Seconde Guerre mondiale : Bletchley Park, le site de décryptage des messages de l'Axe

Pendant la 2nde guerre mondiale, les Anglais sont parvenus à décrypter les messages allemands émis par des machines Enigma, réputés indéchiffrables. Rencontre avec Betty Web, aujourd'hui autorisée à parler de son travail pour l'intelligence britannique.

De Roff Smith
Betty Webb, 97 ans, n’avait que 18 ans lorsqu’elle a commencé à travailler à Bletchley Park, ...

Betty Webb, 97 ans, n’avait que 18 ans lorsqu’elle a commencé à travailler à Bletchley Park, le principal centre de décryptage du Royaume-Uni.

PHOTOGRAPHIE DE Robert Clark

« C’est dans cette pièce que j’ai signé l’Official Secrets Act », dit Betty Webb, 97 ans, en montrant de sa canne une chambre située au rez-de-chaussée du manoir de Bletchley Park, le site de décryptage ultra-secret pendant la Seconde guerre mondiale. On entrevoit, à travers la baie vitrée, un énorme bureau.

« Un agent supérieur des services de renseignement y était toujours assis », précise-t-elle. « Je me souviens qu’il avait un pistolet à portée de main, à la place de cette tasse de café que vous voyez là. On m’a demandé de signer un document en me faisant clairement comprendre que je ne devais en aucun cas mentionner mon travail à qui que ce soit. Je me suis exécutée. Un moment solennel. J’avais 18 ans à l’époque. »

C’était en 1941. Le Royaume-Uni était en guerre. L’Europe était en grande partie tombée aux mains des troupes allemandes.

En ce temps-là, Webb prenait des cours d’économie à domicile mais elle décida de s’engager dans l’Auxiliary Territorial Service, la branche féminine de l’armée britannique. « Je voulais vraiment contribuer à l’effort de guerre. Je ne pouvais pas me contenter de concocter des rouleaux de saucisse ». Webb est bilingue. Elle a grandi avec une nounou allemande et a même fait une partie de ses études en Allemagne. On lui a ordonné de prendre la route pour Bletchley, à une heure environ de Londres. « C’était tellement secret que je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. D’ailleurs, personne ne savait. »

Au début, on a demandé à Webb de répertorier les milliers de messages allemands codés que les stations d’écoute britanniques interceptaient tous les jours. À mesure que la guerre s’intensifiait, elle a commencé à paraphraser les informations recueillies par les décrypteurs pour que personne ne soupçonne qu’elles avaient été obtenues par décryptage.

Les dirigeants allemands étaient convaincus que les messages codés par Enigma, qui pouvait générer une infinité de combinaisons, ne pouvaient en aucun cas être décryptés. Mais le personnel de Bletchley Park leur a donné tort.

PHOTOGRAPHIE DE Robert Clark&& NG

« On devait faire croire qu’il s’agissait d’informations que des espions nous avaient fournies ou que nous avions recueillies à l’aide de documents volés ou auprès des unités de reconnaissance aérienne », explique-t-elle. « Très peu de personnes savaient qu’on avait réussi à décrypter les codes militaires allemands et japonais. C'était le secret le mieux gardé. »

Betty Webb prenait plaisir à faire ce travail. « Le côté fourbe me plaisait bien », dit-elle en esquissant un sourire. Les messages japonais interceptés faisaient également partie de ses tâches. Elle en paraphrasait si bien le contenu qu’en juin 1945, après la fin de la guerre en Europe, elle fut envoyée à Washington pour soutenir l’effort de guerre américain dans le Pacifique. « J’ai fait le trajet à bord d’un hydravion à coque », se souvient-elle. « C’était la première fois que je prenais l’avion. J’ai envoyé une carte postale à mes parents de Washington. Ils ont sûrement dû se demander ce que je faisais aux États-Unis mais ne m’ont jamais posé la question. D’ailleurs, je ne leur aurai rien dit. »

Ce n’est que de longues décennies plus tard que les employés de Bletchley ont enfin été autorisés à parler de leur travail pendant la guerre. « Mes deux parents étaient déjà morts à l’époque. Ils ne l’ont donc jamais su », avoue-t-elle. « Tout ce mystère a rendu difficile la possibilité de décrocher un emploi après la guerre. Surtout pour les hommes. Tout ce qu’on pouvait dire aux employeurs c’était qu’on avait travaillé à Bletchley Park sans plus de détails. »

Webb a fini par trouver du travail dans une école dont le directeur avait fait partie de l’équipe de Bletchley. « Je ne l’avais jamais vu », précise-t-elle, « mais il a lu dans mon dossier de candidature que j’avais également travaillé à Bletchley. Pas de questions embarrassantes. Pas d’explications nécessaires. J’ai simplement été embauchée. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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