui a dirigé les recherches menant à la découverte de ces deux étoiles. 

Ce mystère a commencé en 2021, lorsque Natasha Hurley-Walker et ses collègues ont découvert une impulsion radio se répétant lentement dans des données archivées de 2018. L’objet a brillé pendant trois mois, mais au moment de la découverte, indique Natasha Hurley-Walker, son activité s'était calmée et il était devenu invisible dans le ciel.

Dans un article de janvier 2022 annonçant la découverte, les scientifiques ont suggéré que l'objet pourrait être une étoile à neutrons disposant d’un champ magnétique extrêmement puissant, appelée magnétar. L'objet, baptisé GLEAM-X J162759.5-523504.3, émettait toutefois une impulsion toutes les dix-huit minutes et non toutes les quelques secondes comme les magnétars connus. Il n'y avait pas non plus de signal composé de rayons X associé à l'émission radioélectrique, ce qui ne cadrait pas avec les théories sur les magnétars. Étrangement, le champ magnétique estimé de l'objet était beaucoup plus intense que ce qui avait été observé précédemment.

Les scientifiques se sont donc mis à la recherche d'autres objets similaires qui émettaient encore des impulsions radio. En juin 2022, Natasha Hurley-Walker et ses collègues ont commencé à observer l'ensemble du ciel visible toutes les trois nuits à l'aide du Murchison Widefield Array, un réseau d'antennes à grand champ, en Australie-occidentale. Ils ont mis à jour leurs algorithmes de détection afin de pouvoir traiter rapidement les données et de rechercher des impulsions d'ondes radio. Presque immédiatement, ils ont trouvé un objet qui émettait un flash radio toutes les vingt-et-une minutes.

À première vue, l'émetteur d'ondes radio ressemblait à l'objet découvert précédemment. Mais lorsque l'équipe a commencé à fouiller dans les données archivées à la recherche d'autres impulsions provenant de cette source, baptisée GPM J1839-10, l'objet en question les a déconcertés.

Contrairement à la première étoile, dont les impulsions ont été observées pendant trois mois, le signal de J1839-10 a été détecté pendant des décennies. « Nous avons pu mettre côté à côte toutes ces impulsions, réglées comme une horloge au cours des trente-trois dernières années », explique Natasha Hurley-Walker.

Pour l'instant, les chercheurs supposent que les deux objets sont identiques. Mais pourquoi l'un a-t-il clignoté pendant trois mois alors que l'autre le fait depuis trente-trois ans ? « Je ne sais pas », admet Natasha Hurley-Walker. « C'est là tout le problème. »

 

UN PHARE COSMIQUE

Les astronomes connaissent plusieurs sources célestes qui émettent des signaux répétitifs, mais presque toutes clignotent à des intervalles de quelques millisecondes à quelques secondes. Nombre d'entre elles sont des étoiles à neutrons de différents types, comme les pulsars et les magnétars. Ces derniers sont des objets incroyablement denses, de la taille d'une ville, mais dont la masse est supérieure à celle de notre soleil.

Si les deux nouveaux objets présentent certaines similitudes avec les étoiles à neutrons, ils n'y correspondent pas intégralement. « Nous n'avons jamais vu d'étoiles à neutrons faire quelque chose de semblable à ce que cette source fait actuellement », explique l'astrophysicienne Manisha Caleb, de l'université de Sydney, en Australie, coautrice de l'article sur la dernière découverte.

COMPRENDRE : La formation de l'univers

Comme la plupart des objets cosmiques en rotation, le champ magnétique d'une étoile à neutrons ne s'aligne pas sur son axe de rotation. Si le champ magnétique de l'étoile est assez puissant, un rayonnement peut s'échapper de ses deux pôles magnétiques et, à mesure qu'elle tourne, les astronomes peuvent observer une pulsation régulière. « Ce faisceau balaie notre ligne de visée comme un phare », explique Natasha Hurley-Walker.

Ces impulsions d'ondes radio peuvent révéler des informations cruciales sur ces objets. La vitesse à laquelle la rotation change au fil des ans correspond à la fois à l'intensité du champ magnétique de l'étoile et aux processus physiques à l'origine des impulsions. Lorsque l'étoile ralentit sa rotation, une partie de l’énergie cinétique de cette dernière est transformée en émissions supplémentaires. Les changements de rotation de GPM J1839-10 ne sont néanmoins pas suffisants pour expliquer un transfert d'énergie permettant ces sursauts radio, indique Natasha Hurley-Walker, ce qui suggère que quelque chose d'autre contribue au signal.

Le fait que ces deux objets étranges aient été découverts dans notre propre galaxie à moins d'un an d'intervalle a également été une surprise. Observer des étoiles à neutrons est assez rare, et ces objets, avec leur rotation lente et leurs signaux radio, sont encore plus rares.

« Nous pensons qu'il y en a si peu qu’il aurait été normalement impossible d’en détecter deux en un an dans le cadre d'une étude aussi restreinte », explique Nanda Rea, astrophysicienne à l’Institute of Space Sciences, à Barcelone, en Espagne, et coautrice de la récente étude.

 

UN VESTIGE STELLAIRE DIFFÉRENT

Il se peut que ces mystérieux pulsars ne soient pas des étoiles à neutrons, mais plutôt un autre type de vestige stellaire, que l’on rencontre beaucoup plus souvent, dont la rotation est plus lente et qui est plus grand. Il pourrait s'agir de naines blanches.

Alors que les étoiles à neutrons sont le résultat de l'explosion d'étoiles géantes, les naines blanches sont les restes du cœur d'étoiles de taille modérée, comme le soleil. À leur taille maximale, les naines blanches contiennent environ la masse d'un soleil dans une sphère de la taille de la Terre, au lieu de celle d'une ville comme les magnétars. Le nombre d'objets de ce type estimé dans la Voie lactée signifie qu'il serait logique, en un an, d'en trouver deux dont les champs magnétiques sont très puissants, explique Nanda Rea.

Une naine blanche isolée ne devrait pas être en mesure de produire les puissantes émissions radioélectriques détectées par les scientifiques, mais peut-être nous en reste-t-il davantage à découvrir sur le sujet.

Ces dernières années, les chercheurs ont découvert quelques naines blanches avec un champ magnétique extrêmement puissant. L'astrophysicien Manuel Malheiro, de l'Institut technologique d’aéronautique du Brésil, signale qu'une naine blanche dont le champ magnétique est très fort, avec une période de rotation de sept minutes a été découverte en 2021. Cette étoile pourrait être le résultat de la fusion de deux naines blanches, ce qui la rendrait plus massive, avec une rotation plus rapide et un champ magnétique plus puissant que les étoiles avant à la fusion.

Manuel Malheiro a étudié la possibilité que des naines blanches dont le champ magnétique est très puissant soient certaines de ces sources, présumées être des étoiles à neutrons, et pense que c'est probablement le cas des deux nouveaux objets. S'il s'agit d'étoiles à neutrons, il est clair qu'elles sont très étranges. Il suggère aux chercheurs d'envisager « plus sérieusement » que ce soient des naines blanches pulsars qui soient les sources de ces signaux radio.

 

LA RÉSOLUTION D'UN MYSTÈRE COSMIQUE

Le mois dernier, Natasha Hurley-Walker a participé à une conférence consacrée aux objets compacts émettant des signaux radioélectriques. Après la présentation de la découverte réalisée par son équipe et elle, elle a demandé aux scientifiques présents dans l'assistance s'ils pensaient que ces sources mystérieuses étaient des étoiles à neutrons, des naines blanches ou bien un objet complètement différent. « Les trois réponses ont été données de manière égale », indique-t-elle.

Cela demeure un mystère pour le moment. Cependant, les scientifiques ayant trouvé le nouvel objet très rapidement après avoir utilisé leurs nouveaux algorithmes de recherche, ils espèrent en découvrir d'autres de ce type dans les années à venir.

« Lorsque l'on observe le ciel comme personne ne l’a fait auparavant, il y a presque toujours quelque chose à trouver », déclare l'astrophysicien Jason Hessels, de l'université d'Amsterdam. Ses collègues et lui collaborent avec Natasha Hurley-Walker pour rechercher d'autres objets de ce type à l'aide de LOFAR (Low Frequency Array), un interféromètre radio européen qui couvre les Pays-Bas et plusieurs autres pays du continent.

Bien que les chercheurs ne soient pas surs de la nature de ces deux étoiles, Natasha Hurley-Walker se réjouit du fait qu'ils semblent être tombés sur quelque chose de nouveau. « Mon rêve devient réalité », s’enthousiasme-t-elle.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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