Une planète de la taille de Saturne découverte dans une autre galaxie

Ce monde de la taille de Saturne pourrait être la première planète connue de la galaxie du Tourbillon, ou M51, située à 27 millions d'années-lumière de la Voie lactée.

De Michael Greshko
Publication 26 oct. 2021, 10:45 CEST, Mise à jour 3 déc. 2021, 08:38 CET

Source : Observatoire Chandra X-Ray

PHOTOGRAPHIE DE Observatoire Chandra X-Ray

Il y a environ 28 millions d'années, dans la lointaine galaxie du Tourbillon, une géante bleue a connu quelques turbulences.

La jeune et gigantesque étoile s'est retrouvée dans une danse gravitationnelle avec un partenaire difficile - peut-être un trou noir ou une étoile à neutrons particulièrement dense - dont la gravité était si intense qu'elle se nourrissait comme un vampire des couches extérieures de l'étoile. Lorsque le plasma de l'étoile lui a été arraché, la séparation spontanée des charges électriques y a accéléré les électrons, qui ont émis des rayons X, faisant rayonner l'étoile intensément :  l'étoile est devenue un million de fois plus brillante que notre soleil. 

Puis quelque chose est passé entre cette source lointaine de rayons X et notre système solaire, l'occultant de notre point de vue pendant plusieurs heures. En raison du temps que prend la lumière pour voyager sur de telles distances, les télescopes à rayons X en orbite autour de la Terre n'ont détecté le creux du signal qu'en 2012. Une équipe de scientifiques fait aujourd'hui valoir que le mystérieux objet ayant occulté les rayons X pourrait être une planète, comptant parmi les plus lointaines jamais découvertes.

Dans une étude publiée dans la revue Nature Astronomy, des chercheurs dirigés par l'astrophysicienne Rosanne Di Stefano soutiennent que M51-ULS-1, le système binaire X de la galaxie du Tourbillon, pourrait héberger une planète de la taille de Saturne.

Si cette planète existe vraiment, M51-ULS-1 serait le premier système stellaire localisé dans une autre galaxie ayant une « extraplanète », ou une planète trouvée en dehors de notre galaxie d'origine, la Voie lactée.

« Le fait que cette planète candidate - car pour l'instant c'est toujours une candidate - se trouve dans une autre galaxie me fascine », s'émerveille Rosanne Di Stefano, chercheuse au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. 

L'existence de la planète candidate située dans M51-ULS-1 n'a pas été confirmée pour le moment. Pour la confirmer, il faudrait que les astronomes observent plusieurs baisses périodiques des rayons X, un signe clair qu'une planète orbite autour de la source lumineuse. Mais l'objet spatial en question pourrait prendre des décennies à achever sa révolution, ce qui signifie qu'il faudra peut-être des siècles pour observer plusieurs baisses supplémentaires.

« C'est un peu comme regarder le début d'un match de football… Vous connaissez les équipes, mais vous ne connaissez pas encore le résultat [du match] », explique Chris Burke, chercheur d'exoplanètes au Massachusetts Institute of Technology, qui n'a pas pris part à l'étude.

Comprendre : le système solaire

Pourtant, la technique qui a permis de découvrir ce signal offre une nouvelle manière de détecter des planètes évoluant dans des galaxies lointaines. L'étude suggère également que les planètes pourraient survivre dans des systèmes stellaires plus extrêmes qu'on ne le pensait. 

 

DES MONDES AU-DELÀ DE LA VOIE LACTÉE

Les principales méthodes utilisées par les astronomes pour détecter des exoplanètes dans la Voie lactée consistent à observer les étoiles autour desquelles les planètes orbitent, mais ces techniques sont beaucoup moins efficaces lorsqu'elles sont appliquées à d'autres galaxies. « Si un objet est mille fois plus éloigné, vous observez un million de fois moins de photons », explique Rosanne Di Stefano. « C'est un grand défi. »

Jusqu'à présent, les astronomes à la recherche de planètes situées dans des galaxies autres que la Voie lactée se sont appuyés sur les lentilles gravitationnelles, des régions de l'espace suffisamment denses pour déformer l'espace-temps et courber la lumière qui les traverse. Ces lentilles gravitationnelles se retrouvent parfois directement entre la Terre et un objet lointain. La lumière qu'il émet est alors si intensément courbée que nous apercevons plusieurs images de l'objet clonées sur les contours de la lentille. 

Si une étoile est entourée de planètes, ces mondes affectent la forme de la lentille gravitationnelle, tout comme l'ajout d'un petit éclat de verre à l'objectif d'un appareil photo déformerait subtilement les images que nous pourrions prendre. Les astronomes peuvent détecter ces variations lors d'un événement dit de microlentille et les utiliser pour déduire la présence de planètes autour d'une étoile.

Jusqu'à présent, 118 planètes de la Voie lactée et une planète candidate à l'extérieur de notre galaxie ont été découvertes et observées de cette façon. En 2004, des chercheurs observant la galaxie d'Andromède ont annoncé qu'ils avaient détecté un signal de microlentille inhabituel qui, selon une étude de suivi parue en 2009, pourrait provenir d'une étoile et d'une planète en orbite.

Cette méthode fournit toutefois très peu de détails sur les étoiles ou les planètes en orbite, surtout à de grandes distances.

En 2018, Rosanne Di Stefano et Nia Imara, alors chercheuse postdoctorale à Harvard, aujourd'hui à l'Université de Californie, ont proposé une autre approche pour la chasse aux planètes au-delà de la Voie lactée : observer les systèmes stellaires appelés binaire X.

Ces systèmes sont formés d'une étoile « normale » orbitant autour d'une étoile à neutrons ou d'un trou noir, sorte de danse cosmique très intense. La gravité extrême de l'étoile venant de s'effondrer en un trou noir arrache la matière de sa partenaire stellaire avec une telle férocité que des rayons X irradient bientôt.

Si une planète pouvait survivre dans cet environnement chaotique, il est possible que son orbite passe entre la Terre et la source de rayons X, révélant la présence d'un nouveau monde. 

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    DES ENVIRONNEMENTS EXTRÊMES

    À l'été 2018, Rosanne Di Stefano, Imara et leurs collègues ont décidé d'explorer les archives de l'observatoire de rayons X Chandra de la NASA et le télescope XMM-Newton de l'Agence spatiale européenne pour rechercher les fluctuations des signaux des binaires X. Ils ont rapidement trouvé le signal émis au sein de M51-ULS-1.

    Les chercheurs ont ensuite vérifié si quelque chose d'autre qu'une planète pouvait expliquer la gradation de M51-ULS-1, car les binaires X peuvent fluctuer en luminosité. Jusqu'à présent, ces hypothèses ne se sont pas vérifiées.

    Dans le signal de 2012, les rayons X de toutes les énergies se sont estompées, ce qui implique qu'un objet solide et opaque les occultait. Si l'objet n'avait été qu'un nuage de poussière, il aurait laissé passer au moins quelques rayons X.

    Si l'objet occultant était une étoile, elle agirait comme une lentille gravitationnelle, ce qui donnerait l'impression que le binaire X est plus lumineux, et non plus faible comme observé. Et selon toute vraisemblance, M51-ULS-1 est trop jeune pour héberger une « naine brune » – un objet plus gros qu'une planète géante gazeuse mais plus petit qu'une étoile – une bonne taille pour expliquer les observations qui ont été faites.

    Si une planète évolue bien dans M51-ULS-1, elle a réussi à survivre dans un système solaire très violent et très jeune. 

    Davantage de détections de planètes autour des binaires X pourraient permettre aux chercheurs de révéler à quel point les systèmes stellaires peuvent facilement donner naissance à des planètes. Rosanne Di Stefano, pour sa part, est ravie de voir les chercheurs appliquer la méthode de son équipe à davantage de données radiographiques archivées, y compris pour les binaires X au sein de la Voie lactée. 

    « Cela ouvre un champ très large », dit-elle. 

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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