1953 : Tenzing et Hillary, les deux premiers hommes ayant réussi l'ascension de l'Everest

National Geographic revisite l'ascension britannique du mont Everest de 1953, durant laquelle la plus haute montagne du monde a été gravie par l'homme pour la première fois.

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Publication 9 nov. 2017, 01:46 CET
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Edmund Hillary (à gauche) et le sherpa Tenzing Norgay atteignent le sommet de l’Everest, à 8 848 mètres d’altitude, le 29 mai 1953, et deviennent les premiers hommes à marcher sur la plus haute montagne du monde.
Photo Ap

Extraits de « 50 ans sur l’Everest », par le conseiller de rédaction David Roberts, National Geographic Adventure, avril 2003

De nos jours, l’expédition britannique de 1953, menée manu militari par Sir John Hurt, serait jugée excessive, surtout en raison de l’ampleur démesurée du chargement : 350 porteurs, 20 sherpas, et des tonnes de provisions pour subvenir aux besoins d’une équipe de dix alpinistes. « Nos alpinistes étaient tous potentiellement capables d’atteindre le sommet », rappelle George Band, 73 ans, un des membres du groupe. Cinquante ans plus tard, Band se souvient encore nettement du périple. « À l’origine, le plan consistait à tenter deux ascensions du sommet, chacune réalisée par deux alpinistes. Une troisième montée était envisagée si nécessaire. Au cours de telles expéditions, le leader a tendance à désigner les binômes de grimpeurs assez tard, après avoir évalué les performances de chacun ». Cette nomination pour le départ vers le sommet suscite encore une certaine anxiété, devenue inhérente à chaque expédition majeure pour l’Everest au cours des décennies suivantes. Or, l’enjeu n’avait jamais été aussi élevé.

Vers le printemps 1953, l’ascension du plus haut sommet du monde semblait de plus en plus inévitable. Après la première tentative de 1921 par les Britanniques, l’Everest a repoussé au moins dix expéditions majeures et deux essais insensés en solo. À la suite de la découverte en 1950 d’un accès par le sud de la montagne au Népal, pays ouvert depuis peu sur le monde, et après la première ascension de la capricieuse cascade de glace du Khumbu l’année suivante, un chemin vers le sommet a été repéré. Il sera connu dans les années 1990 sous le nom de « route de brique jaune ».

Les Suisses semblaient en bonne voie de toucher au but. En 1952, une importante équipe suisse, dont faisait partie le légendaire alpiniste Raymond Lambert, avait gravi la route escarpée menant au sommet du Lhotse, puis atteint le col Sud. A partir des hauteurs de cette large crête, Lambert et le sherpa Tenzing Norgay ont ensuite poursuivi jusqu’à 8 598 mètres d’altitude sur l’arête sud-est avant de faire demi-tour. Personne n’avait jamais grimpé aussi haut.

Alors, les britanniques, plus déterminés que jamais à profiter au maximum de leur offensive du printemps 1953, embauchèrent Tenzing, 38 ans, comme chef des sherpas, ou sirdar. Les précédentes expéditions britanniques, bien qu’impressionnantes, présentaient souvent un caractère informel. Toutefois, l’assaut minutieusement planifié de Hunt présentait du professionnalisme. « Arriver le plus vite possible avec le plus de moyens possibles », a observé Ken Wilson, expert en alpinisme. « Cette philosophie s’accordait parfaitement avec l’esprit du chef, un officier militaire qui n’était pas venu pour animer un club d’amateurs en alpinisme ».

Dès le début, Edmund Hillary (pas encore Sir Edmund), apiculteur de 33 ans, était fortement pressenti pour l’ascension vers le sommet. « C’était sa quatrième expédition dans l’Himalaya en seulement deux ans et il était au meilleur de sa condition physique », déclare Band. Les pics glacés de sa Nouvelle-Zélande natale ont été un parfait terrain d’entraînement pour l’Himalaya. Hillary s’est fait un nom très tôt dans l’expédition, car il a mené l’équipe qui s’est frayé un chemin à travers la cascade de glace du Khumbu. « C’est un homme qui retrousse ses manches et met la main à la pâte», affirme M. Wilson.

Cependant, les couacs logistiques, le dysfonctionnement de nombreux paramètres d’acclimatation, et les problèmes liés aux équipements expérimentaux de stockage de l’oxygène ralentirent fortement l’expédition. L’équipe passa 12 jours pénibles à retracer la route empruntée par les Suisses sur le Lhotse, probablement en raison du manque d’expérience des britanniques sur de la glace aussi difficile. Désespéré, Hunt commença à se demander si le groupe parviendrait au col sud.

Le 21 mai, l’expédition atteignit enfin le col, qui représente une étape vitale dans la montée vers le sommet. Ce retard était inquiétant, car les fortes neiges de la mousson pouvaient arriver dès le 1er juin, ce qui aurait empêché toute tentative d’escalade.

En tant que premières personnes à avoir atteint le sommet de l’Everest, Hillary et Tenzing ont acquis une certaine notoriété, toujours aussi inoubliable 50 ans plus tard. Aujourd’hui, qui se souvient de Tom Bourdillon et de Charles Evans ? Pourtant, Bourdillon, ancien président l’Oxford Mountaineering Club, et Evans, neurochirurgien, furent nommés par Hunt pour la première tentative vers le sommet.

Malgré un départ relativement tardif et des problèmes avec les réserves d’oxygène d’Evans, le 26 mai à 13 heures, Bourdillon et Evans atteignirent le sommet Sud, à 8 748 mètres d’altitude, soit 101 mètres avant le sommet. Or, Evans était épuisé, et les deux hommes savaient qu’ils n’auraient pas suffisamment d’oxygène pour poursuivre. Ils décidèrent de faire demi-tour. D’après Michael Westmacott, l’ami le plus proche de Bourdillon au sein de l’équipe de 1953 : « Tom a toujours regretté cette décision ».

Ainsi, trois jours plus tard, Hillary et Tenzing partirent pour le sommet. Leur association fut le fruit d’une pure coïncidence. « Hunt avait toujours eu l’intention d’inclure, si possible, un sherpa dans l’une des équipes désignées à grimper vers le sommet. Il souhaitait reconnaître leur inestimable contribution au succès de ce genre d’expéditions », affirme Band. « Tenzing avait déjà prouvé son potentiel grâce à sa performance l’année précédente avec Lambert.

« En fait, il avait déjà gravi près de 1 200 mètres de plus que n’importe lequel d’entre nous ! » En effet, Tenzing (décédé en 1986) était le vétéran de l’Everest le plus expérimenté, car il avait participé à six tentatives d’ascension auparavant, la première datant de 1935. A tous ceux qui critiquent l’organisation de séjours touristiques payants sur l’Everest, Russell Brice, guide chevronné et fondateur de Himalayan Experience, leur répond crument en plaisantant à moitié : « Vous savez qui a été le premier client à payer pour escalader l’Everest ? Ed Hillary ».

Toutefois, Hillary sut aussi prouver sa valeur ; il paraissait s’endurcir au fur et à mesure de l’expédition. Band note que Hillary s’était également rendu compte que Tenzing et lui-même formeraient un binôme efficace. « Pendant l’expédition, avec le recul, je me souviens qu’il avait fourni des efforts considérables pour développer une bonne entente avec Tenzing », déclare Band. « Ca a marché. Hillary et Tenzing ont logiquement été désignés comme deuxième équipe à se rendre jusqu’au sommet. Mais cela n’a pas été déterminé dès le départ, la décision a été prise au cours de l’expédition. »

Tenzing et Hillary partirent plus tôt et d’un camp plus élevé que Bourdillon et Evans. Ils atteignirent le sommet Sud vers 9 heures. Cependant, les difficultés étaient loin d’être terminées. Après le sommet sud, la crête forme une légère descente avant de s’élever brutalement en un éperon rocheux haut de 12 mètres, juste avant le vrai sommet. En grattant la neige avec sa hache, Hillary se hissa entre le rocheux et une crête de glace adjacente afin de surmonter le terrible obstacle, qui sera plus tard connu sous le nom de ressaut Hillary. Le duo atteignit le toit du monde à 11h30 le 29 mai.

Les hommes se serrèrent la main « à la façon anglo-saxonne », comme l’écrira plus tard Hillary. Puis, Tenzing prit son partenaire dans ses bras en lui assénant des tapes dans le dos. Ils ne restèrent que 15 minutes au sommet. Hillary a écrit : « Evidemment, mes pensées allaient à Mallory et Irvine ». Il faisait référence aux deux alpinistes britanniques disparus dans l’arête nord-est de l’Everest en 1924. « J’ai cherché autour de moi, dans l’espoir d’apercevoir un signe de leur arrivée au sommet, mais je n’ai rien vu ».

Alors que les deux hommes redescendaient, le premier alpiniste qu’ils croisèrent fut leur collègue George Lowe, lui aussi néo-zélandais. Les paroles de Hillary entrèrent dans la légende : « Eh bien, George, on se l’est fait le salaud ! »

Leur exploit fit du bruit, même après leur départ de la région. « En arrivant à Katmandou, des questions politiques ont été soulevées, surtout de la part des presses indienne et népalaise, qui voulaient s’assurer que Tenzing était arrivé premier », se rappelle aujourd’hui Sir Edmund. « Ils voulaient la preuve que les alpinistes népalais et indiens étaient aussi bons que les étrangers. On s’est senti mal à l’aise à l’époque. John Hurt, Tenzing, et moi-même nous sommes réunis. Nous avons décidé de ne pas dire qui avait atteint le sommet en premier.

« Pour un alpiniste, peu importe qui arrive en premier. En général, celui qui grimpe le plus vite laisse son partenaire prendre la tête ». Le pacte du binôme est resté secret quelques années, jusqu’à ce que Tenzing révèle dans son autobiographie intitulée « Tiger of the Snows » (« Tigre des neiges ») que Hillary l’avait précédé.

À l’aube de leur exploit, aucun des deux hommes n’aurait imaginé l’ampleur de l’engouement suscité par cet immense amas de neige qui s’élève à plus de 8 kilomètres dans le ciel. « Pour Tenzing et moi-même, il était improbable que quelqu’un retente l’ascension après notre expédition dans la montagne », avoue aujourd’hui Sir Edmund. « Nous avons eu tort ».

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