À qui appartenait cette robe retrouvée dans une épave du 17e siècle ?

De somptueux vêtements de soie que l'on croyait être la possession d'une dame d’honneur britannique ne sont que l’un des nombreux mystères qui entourent le dernier voyage du Palmwood, un navire néerlandais du 17e siècle.

De Kristin Romey
Publication 27 janv. 2023, 12:14 CET
Les chercheurs estiment que cette robe de damas retrouvée dans l'épave du Palmwood daterait des années ...

Les chercheurs estiment que cette robe de damas retrouvée dans l'épave du Palmwood daterait des années 1620. Elle reste en excellente condition malgré des siècles passés sous l'océan. 

PHOTOGRAPHIE DE Kaap Skil Museum

Des années de recherche soulèvent parfois plus de questions qu'elles n'apportent de réponses. C'est ce qu'il s'est passé pour les chercheurs s'étant intéressés au contenu spectaculaire d’une épave du 17e siècle, retrouvée aux Pays-Bas, et qui constitue l’une des plus importantes découvertes de vêtements jamais faites en Europe.

L’épave fut découverte en 2009 par un club de plongée local aux alentours de Texel, une île de la mer des Wadden située à une centaine de kilomètres au nord d’Amsterdam, et fouillée entre 2014 et 2017. Depuis lors, près de 1 500 artéfacts ont été retrouvés dans l’épave, surnommée le « Palmwood Wreck » en raison de son onéreuse cargaison de bois dur. Ces trésors passent depuis entre les mains d’une équipe internationale de chercheurs pour subir des examens et faire l’objet de mesures de conservation.

Cette robe, conçue à partir d’une soie aux couleurs discrètes s’étant décolorée pendant des siècles, présente des broderies en argent élaborées en forme de nœud d’amour.

PHOTOGRAPHIE DE Kaap Skil Museum

Les archéologues furent émerveillés de découvrir des vêtements luxueux et étonnamment bien préservés, dont une robe raffinée brodée de nœuds d’amour en argent, une délicate robe de damas, un set de toilette pour femme, un miroir, ainsi qu’une tunique en velours de style ottoman teinte à base de cochenille, un pigment couleur rubis confectionné à partir d’insectes que l'on ne trouve qu'en Amérique. 

Ils trouvèrent également une collection de trente-deux couvertures de livres en cuir datant du 16e et du 17e siècle. Il y a longtemps que leurs pages se sont dissoutes mais les couvertures et leurs estampes révèlent que les différents volumes sont originaires de divers pays comme la France ou la Pologne ; l'un d'eux porte notamment les armoiries de la dynastie des Stuart.   

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    « C'est objets devaient coûter extrêmement cher au 17e siècle, alors pourquoi faire l'effort de les rassembler et de les transporter d’un point A à un point B ? », demande Alex Ewing, conservateur au Kaap Skil Museum, un musée maritime proche de Oudeschild, aux Pays-Bas. 

    Au vu du style des vêtements et des informations issues de l’analyse des couvertures, les chercheurs pensaient initialement que le navire faisait partie d’un convoi qui transportait Henriette Marie, femme de Charles I, de l’Angleterre jusqu’aux Pays-Bas. Une lettre mentionne le naufrage, en mars 1642, d'un navire qui transportait les bagages de la reine consort ainsi que les garde-robes de ses deux dames d’honneur et de leurs servantes.

    UN ÉTERNEL JEU DE QUESTIONS-RÉPONSES

    En 2016, année où les vêtements du Palmwood furent exposés pour la première fois au Kaap Skil Museum, la théorie voulait que l’épave ait coulé en 1642. Depuis lors, cependant, les chercheurs ont tiré plus d’informations des restes du navire, dont le fait que le Palmwood ne put avoir mis les voiles avant 1645. 

    Les initiales « H.I. » et la date « 1636 » furent probablement gravées par le propriétaire de ce bâton de Jacob.

    PHOTOGRAPHIE DE Kaap Skil Museum

    D'après les données dendrochronologiques, les arbres utilisés pour construire le bateau n’ont pu avoir été abattus avant les années 1640 environ, explique Arent Vos, archéologue maritime d’origine néerlandaise qui a beaucoup étudié la zone, dont celle du Palmwood. En prenant en compte le temps nécessaire pour construire le navire et la durée de vie moyenne d’un bateau au 17e siècle, il estime que le navire aurait parcouru les mers entre 1645 et 1660, à 10 ans près.

    Si le Palmwood ne faisait pas parti d’une flotte royale, qu’était-il ? La diversité des habits transportés (dont certains devaient déjà être âgés de plusieurs dizaines d’années au moment du naufrage), la collection de livres internationaux datant pour certains du siècle précédent, l’argenterie et d’autres objets luxueux, mènent certains chercheurs à penser que ces artéfacts devaient appartenir à une famille importante, qui se rendait potentiellement à un poste diplomatique.

    D’autres chercheurs se demandent cependant si cette théorie colle avec tous les artéfacts retrouvés. Le kaftan ottoman, par exemple, n’aurait probablement pas eu sa place dans la garde-robe d’une européenne de la haute société.

    « Nous essayons de comprendre qui étaient ces gens mais [le kaftan] décrédibilise à chaque fois nos théories », souligne Ewing. 

    Le bateau aurait également pu transporter une troupe de théâtre le jour de son naufrage, explique Corina Hordijk, directrice artistique du Kaap Skil Museum. « Ce n’est que l’une des theories existantes. Elle est intéressante mais probablement pas la plus probable. »

    Autre fait étrange : l'absence de sous-vêtements. Les femmes devaient porter de multiples couches de mousseline, de coton ou de laine sous leurs créations de soie mais les chercheurs n’ont trouvé aucune traces de sous-vêtements en dehors de chaussettes de soie et de corsets. « C’est tellement étrange », souligne Ewing.

    Les vêtements conservés jusqu’à présent sont exposés au Kaap Skill Museum dans des vitrines spéciales dépourvues d’oxygène. La plupart des 1 500 artéfacts retrouvés, dont une belle parure en argent, attendent toujours d’être étudiés. 

    Alors que les conservateurs de musées sont occupés avec les objets retrouvés sur le fond marin, il reste à excaver la majeure partie des restes du Palmwood, toujours sous les eaux de la mer des Wadden et enveloppée dans une couverture pour la protéger des courants destructeurs. « Je vois à peu près quelles parties du navire reposent encore sous l’océan », explique Vos.

    Alors que les chercheurs attendent avec impatience le jour où ils rassembleront toutes les pièces du puzzle concernant l’ultime voyage du navire, Hordijk admet qu’un voile de mystère repose sur la femme derrière la robe brodée d’argent. 

    « J’aime l’idée que chacun puisse imaginer qui a pu porter cette robe », songe-t-elle. « Tout le monde peut se faire sa propre histoire. »

    Cet article a initialement paru le 5 mai 2016 sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise et a été mis à jour le 26 janvier 2023.

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