Cet objet vieux de 4 500 ans serait l'un des plus anciens hochets jamais découverts

Ces hochets datant l’Antiquité mis au jour en Syrie dans les années 1930 ne seraient pas des instruments de musique, mais plutôt des jouets ayant servi à divertir les enfants.

De Tom Metcalfe
Publication 18 juin 2025, 09:17 CEST
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L’archéologue Mette Marie Hald tient des fragments de hochets vieux de 4 500 ans découverts sur le site de Hama, en Syrie. Mette Marie Hald et ses collègues pensent que ces hochets et d’autres hochets semblables servaient à apaiser les enfants plutôt qu’à faire de la musique, comme d'aucuns ont pu le suggérer auparavant.

PHOTOGRAPHIE DE John Fhær Engedal Nissen, The National Museum of Denmark

Selon une étude qui vient de paraître, des hochets en argile fabriqués en Syrie il y a 4 500 ans l’ont été dans le but spécifique d’« amuser et calmer » les nourrissons. Toutefois, certains archéologues pensent qu’on s’en servait dans des rituels afin de repousser les esprits malins ou alors afin de faire ces deux choses à la fois.

« Ils sont dotés de petits manches qui sont trop petits pour moi et j’ai des mains relativement petites », s’amuse Mette Marie Hald, archéologue du musée national du Danemark, à Copenhague. « Ils sont destinés à des nourrissons ou à des bambins. »

Dans la nouvelle étude, publiée dans la revue Childhood in the Past, Mette Marie Hald et ses co-auteurs décrivent des artefacts conservés par le musée après des fouilles sur un tertre antique à Hama, en Syrie, dans les années 1930. S’ils s’avéraient bel et bien destinés au divertissement des bambins, alors ceux-ci compteraient parmi les plus anciens jouets répertoriés dans les archives archéologiques.

 

PREMIÈRES FOUILLES

La plupart des artefacts récupérés furent dispersés dans des musées à travers le Moyen-Orient et finirent notamment au musée national de Damas. Mais les membres de l’expédition en rapportèrent au Danemark, où ils furent stockés jusqu’à ce que Mette Marie Hald et ses collègues ne les examinent.

La nouvelle analyse a établi qu’au moins vingt-et-un des fragments d’argile proviennent de hochets fabriqués il y a 4 000 à 4 500 ans, au début de l’âge du bronze ; Hama était alors l’une des cités-États dans la région.

Selon Mette Marie Hald, une partie d’un hochet a été présentée à tort comme un « tamis », car elle comportait des trous ; tandis le manche creux d’un autre a été étiqueté à tort comme un « tuyau ».

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Des exemples de manches et de corps issus de la collection de hochets de Hama sont superposés sur le contour d’un hochet entier trouvé sur un autre site syrien du nom d’Al-Zalaqiyat.

PHOTOGRAPHIE DE Photoillustration by G. Mouamar, The National Museum of Denmark

 

HOCHETS DE L’ÂGE DU BRONZE OU AMULETTES CONTRE LE MAL ?

L’analyse montre que les fragments sont, du point de vue du style et de la taille, quasi identiques à un hochet intact retrouvé dans au cimetière antique d’Al-Zalaqiyat à quelques kilomètres au nord de Hama et à des hochets provenant d’autres sites des débuts de l’âge du bronze désormais abrités au musée de Damas.

Puisque ces hochets étaient remplis de cailloux ou de petits granulés d’argile et qu’ils faisaient du bruit lorsqu’on les secouait ­­­– un peu à la manière de certains jouets actuels –, les auteurs suggèrent qu’ils furent conçus pour que des enfants en bas âge jouent avec.

Certains archéologues ont émis l’hypothèse que ces hochets remplissaient une fonction « apotropaïque » – ce qui signifie que le bruit qu’ils faisaient servait à repousser les mauvais esprits – ou bien qu’ils faisaient office d’instruments de musique.

Mais l’auteur principal de l’étude, Georges Mouamar, archéologue au musée national du Danemark et au CNRS, a réalisé des expériences avec le hochet d’Al-Zalaqiyat et a conclu qu’il était trop petit pour avoir fait beaucoup de bruit.

« Il produisait juste un tout petit son, indique Mette Marie Hald. Ça n’aurait pas été un instrument de musique très divertissant. »

Les fragments de Hama furent en outre découverts dans ce qui avait été un quartier d’habitation plutôt que dans un temple ou un cimetière ; et cela a renforcé l’idée qu’ils servaient à des enfants, ainsi que l’explique Mette Marie Hald.

 

ACCESSOIRES PROFESSIONNELS

L’analyse a également déterminé que les fragments de Hama étaient faits du même mélange caractéristique d’argiles que la poterie commerciale de la cité antique ; ce qui implique que les hochets étaient fabriqués par des potiers professionnels et vendus sur les marchés de rue aux parents.

Selon Mette Marie Hald, les hochets de Hama semblent de bonne facture et leur glaçure comporte des motifs complexes, ce qui corrobore l’idée qu’ils sont le fruit d’un travail professionnel.

Hama était une place régionale importante au début de l’âge du bronze. Ainsi, les hochets ont pu y être produits en masse pour être vendus ailleurs.

On a découvert d’autres types de hochets dans d’autres régions de la Syrie et du Moyen-Orient – il n’est pas rare que l’on découvre des hochets en forme d’animaux dans le nord de la Syrie par exemple –, il est donc probable que des potiers locaux les aient fabriqués dans des styles populaires dans la région, ajoute la chercheuse.

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    La composition chimique de ces fragments de hochets pour bébés vieux de 4 500 ans correspond à celle d’autres articles ménagers découverts à Hama.

    PHOTOGRAPHIE DE John Fhær Engedal Nissen, The National Museum of Denmark

     

    FAIRE DU BRUIT

    La nouvelle étude a suscité le débat chez les experts concernant la destination des hochets de Hama et d’autres hochets similaires : rituelle ou ludique ?

    Elynn Gorris, archéologue de l’Université de Louvain, en Belgique n’ayant pas participé aux présentes recherches, émet des réserves : les hochets de Hama, bien que petits, auraient été trop grands et trop lourds pour que des nourrissons puissent les tenir. Elle admet toutefois qu’ils auraient pu convenir à des bambins.

    Elle fait observer que des hochets similaires ont été découverts sur des sites archéologiques des Amériques (notamment un hochet de Californie qui pourrait être vieux de mille ans), où des indices laissent penser qu’on s’en servait dans des rituels traditionnels et pour faire de la musique, comme c’est le cas aujourd’hui encore.

    Mais « il ne s’agit pas d’avoir tort ou raison, c’est une histoire inclusive, dit-elle. Ils ont très bien pu être utilisés par des bambins, mais cela n’exclut pas le fait qu’il a pu s’agir d’instruments de percussion pour rester en rythme pour les adultes, pour des comptines ou pour des chants rituels ».

    Kristine Garroway, archéologue et professeur à l’Institut juif de religion du Hebrew College Union, à Los Angeles, qui a étudié des hochets en argile antiques du Levant, se dit « très convaincue » par les conclusions de l’étude. Mais elle pense aussi que les hochets pourraient avoir eu un « double emploi » ; celui d’objets apotropaïques servant à effrayer les esprits maléfiques et à les éloigner des maisons et celui d’instruments sonores servant à amuser les petits enfants. « Ils ont très bien pu être utilisés de plusieurs manières différentes », explique-t-elle.

     

    LES ENFANTS EN ARCHÉOLOGIE

    Si ces hochets sont bel et bien des jouets, alors ils font partie des plus anciens à nous être parvenus. Et il y a d’autres candidats : un char vieux de 5 000 ans découvert en Turquie et une tête en pierre vieille de 4 000 ans, possiblement une poupée, découverte sur une île italienne.

    Le fait que les chercheurs réfléchissent à la vie des enfants de l’Antiquité est important, note Kristine Garroway : « Les enfants sont négligés dans les archives archéologiques, [donc] le simple fait de prendre le temps de se demander si des enfants ont pu utiliser ces objets est extraordinaire. »

    Pour Mette Marie Hald, tout indique que les hochets de Hama étaient conçus pour amuser des enfants en bas âge. « Dans le passé, les parents aimaient leurs enfants, de même que nous aimons les nôtres aujourd’hui, indique-t-elle. Mais peut-être que les parents avaient besoin de distraire leurs enfants de temps à autre afin d’avoir un peu de paix et de calme. De nos jours, nous utilisons des écrans, avant c’était des hochets. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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