La lutte de Nelson Mandela contre l’apartheid, un combat inachevé

Il a consacré sa vie au démantèlement du racisme. Retour sur le parcours de ce militant qui a passé 27 ans de sa vie en prison avant de devenir le premier président noir de l’Afrique du Sud.

De Erin Blakemore
Publication 21 juil. 2020, 17:54 CEST
L’ancien président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, était un fervent défenseur des droits de l’Homme. ...

L’ancien président de l’Afrique du Sud, Nelson Mandela, était un fervent défenseur des droits de l’Homme. Il a consacré sa vie à la lutte pour l’égalité et a éventuellement contribué au démantèlement de la politique d’apartheid. La Journée internationale Nelson Mandela est célébrée le 18 juillet de chaque année pour commémorer son héritage.

PHOTOGRAPHIE DE Pool-Theana Calitz-Bilt, Ap

Nelson Mandela est né le 18 juillet 1918 dans ce qu’on appelait alors l’Union de l’Afrique du Sud, un État autonome au sein de l’Empire britannique. La majorité des habitants étaient Noirs mais la minorité blanche contrôlait les terres, la richesse et le gouvernement – une structure sociale discriminatoire qui a par la suite été codifiée dans la législation du pays, dénommée apartheid.

Jusqu'à sa mort, Mandela a lutté pour renverser l’ordre public, au moyen de stratégies de résistance, de longues années d’emprisonnement et de leadership dynamique. Une vie entière pour libérer l’Afrique du Sud du joug de l’apartheid et la faire entrer dans l’ère de la réconciliation et de la démocratie.

 

DU COLLÈGE À L’UNIVERSITÉ

À sa naissance, Nelson Mandela portait le nom de Rolihlahla Dalibhunga Mandela. Son père était chef du clan Madiba et membre de la dynastie des Thembu, une division des Xhosa, le deuxième plus grand groupe culturel en Afrique du Sud. Après avoir refusé d’obtempérer aux ordres d’un juge britannique blanc, il est destitué de ses fonctions et dépossédé de ses biens.

Premier jour d’école. Rolihlahla est également dépouillé de son identité lorsque son institutrice lui donne un prénom anglais, une pratique courante à l’époque où « les Blancs ne pouvaient ou ne voulaient pas prononcer un prénom africain, et considéraient qu’en porter un était non civilisé », comme il l'écrivit dans son autobiographie Un long chemin vers la liberté.

Si Mandela avait été marginalisé en Afrique du Sud en raison de sa couleur de peau, il réussit cependant, grâce à son sang royal et ses relations, à intégrer Fort Hare, la seule université où les Noirs étaient admis. Là-bas, il se familiarise avec le militantisme et se fait même expulser après avoir conduit une grève dénonçant les prérogatives limitées du Conseil représentatif des étudiants. Il retourne alors dans sa province natale du Cap oriental et découvre que sa famille voulait lui imposer un mariage tribal arrangé. En 1941, il s’enfuit vers Soweto, la plus grande ville de population noire en Afrique du Sud.

 

LUTTER CONTRE L’APARTHEID

À Soweto, Mandela suit des études de droit à temps partiel à l’université du Witwatersrand (Wits) et fonde le premier cabinet d’avocats noirs. Il rejoint le Congrès national africain qui milite pour les droits civiques des Noirs en Afrique du Sud. Le régime sud-africain se durcit en 1948 avec l’instauration officielle de l’apartheid. À travers le pays, les Noirs sont tenus de se munir d’une pièce d’identité à tout moment et de la présenter pour accéder à des zones réservées aux Blancs. Ils sont obligés de vivre dans des régions strictement noires et les relations interraciales sont formellement interdites. Les Noirs ont même été rayés des listes électorales puis totalement privés de leurs droits.

Pour lutter contre l’apartheid, Mandela et ses collègues du Congrès national africain adoptent d’abord des tactiques pacifiques comme les grèves et les manifestations. En 1952, Mandela organise le lancement d’une campagne de désobéissance civile de grande envergure où il pousse les manifestants noirs à enfreindre les lois. Plus de 8 000 personnes – y compris Mandela – sont emprisonnées pour non-respect du couvre-feu, refus de présenter des pièces d’identité et autres infractions.

Des manifestants se rassemblent devant le palais de justice de Johannesburg en Afrique du Sud au cours du procès pour trahison en 1956. Les militants anti-apartheid sont jugés non-coupables et acquittés. Cependant, quelques-uns, dont Nelson Mandela, font l’objet d’un autre procès en 1964.

PHOTOGRAPHIE DE AFP, via Getty

Grâce à la campagne de désobéissance civile, Nelson Mandela et le Congrès national africain se font connaître du grand public. Après avoir purgé sa peine, Mandela continue d’organiser des manifestations contre le gouvernement. En 1956, il est condamné pour trahison avec 155 autres personnes. Il est remis en liberté en 1961 et vit dans la clandestinité pendant 17 mois.

Au fil du temps, la résistance armée devient pour Mandela le seul moyen de mettre fin à l’apartheid. En 1962, il quitte brièvement le pays pour suivre une formation militaire et sensibiliser le monde à sa cause mais il est arrêté et condamné peu de temps après son retour pour avoir quitté le territoire sans permission. Pendant son séjour en prison, la police découvre des documents faisant état d’un plan de guérilla. Un autre procès s’ouvre : celui de Rivonia.

Jugés pour sabotage, Mandela et les autres accusés savent qu’ils seront exécutés. Ils transforment donc leur procès en une déclaration pour mettre en lumière la lutte anti-apartheid et dénoncer le système judiciaire qui opprime les Noirs en Afrique du Sud. Le premier plaidoyer de la défense est un discours de Mandela lui-même qui dure quatre heures.

« Si les Africains ont été privés de leur dignité humaine, c’est le résultat direct de la politique de suprématie blanche », dit-il. « Notre lutte revêt une dimension nationale. C’est la lutte du peuple africain. Une lutte qui puise ses origines dans nos souffrances et nos expériences. C’est une lutte pour le droit de vivre. » Mandela était profondément attaché à un idéal : celui d’une société libre. Et de conclure par ces mots : « C’est un idéal pour lequel je suis prêt, s’il le faut, à mourir. »

 

27 ANS DE PRISON

En 1964, Mandela n’a pas été condamné à la peine de mort mais à la prison à perpétuité. Il n’avait droit qu’à une seule visite de 30 minutes par an et ne pouvait rédiger et recevoir que deux lettres chaque année. Il était détenu dans des conditions austères et travaillait dans une carrière pour extraire le calcaire. Au fil du temps, il force le respect de ses ravisseurs et de ses codétenus. On lui propose de renoncer à la lutte armée contre l’apartheid en échange de sa libération. Il refuse.

En 27 ans d’emprisonnement, Mandela devient le prisonnier politique le plus connu à l’échelle mondiale. Ses discours sont interdits en Afrique du Sud mais rien n’y fait : il est déjà l’homme le plus célèbre du pays. Ses partisans militent pour sa libération et la nouvelle de son emprisonnement mobilise les militants anti-apartheid du monde entier.

Dans les années 1960, certains membres des Nations unies appellent à des sanctions contre l’Afrique du Sud, des revendications qui gagnent en ampleur au cours des décennies qui ont suivi. L’Afrique du Sud finit par devenir un paria sur la scène internationale. En 1990, face à la pression internationale et à la menace d’une guerre civile, le nouveau président, F.W. de Klerk, s’engage à mettre fin à l’apartheid et à libérer Mandela.

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    Main dans la main et poings levés, Nelson Mandela et sa femme, Winnie, à la sortie de la prison Victor Verster en Afrique du Sud. Mandela a passé 27 ans de sa vie en prison pour son inlassable lutte contre l’apartheid. Une fois libéré, il a négocié la fin de la politique raciale avant d’être élu président de l’Afrique du Sud.

    PHOTOGRAPHIE DE Allan Tannenbaum, the Life Images Collection, Getty

    L’apartheid n’a pas immédiatement pris fin avec la libération de Mandela. Alors âgé de 71 ans, il négocie avec de Klerk l’élaboration d’une nouvelle constitution. L’apartheid est officiellement aboli en 1991 et, en 1994, le Congrès national africain remporte plus de 62 % des voix lors d’élections à la fois pacifiques et démocratiques. Mandela, qui partage avec de Klerk un prix Nobel de la paix, devient président d’un nouveau pays, l’Afrique du Sud. (À lire : L’apartheid a pris fin il y a 29 ans. Comment l’Afrique du Sud a-t-elle évolué depuis ?)

     

    FIN DE L’APARTHEID

    Mandela a occupé le poste de président pendant cinq ans. On compte parmi ses réalisations la création de la Commission de la vérité et de la réconciliation pour recenser les violations des droits de l’Homme et permettre une réconciliation nationale entre les victimes et les auteurs d’exactions. Bien que ses résultats soient contestés, la Commission a jeté les bases d’une justice restauratrice, axée sur la réparation des préjudices plutôt que le châtiment, dans un pays qui peine à panser les plaies de conflits vieux de plusieurs siècles.

    L’héritage de Mandela ne fait pas l’unanimité : certains analystes le considèrent comme un président inefficace et lui reprochent sa manière d’avoir géré l'ordre et l’économie lorsqu’il était en fonction.

    Après la fin de son mandat en 1999, Mandela a œuvré à mettre fin à la pauvreté et à sensibiliser la population au VIH jusqu’à sa mort en 2013, à l’âge de 95 ans.

    La Journée internationale Nelson Mandela est célébrée le 18 juillet de chaque année. C’est un rappel que le travail entamé par Mandela n’est pas fini. Une opinion que Mandela lui-même partageait.

    « Être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres », écrivait-il dans son autobiographie. « La véritable épreuve pour notre attachement à la liberté vient de commencer. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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