Pauline Bonaparte, l’indomptable sœur de Napoléon

Aussi belle et frivole que généreuse et loyale, Pauline Bonaparte a défié les conventions de son époque et l’autorité de son frère en menant une vie amoureuse particulièrement libre.

De María Pilar Queralt Del Hierro, historienne
Publication 18 août 2021, 10:00 CEST
Pauline Bonaparte. Par Marie-Guillemine Benoist. 1808. Château de Fontainebleau

Pauline Bonaparte. Par Marie-Guillemine Benoist. 1808. Château de Fontainebleau 

PHOTOGRAPHIE DE Wikimédia Commons

Selon Napoléon, sa sœur Pauline était « la plus belle femme de son temps » et « la meilleure des créatures vivantes ». Tout le menait à une telle conclusion. Sa beauté a été largement mise en avant par des artistes tels que le sculpteur Antonio Canova et les peintres Marie-Guillemine Benoist ou Robert Lefèvre. Sa volonté d’accompagner son frère lors de son premier exil sur l’île d’Elbe et les nombreuses lettres qu’elle lui a envoyées pour surmonter sa solitude lors de son exil à Sainte-Hélène témoignent de sa nature loyale et généreuse.

 

DANS L'OMBRE DE SON FRÈRE

La vie de Pauline Bonaparte est une aventure. Elle naît le 20 octobre 1780 à Ajaccio, sixième des huit enfants de l’avocat et politicien Charles Marie Bonaparte et de Maria Letizia Ramolino. Les velléités politiques de son père, versé dans la cause nationaliste corse, mettent fin à la bonne situation économique de la famille. En 1793, après l’affrontement de Napoléon avec le leader nationaliste corse Pascal Paoli, la famille, expulsée de l’île, s’installe à Marseille. Le prestige militaire qu’acquiert Napoléon favorise l’ascension sociale des Bonaparte et leur permet de surmonter les difficultés économiques et de fréquenter la haute société provençale.

Malgré sa jeunesse, Pauline côtoie déjà les camarades de son frère. Après une idylle ratée avec Junot, Napoléon la fait venir à ses côtés à Milan pour mettre un terme à sa relation avec le vétéran révolutionnaire Louis Marie Stanislas Fréron. Dans la ville italienne, elle rencontre Charles Leclerc, l’un des hommes de confiance du futur empereur. Ils se marient avec la bénédiction de celui-ci le 14 juin 1797 ; un an plus tard naît Dermide, le seul enfant du couple. Mais le mariage n’empêche pas Pauline de se plonger dans une spirale de fêtes et de frivolités, où elle ne brille pas par sa fidélité.

 

LA VEUVE JOYEUSE

En 1801, Napoléon décide de réprimer la révolte des insurgés de Saint-Domingue menée par Toussaint Louverture en envoyant aux Caraïbes son beau-frère Leclerc à la tête de 20 000 soldats. Contre sa volonté, Pauline se voit dans l’obligation d’accompagner son mari avec le petit Dermide. Arrivée à Port-au-Prince, la capitale de l’île, elle sait briller comme elle l’a fait à Paris lors de ses premières années de mariage. De fête en fête, sans avoir à supporter le regard critique de son frère, elle devient le centre de la vie sociale de la colonie française. La situation de Leclerc est très différente. Il doit non seulement employer tout son temps à réprimer la rébellion, mais il voit également, impuissant, la fièvre jaune décimer ses troupes.

C’est la première fois que Pauline a l’occasion de montrer son grand cœur. Elle transforme sa demeure en hôpital de campagne qu’elle dirige elle-même et oblige ceux qui ont fréquenté ses salons en quête d’amusement à en faire de même. Cependant, la tragédie va la frapper de près. En novembre 1802, Leclerc contracte la fièvre et meurt, obligeant Pauline à retourner en France avec Dermide et le corps embaumé de son époux. Après avoir organisé les obsèques de son mari, Pauline ne porte le deuil que le temps nécessaire dicté par le protocole. Elle n’est pas faite pour être une veuve éternellement éplorée et ne tarde pas à collectionner les amants, dont François Joseph Talma, un acteur très populaire à Paris, ce qui déclenche un scandale inévitable.

Le peintre David a réalisé cinq versions de ce célèbre tableau représentant le Premier consul franchissant les Alpes en 1800. La posture déterminée et dynamique font de Bonaparte l’incarnation du héros de propagande. 1803. Musée du Château de Malmaison, Rueil-Malmaison

PHOTOGRAPHIE DE Wiki Commons

UNE SŒUR BIEN ENCOMBRANTE

À cette époque, Napoléon s’est déjà lancé dans la course à l’empire. Conscient que, pour atteindre son but, il doit maintenir une réputation irréprochable, il considère la conduite de Pauline comme un obstacle à écarter. Afin de couper court à la scandaleuse trajectoire amoureuse de sa sœur, il décide de lui trouver un mari pour réfréner ses pulsions et lui conférer une certaine respectabilité. Et si ce mariage peut la tenir éloignée de Paris, cela serait encore mieux. La figure du prince Camille Borghèse, un jeune homme de 28 ans vivant à Rome et doté d’une grande fortune, se profile à l’horizon. Le pacte semble convenir à Bonaparte, puisqu’il garantit à sa sœur indocile le titre de principessa, une rente annuelle de 70 000 francs, des propriétés et un personnel nombreux à son service.

Pourtant, Pauline ne semble pas prête à abandonner Paris. Or, l’autorité de Napoléon n’est pas contestable, et après son mariage elle reçoit l’ordre de se rendre immédiatement à Rome dans les termes suivants : « Madame la princesse Borghèse […] la mauvaise saison avance. Les Alpes vont se couvrir de glace. Partez donc pour Rome. Distinguez-vous par votre douceur, votre obligeance envers tout le monde et vos extrêmes prévenances pour les dames parentes et amies de la maison de votre mari. Conformez-vous aux usages du pays, ne méprisez jamais rien, trouvez tout beau, ne dites pas “à Paris, il y a mieux que cela”. »

 

PRISONNIÈRE D'UN MARIAGE ARRANGÉ

Dans la Ville éternelle, elle reprend la vie frivole qu’elle a laissée à Paris. Borghèse accepte ce comportement sans ciller. Il est conscient qu’il ne peut donner à sa femme ce qu’elle semble tellement désirer. La raison en est simple : malgré sa jeunesse, Camille Borghèse est impuissant. La vie de Pauline en Italie est assombrie par la mort de son fils Dermide à l’âge de 6 ans et prend un nouveau tournant avec l’arrivée d’un peintre noble d’origine provençale, Auguste de Forbin. Au départ, leur relation est celle d’un mécène et de son artiste, jusqu’à ce que la princesse Borghèse s’enfuie avec son protégé dans l’une de ses propriétés en France.

Le mari trompé fait appel à Napoléon, qui met fin à la romance en appelant Forbin à ses côtés et en lui donnant le titre de baron de l’Empire. Parallèlement, il écrit à Pauline : « Si tu t’obstines à mener ce type de vie, ne compte pas sur moi. Je ne te recevrai plus tant que tu n’auras pas cessé les désaccords avec ton mari. Mets-toi d’accord avec le prince et tâche de vivre en te montrant digne de mon nom et de ta lignée. »

Pauline ne lui obéit pas. Après son mariage brisé avec Borghèse et se sentant sans doute prisonnière, elle allonge encore sa liste d’amants avec un chef d’orchestre, Félix Blangini ; un commandant de régiment de hussards, Armand de Canouville ; un capitaine de régiment de dragons, Achille Tourteau de Septeuil ; un militaire, le major Duchaud… Jusqu’au moment où l’unique homme à qui Pauline reste fidèle, son frère Napoléon, a besoin d’elle.

 

LA FIDÉLITE FAMILIALE AVANT TOUT

Après l’occupation de Paris par ses ennemis en 1814, Napoléon est exilé sur l’île d’Elbe. Ceux qui lui doivent leur réussite, dont ses propres parents, semblent l’oublier. Seule Pauline lui rend visite pendant son exil. De surcroît, lorsque Napoléon fuit Elbe et retourne à Paris, sa sœur n’hésite pas à lui remettre les précieux diamants Borghèse pour financer la campagne de Waterloo. Puis, lorsque la défaite est indéniable, Pauline insiste auprès du diplomate allemand Metternich pour partager l’exil de Napoléon à Sainte-Hélène, sans jamais obtenir l’autorisation de le faire.

Après la mort de Bonaparte en 1821, Pauline demande de l’aide au pape pour se réconcilier avec Camille Borghèse. Retirée dans sa demeure romaine, elle semble enfin avoir mis de côté sa vie frivole, jusqu’à ce qu’un cancer fulgurant l’emporte à 44 ans. Elle a fait la requête d’être inhumée aux côtés de son premier mari et de son fils Dermide en France, mais Borghèse décide de l’enterrer dans le panthéon familial de la basilique romaine Sainte-Marie-Majeure. Là, parmi les papes et les princes, repose éternellement la Vénus victorieuse qu’immortalisa Canova.

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    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic Histoire et Civilisations. S'abonner au magazine

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