Thomas Pesquet : la Lune dans le viseur

Le spationaute pourrait faire partie des prochains humains à poser le pied sur la Lune, qu'il a photographiée plusieurs fois depuis l’ISS. Il évoque l’importance scientifique des futures missions lunaires ainsi que le rôle de la photographie spatiale.

De Émilie Rauscher et Frédéric Vallois
Publication 23 oct. 2023, 14:14 CEST
Thomas Pesquet dans sa combinaison pressurisée SpaceX pour rejoindre l’ISS, en 2021.

Thomas Pesquet dans sa combinaison pressurisée SpaceX pour rejoindre l’ISS, en 2021.

PHOTOGRAPHIE DE SpaceX

Cet entretien est extrait du hors-série du magazine National Geographic Objectif Lune. Découvrez l'entretien événement de Thomas Pesquet.

La Lune est l’objet céleste le plus visible de notre planète. Est-ce un astre qui vous a inspiré, avec lequel vous ressentez un lien particulier ?

C’est vrai que la Lune est un astre qui nous a toujours fascinés sur Terre. D’où les nombreuses cultures, divinités et mythes qui y font référence… La génération d’astronautes à laquelle j’appartiens était toutefois dans une situation particulière comparée à celle de nos prédécesseurs : nous n’avions pas vécu en direct les alunissages des missions Apollo dans les années 1960-1970. Si bien que nous n’avions pas le même rapport à notre satellite. Pour nous, il n’était pas un objectif concret, mais quelque chose de plus flou, lointain – un rêve inaccessible. Notre présent, ce à quoi nous travaillions, c’était la Station spatiale internationale. J’ai été sélectionné comme spationaute en 2009, et pendant dix ans, l’ISS a été mon horizon… Mais lorsque je suis revenu de ma seconde mission, en 2021, la Lune s’était rapprochée de nous avec le programme Artemis. Alors que je ne l’avais jamais vraiment envisagée, l’idée d’aller sur la Lune a basculé dans le domaine du possible.

 

Artemis III doit se poser sur la Lune fin 2025. Qui a des chances d’être sélectionné et sur quels critères ?

Avant tout, il y a une étape incontournable : Artemis II, qui devrait être lancée l’an prochain avec quatre personnes à bord pour orbiter autour de la Lune. Même si les équipes sont déjà à pied d’oeuvre, la question d’Artemis III ne se posera officiellement qu’après le succès
d’Artemis II. Pour faire partie de l’équipage, il faut que l’agence spatiale à laquelle vous appartenez ait un rôle dans cette mission. Je travaille pour l’Esa (Agence spatiale européenne), et il se trouve qu’elle est impliquée puisqu’elle fournit le module de service Orion et plusieurs éléments techniques de navigation, de propulsion, etc. Autre point qui sera crucial : il faudra des gens expérimentés, qui ont fait leurs preuves sur l’ISS, ont fait des sorties extravéhiculaires, ont été aux commandes de la station… En Europe, nous sommes six, environ, à avoir le bagage nécessaire.

Mais, bien sûr, il n’y aura pas que des Européens. Il y a évidemment les astronautes américains, mais aussi ceux des agences canadienne et japonaise qui font partie des accords Artemis avec la Nasa. Et d’autres nations commencent également à montrer leur intérêt, comme les Émirats arabes unis.

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    La Lune dans les dernières lueurs du crépuscule, prise en photo par l’astronaute depuis le segment russe de l’ISS.

    PHOTOGRAPHIE DE ESA/NASA–T. Pesquet

    L’entraînement sera-t-il spécifique pour cette mission par rapport à celui pour l’ISS ?

    Autant une mission à bord de l’ISS, longue de plusieurs mois, peut être vue comme un marathon, autant un voyage pour la Lune est plutôt un sprint de dix à douze jours. Il y aura forcément des différences majeures dans la préparation. L’ISS n’est qu’à un peu plus de 400 km de la Terre, nous restons dans un voisinage proche. Nous sommes ravitaillés, il n’y a pas de problème de communication : le centre de contrôle est joignable en permanence, et il gère beaucoup de choses à distance pour nous. Et puis, il y a tellement d’éléments à connaître que, pour 50 % des activités à mener, nous ne sommes pas vraiment entraînés. Ça prendrait trop de temps…

    Pour la Lune, en revanche, qui est située à près de 400 000 km soit à trois jours de trajet minimum de la Terre, ce sera autre chose. Il faudra revoir et adapter tout le concept opérationnel, car nous serons seuls. L’équipage devra connaître par coeur chaque point de la mission, comme au temps de la navette spatiale américaine (ndlr : en service de 1981 à 2011), car on ne peut pas se permettre d’avoir des surprises. Ce qui impliquera un entraînement plus intense, plus physique, plus spécifique… On aura aussi sans doute plus d’indépendance, au moins pour les premières missions. À terme, elles seront plus longues, jusqu’à 90 jours quand la station orbitale lunaire Gateway et la base du pôle Sud lunaire seront opérationnelles.

     

    Pourquoi retourner sur la Lune ?

    Il y a déjà tout un volet scientifique. La Lune peut offrir un site d’observation incroyable, et des possibilités de recherche, sur l’origine de la vie par exemple, inégalées. Mais il s’agit aussi de se remettre en capacité physique de mener ce genre d’exploration. La façon de procéder ne change pas, que l’on soit sur Terre ou dans l’espace… On a affaire à un territoire inconnu, et on y envoie des individus résistants. Puis des professionnels y vont à leur tour, et enfin le grand public. Sur la Lune, ce sera la même chose : on a envoyé les premiers explorateurs au tout début de la conquête spatiale, il y a une cinquante d’années, et ils ont réussi. Puis, des astronautes professionnels leur ont succédé pour consolider ces acquis, et maîtriser cet environnement particulier. Si bien qu’aujourd’hui, avec les stations spatiales, on a une présence humaine continue dans l’espace depuis plus de vingt ans. Maintenant, l’espace s’ouvre à la sphère privée… Et les perspectives évoluent...

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