Pourquoi ce palais cananéen de l'âge du Bronze a-t-il été abandonné par ses occupants ?

Le magnifique palais cananéen de Tel Kabri a été subitement abandonné il y a plus de 3 700 ans. Quel événement a-t-il pu pousser ses habitants à le déserter ?

De Kristin Romey
Publication 14 sept. 2020, 12:34 CEST
Les jarres et amphores à vin brisées ont fourni des indices majeurs sur ce qu'il s'est passé dans ...

Les jarres et amphores à vin brisées ont fourni des indices majeurs sur ce qu'il s'est passé dans le palais cananéen de Tel Kabri il y a 3 700 ans.

PHOTOGRAPHIE DE Eric H. Cline

Au 18siècle avant J.-C., le magnifique palais cananéen de Tel Kabri, dans ce qui est aujourd'hui le nord d'Israël, était l'un des plus beaux que l'on eut pu voir. L'immense bâtisse de 6 040 mètres carrés était richement ornée de peintures murales, possédait une salle de banquet et des salles remplies de plus d'une centaine d'énormes amphores de vin épicé.

Et puis, à un moment donné au cours de ce siècle, le palais a été soudainement abandonné et laissé vacant pendant près d'un millénaire.

Environ 3 700 ans plus tard, à partir de 2009, les raisons qui avaient pu pousser ses occupants à abandonner le site laissaient les archéologues perplexes. Cet imposant et somptueux bâtiment avait servi de centre politique pour les Cananéens de la région. Et il avait été rénové peu de temps avant de tomber en désuétude. Alors pourquoi ses habitants ont-ils fui ?

Une vague visible dans le mur du fond d'une salle du palais faisait également penser à une activité sismique.

PHOTOGRAPHIE DE Eric H. Cline

Le site de 30 hectares de Tel Kabri se trouve dans une région tectonique active, un tremblement de terre serait donc une explication plausible de ce départ précipité. Mais pour les archéologues, invoquer un tremblement de terre semblait être « trop » facile, un peu comme qualifier de « rituel » un artefact que les archéologues peinent à expliquer ou décrire.

Au lieu de cela, l'équipe de Tel Kabri a passé plusieurs saisons de fouilles à exclure les possibilités. Avec le soutien de la National Geographic Society, les archéologues ont recherché des preuves de sécheresse, d'inondations ou d'autres facteurs environnementaux qui auraient pu éloigner les résidents. Ils ont recherché des signes d'incendies, d'armes ou de corps non enterrés qui auraient pu indiquer un combat ou des scènes de violence. Rien.

Une photo aérienne du site montre une tranchée horizontale traversant la moitié supérieure du site.

PHOTOGRAPHIE DE Griffin Aerial Imaging

Assaf Yasur Landau de l'Université de Haïfa, codirecteur des fouilles et co-auteur d'une étude publiée dans la revue PLoS One, a déclaré qu'il lui avait fallu six ans pour se faire à l'idée qu'un tremblement de terre avait pu détruire le palais cananéen.

« Je voulais absolument m'assurer que nous avions envisagé tous les scénarios possibles avant d'arriver à une telle conclusion », dit-il. « Il est très important de ne pas être sensationnaliste et d'avoir une approche scientifique. Sinon, c'est une mauvaise chose pour la science et pour la communauté que nous servons. »

En 2011, l'équipe de Tel Kabri a mis au jour une tranchée qui semblait couper droit à travers le palais. Au début, les archéologues ont supposé que la tranchée était moderne, peut-être un canal d'irrigation pour les cultures qui entouraient le site, ou peut-être qu'elle avait été creusée pendant la guerre israélo-arabe de 1948.

« Il y a eu une bataille en 1948 juste de l'autre côté de la route », explique Eric Cline, co-directeur de Tel Kabri, de l'Université George Washington. « Dans nos notes, nous l'appelions "tranchée de chars moderne". »

Pourtant, au cours de plusieurs saisons de fouilles, les archéologues ont commencé à remarquer des irrégularités architecturales. Certains murs étaient légèrement décalés. Certains sols étaient un peu « ondulés », inclinés à des angles pour le moins étranges ou grêlés, probablement par la chute d'objets lourds.

En 2019, 30 mètres de la tranchée avaient été excavés et les archéologues ont remarqué que trois rangées d'un mur du palais semblaient être tombées dans la tranchée.

« À ce moment-là, nous nous sommes tous regardés, et le superviseur de la zone a dit : « Je ne pense pas que ce soit une tranchée moderne. Je pense que c'est une ancienne tranchée », se souvient Cline. « Et l'un de nous a dit : "Euh, un tremblement de terre ?" Oui, peut-être. Appelons Michael. »

Michael Lazar, chercheur au département de géosciences marines de l'Université de Haïfa et auteur principal de l'article paru sur PLoS One, était à Tel Kabri en 2013 lorsque l'équipe a mis au jour pour la première fois une salle où du vin avait été entreposé. « J'ai vu un tas de pots qui avaient été brisés par l'effondrement d'un toit », se souvient-il. « Assaf m'a demandé : "Qu'en pensez-vous ?" et j'ai dit, "Tremblement de terre". Et Assaf m'a répondu : "Non, qu'est-ce qui, selon vous, en est vraiment la cause ?" »

Six ans plus tard, les experts s'accordent à dire que la tranchée est bien une fissure causée par un tremblement de terre. Peut-être était-elle le résultat de la liquéfaction (lorsque le sol saturé en eau perd sa structure), ou d'un coup direct par un tremblement de terre, ou d'une conséquence d'un tremblement de terre plus éloigné qui a perturbé la nappe phréatique de Tel Kabri.

Les chercheurs ont alors commencé à analyser les fins grains de sédiments qui recouvraient le sol du palais et ont découvert que des matériaux s'étaient effondrés d'un coup. L'absence de boue tendait à prouver que le sol n'avait pas été exposé aux éléments pendant un certain temps avant que la couche de sédiments ne le recouvre. Il s'agissait là d'un événement soudain, pas d'une lente décomposition.

Mises bout à bout, toutes les caractéristiques du palais qui semblaient si singulières ont commencé à faire sens : les murs décalés ; les sols en pente et grêlés ; les énormes jarres d'argile de vin brisées ; les preuves micro-géologiques ; et la fissure qui a divisé le palais en deux. En plus de cela, les relevés de sédiments de la mer Morte indiquent qu'un tremblement de terre s'est produit dans la région vers 1 700 avant J.-C., époque à laquelle le palais a été abandonné. Un tremblement de terre serait la seule explication plausible.

« C'est de l'archéologie », dit Cline. « Vous savez, les pièces s'assemblent. Vous rejetez les hypothèses, vous obtenez des hypothèses plus plausibles. Vous éliminez l'impossible et travaillez avec ce qu'il reste. »

Tina Niemi, géologue à l'Université du Missouri-Kansas City qui n'a pas pris part au projet Tel Kabri, convient que les preuves semblent indiquer un tremblement de terre, même si, selon elle, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour déterminer son origine exacte. Serait-ce la petite faille de Kabri, qui court à proximité du site ? Ou la faille la plus grande et la plus dangereuse de la mer Morte, située à environ 40 km à l'est ? L'excavation d'une section transversale de la fissure qui traverse le palais, dit-elle, pourrait permettre aux chercheurs de répondre à cette question.

Pour Yasur-Landau, l'hypothèse du tremblement de terre ne soulève plus de scepticisme. « Nous travaillons depuis environ cinq ans sur cette question spécifique. Donc c'est vraiment, vraiment gratifiant pour nous d'avoir une réponse. »

Mais pour Lazar, la découverte soulève de nouvelles inquiétudes pour les habitants de la zone, en particulier si la faille de Kabri s'avère être à l'origine de la destruction du palais. « Quand vous parlez de tremblements de terre en Israël, tout le monde pense à la faille de la mer Morte », dit-il. « Et tout ce qui se trouve au large de la faille de la mer Morte n'est pas considéré comme une menace majeure. »

Lazar ajoute que la faille de Kabri a été supprimée de la nouvelle carte des failles potentiellement actives en Israël. Pourtant, si elle était effectivement responsable des dommages causés il y a à peine 3 700 ans, son potentiel d'activité future ne peut être exclu.

« Cela a une signification précise pour l'évaluation des dangers, et nous devons le remettre sur la carte. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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