Que dit la science des superstitions entourant le vendredi 13 ?

Découvrez pourquoi cette date a la réputation de porter malheur et comment même ceux qui n’y croient pas peuvent être influencés par notre triskaïdékaphobie collective.

De Brian Handwerk
Publication 13 janv. 2023, 19:11 CET
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D’après certains spécialistes, les superstitions qui entourent le vendredi 13 auraient pour origine des croyances religieuses. Toutefois, la plupart des recherches montrent qu’il ne s’agit pas d’un jour particulièrement porteur d’infortunes.

 

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE D’ALEX SABERI, NAT GEO IMAGE COLLECTION, Nat Geo Image Collection

Le jour le plus sinistre du calendrier est de retour : le vendredi 13.

En 2022, nous n’aurons connu qu’un seul vendredi d’infortune, le 13 mai. Mais cette année, ce jour de mauvais augure se produit deux fois : le 13 janvier et le 23 octobre 2023. Qu’importe le nombre de ces vendredis de malheur dont nous sommes sortis indemnes, il semble que cette journée fatidique continue d’inspirer malaise et craintes d’être en déveine.

S’il n’y a aucune raison logique de redouter la coïncidence occasionnelle d’un jour et d’une date quelconque du calendrier grégorien et de ses cycles de 400 ans, les vendredis 13 peuvent toutefois avoir des effets notables, qui sont parfois le fruit de notre propre imagination, pour le meilleur comme pour le pire.

 

POURQUOI MÊME LES SCEPTIQUES PEUVENT ÊTRE SUPERSTITIEUX

Jane Risen, scientifique du comportement à l’École de commerce Booth de l’Université de Chicago, a découvert que les superstitions peuvent également influencer ceux qui n’en ont pas. À l’occasion d’une étude réalisée en 2016, Jane Risen a constaté que les participants, qu’ils se décrivent comme superstitieux ou non superstitieux, croyaient les uns comme les autres en la plus grande probabilité d’un événement défavorable lorsqu’ils pensaient s’être attiré le « mauvais œil ». Ils craignaient par exemple que le fait d’affirmer qu’ils n’auraient jamais d’accident de voiture augmente la probabilité qu’ils en aient effectivement un.

« En général, je constate que cela se produit parce que l’événement défavorable s’impose à l’esprit et est imaginé de manière plus nette après la perception d’un mauvais augure, explique-t-elle. Nous profitons de la facilité avec laquelle on imagine une chose pour y voir un signe de la probabilité de sa réalisation. »

Ce type de pensées a des chances d’être plus répandu les vendredis 13 : « Même si je n’y crois pas vraiment, le simple fait que le vendredi 13 soit devenu un lieu commun culturel signifie que je l’envisage comme une possibilité », indique-t-elle. Nous avons tendance à davantage remarquer des événements qui sont d’ordinaire anodins lorsqu’ils surviennent à cette date.

« Cela amplifie un peu cette intuition, la fait sembler un peu plus vraie, même quand vous avez conscience qu’elle est infondée. »

Fortuitement, les recherches de Jane Risen suggèrent que la réalisation d’actes rituels ayant la réputation d’éloigner le mauvais œil (le fait de toucher du bois ou de jeter du sel par-dessus son épaule) peut donner des résultats inattendus. En 2014, elle a montré par une étude que certaines personnes effectuent de tels actes rituels même lorsqu’elles n’y croient pas vraiment ; superstitieux ou non, les participants de son étude déclaraient que ces actes leur avaient été bénéfiques.

« Nous constatons que les personnes qui se jinxent finissent par trouver la survenue d’un événement défavorable peu probable lorsqu’elles touchent du bois, indique Jane Risen. Le rituel semble donc bien les aider à maîtriser leur crainte. »

Ainsi, le simple fait d’être conscient d’une superstition est susceptible d’instiller une impression d’ordre dans un monde d’angoisses aléatoires et incontrôlables, selon Rebecca Borah, professeure d’anglais de l’Université de Cincinnati.

« Quand vous vous êtes fixé des règles et que vous vous y pliez avec méthode, tout semble toujours beaucoup plus simple, disait-elle à National Geographic en 2014. [Le vendredi 13], nous ne faisons rien qui suscite trop la peur ou bien nous vérifions à plusieurs reprises qu’il y a bien assez d’essence dans la voiture, etc. »

« Certaines personnes restent parfois même chez elles, quoique statistiquement, la plupart des accidents surviennent en contexte domestique, donc ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie. »

 

D’OÙ VIENT LA PEUR DU VENDREDI 13 ?

Il n’est pas aisé de mettre le doigt sur les origines et l’évolution d’une superstition. Mais d’après Stuart Vyse, auteur et ancien professeur de psychologie au Connecticut College, notre peur du vendredi 13 pourrait trouver sa source dans des croyances religieuses liées au treizième invité de la Cène – Judas, l’apôtre qui aurait trahi Jésus – et à la crucifixion du Christ qui aurait eu lieu un vendredi, jour par ailleurs connu pour être celui où l’on pendait les condamnés.

La conjonction de ces deux facteurs a créé « une sorte de malédiction simultanée qui voit le 13 tomber sur un jour déjà connoté », explique Stuart Vyse. Certains spécialistes de la Bible sont même persuadés que c’est un vendredi qu’Ève aurait poussé Adam à la tentation en lui tendant le fruit interdit et que Caïn aurait occis son frère Abel un vendredi 13.

De manière assez curieuse, l’Espagne semble avoir échappé à cette association maléfique d’un nombre et d’un jour. Le vendredi 13 n’y est cause d’aucun souci, contrairement au mardi 13 que les Espagnols considèrent être le jour le plus dangereux de l’année.

Selon certains spécialistes, cette forme de triskaïdékaphobie, le nom scientifique qu’on donne à la peur du vendredi 13, aurait des origines encore plus anciennes. Selon Thomas Fernsler, consultant en politiques publiques au Centre de ressources pour la formation aux mathématiques et aux sciences (MSERC) de l’Université du Delaware à Newark, le nombre 13 pâtit de ce qu’il se trouve juste après le 12.

Pour les numérologues, le nombre 12 est un nombre « complet ». Il y a douze mois dans l’année, douze signes du zodiaque, douze dieux de l’Olympe, douze travaux d’Hercule, douze tribus d’Israël et douze apôtres de Jésus.

Selon lui, l’association du nombre 13 à la malchance « a à voir avec le fait qu’il se situe légèrement au-delà de la complétude ». « Le nombre devient intranquille, sa portée nous échappe », fait-il observer.

Ce sont peut-être des considérations numérologiques de ce type qui font que les Italiens ne craignent pas le 13 mais plutôt le 17. Le nombre romain XVII est l’anagramme du mot latin « VIXI », que l’on pourrait traduire par « ma vie s’achève ».

 

LE VENDREDI 13 EST-IL VRAIMENT SYNONYME DE MALCHANCE ?

Quoiqu’elles soient arbitraires, les superstitions telles que la peur de passer sous une échelle, la peur des chats noirs ou celle des nombres « qui portent la poisse » ont la vie dure.

« Une fois qu’on les a intégrées à la culture, nous avons tendance à nous y conformer », expliquait en 2013 Thomas Gilovich, professeur de psychologie de l’Université Cornell à Ithaca, dans l’État de New York. « Vous avez le sentiment qu’en les ignorant vous allez provoquer le destin. »

Certaines personnes, volontairement ou mécaniquement, serrent les dents et attendent anxieusement la fin de la journée. D’autres changent complètement de comportement.

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    Dans de nombreux pays d’Europe, on considère que les chats noirs portent malheur.

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    Interrogé de son vivant par National Geographic, Donald Dossey, historien du folklore et fondateur de l’Institut de gestion du stress et des phobies, indiquait en 2013 que certains refusent d’effectuer des déplacements, d’acheter une maison ou de suivre un bon tuyau boursier, et que cette retenue peut ralentir l’activité économique de manière sensible.

    Toutefois, si certaines personnes changent de comportement les vendredis 13, quantité d’études indiquent qu’on ne rencontre pas davantage de problèmes ces jours-là. En 2011, une étude allemande a montré qu’il n’y avait aucune raison de craindre un acte chirurgical programmé un vendredi 13 ; la fréquence et l’issue probable des procédures ne diffèrent pas par rapport aux autres jours. En 2012, d’autres chercheurs avaient montré qu’aux États-Unis, les urgences n’observaient pas de hausse du nombre de patients à cette date. Même la bourse, où les peurs irrationnelles peuvent déterminer des comportements bien réels, ne s’en sort pas moins bien les vendredis 13.

    Fort heureusement, les vendredis 13 ne se produisent pas si souvent que cela. La plupart des années, comme 2023, en comptent deux. Mais certaines n’en comptent qu’un seul. Avec trois vendredis 13, l’année 2026 sera résolument placée sous le signe de la malchance.

    Bien assez tôt, ce vendredi 13 prendra fin et même les plus superstitieux d’entre nous pourront se détendre. Enfin… jusqu’au prochain.

    Cet article a paru pour la première fois en 2013. Il a été mis à jour.

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