Archéologie : un trésor découvert à l’Abbaye de Cluny

Des fouilles archéologiques menées à l’Abbaye de Cluny ont permis la mise au jour fortuite d'un trésor aussi précieux qu’inattendu.

De Juliette Heuzebroc

Au cours des fouilles, les chercheurs ont découvert cet anneau sigillaire qui comporte une intaille précieuse datant de l’Antiquité romaine, représentant un buste d’empereur.

PHOTOGRAPHIE DE A. BAUD, A. Flammin, Laboratoire d'Archéologie et Archéométrie

La Saône-et-Loire et sa mythique Abbaye de Cluny sont le théâtre d’une incroyable découverte : des archéologues, en menant des recherches sur l’ancienne infirmerie, ont mis au jour un trésor. Dans un sac en tissu ont été retrouvés 2 200 pièces d’argent, 21 dinars en or, un anneau sigillaire en or, une feuille d’or pliée de 24 grammes et un petit objet en or en forme de bouton.

Cette trouvaille est l’un des rares vestiges de l’Europe occidentale médiévale. En termes de valeur, Vincent Borrel, doctorant à l’Aoroc, estime que « le trésor devait permettre de se payer entre trois et huit chevaux, l’équivalent d’autant de voitures aujourd’hui. ».

Plus de 2 200 deniers et oboles en argent ont été trouvés, émis en grande partie par l’Abbaye de Cluny et datant probablement de la première moitié du 12e siècle.
PHOTOGRAPHIE DE A. BAUD, A. Flammin, Laboratoire d'Archéologie et Archéométrie

 

L'ABBAYE DE CLUNY, UN TRÉSOR MÉDIÉVAL

L’Abbaye de Cluny a longtemps été l’un des centres névralgiques de la vie intellectuelle médiévale. Fondée en 910 par Guillaume le Pieux, Duc d’Aquitaine, l’abbaye fut immédiatement placée sous l’autorité papale. Elle fût l’une des seules abbayes à fonctionner en toute indépendance du pouvoir séculier ; elle ne devait donc obéissance qu’au Pape et non à l’évêque et aux seigneurs régionaux. Elle a joué un rôle primordial dans la mise en place de la doctrine bénédictine.

L’Abbaye de Cluny a fortement étendu son influence et ses richesses par l’un des plus grands réseaux de prieurés dans l’ensemble de l’Occident médiéval. C’est au 12e siècle que l’abbaye connut un déclin de sa prospérité. Les bâtiments furent peu à peu détruits jusqu’en 1810, la période révolutionnaire n’ayant pas aidé sa conservation. Les 8 % de l’édifice original qui subsistent encore aujourd’hui sont classés au Patrimoine Européen.

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    Lieu des fouilles à l’Abbaye de Cluny (Saône-et-Loire). Les chercheurs s’intéressaient au départ à l'infirmerie du bâtiment, avant de tomber sur le trésor.
    PHOTOGRAPHIE DE A. BAUD, A. Flammin, Laboratoire d'Archéologie et Archéométrie

     

    UN TRÉSOR AUSSI PRÉCIEUX QU’INNATENDU

    C’est en cherchant des éléments de l’ancienne infirmerie que l’équipe archéologique a découvert ce trésor supposément enfoui depuis le 12e siècle. Ne pouvant pas être exposé à l’air libre pour des risques de détérioration par oxygénation, le petit sac renfermant ce panel de trésors a été immédiatement transporté et documenté. Il en ressort que les pièces d’argent provenaient de l’abbaye elle-même, celle-ci ayant l’autorisation de frapper sa propre monnaie. Son impressionnant réseau de prieurés permettait de faire remonter les richesses à Cluny pour ensuite frapper la monnaie.

    Quant aux pièces d’or, elles ne peuvent être chrétiennes, la production n’ayant débuté qu’en 1252 à Florence. D’après les experts, il s’agirait de dinars frappés entre 1121 et 1131 en Espagne et au Maroc. Ces dinars seraient arrivés à Cluny suite à une transaction entre un prieuré d’Espagne et des citoyens de l’Andalousie musulmane d'alors.

    L’objet le plus précieux mis au jour en début de semaine reste l’anneau sigillaire, qui serait daté du 12e siècle également. Les experts ont établi que l’anneau seul valait plus que l’ensemble du reste du butin, mais il reste compliqué de retracer son histoire ou d'identifier ses défunts propriétaires.

    Si les analyses sont encore en cours, beaucoup de questions restent en suspens : à qui appartenaient ces biens ? Pourquoi les avoir enterrés là ? Anne Flammin, ingénieure au CNRS, tente d’établir des hypothèses à ce sujet : « Un religieux a peut-être voulu enfouir son pécule. Le lieu de la découverte pourrait aussi être lié au cellérier, le moine qui gérait les dépenses alimentaires du monastère. » Toutes les questions ne trouveront peut-être pas réponses mais il y a fort à parier que l’Abbaye de Cluny n’a pas encore révélé tous ses secrets.

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