De LGBT à LGBTQIA+ : l'histoire d'une prise de conscience inachevée

La société prend davantage conscience de toutes les identités sexuelles et expressions de genre qui la composent. En témoigne l’acronyme utilisé pour les réprésenter.

De Erin Blakemore
Publication 20 oct. 2021, 17:29 CEST
Gay And Lesbian Pride Parade

Dans les années 1990, les défenseurs des causes lesbiennes, gays et bisexuelles ont adopté l’acronyme LGB pour décrire la communauté qu’ils formaient. Ce terme est depuis devenu plus inclusif. On doit cela en grande partie à la mobilisation de personnes comme celles qui ont participé à la marche des fiertés de Boston en 1975.

PHOTOGRAPHIE DE Spencer Grant, Getty Images

Octobre, mois de l’histoire LGBT. Ou, pourrait-on dire, de l’histoire LGBTQ. Ou même encore mois de l’histoire LGBTQIA+.

Les termes utilisés pour désigner la communauté formée par les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers, intersexes et asexuelles sont aussi variés que les membres qui la composent : plus la société prend conscience de toutes les identités sexuelles et expressions de genre qui existent en son sein, plus elle les reconnaît et les inclut, et plus l’acronyme utilisé pour les désigner s’allonge.

 

AUX ORIGINES DU MOT « LESBIANISME »

De toutes les lettres de l’acronyme LGBTQ, le L fut le premier à voir le jour. Pendant des siècles, on a associé ce mot à l’œuvre de Sappho, poétesse grecque de l’Antiquité, originaire de l’île de Lesbos et autrice de poèmes ayant trait à l’homosexualité féminine.

La première utilisation de ce terme pour décrire des amours homosexuelles remonterait au 17e siècle. Mais son emploi moderne est apparu dans les années 1890 dans un dictionnaire médical écrit en anglais ainsi que dans une multitude de livres traitant de psychologie et de sexualité. Au fil du temps, il a gagné en popularité et a été adopté par des femmes qui aimaient d’autres femmes, d’abord en secret, puis par la suite ouvertement.

 

L’AUBE DE L' « HOMOSEXUALITÉ » ET DE LA « BISEXUALITÉ »

Karl Heinrich Ulrichs, avocat et écrivain allemand du 19e siècle s’étant peut-être identifié comme gay, fut le premier à essayer de qualifier sa propre communauté. Dès 1862, il utilise le terme « Urning » pour parler des hommes attirés par d’autres hommes. « Nous, les Urnings, formons une classe particulière du genre humain, écrit-il. Nous sommes notre propre genre, un troisième sexe. »

Mais le terme est vite remplacé par un mot inventé par le journaliste austro-hongrois Karoly Maria Kertbeny. En 1869, le gouvernement prussien envisage d’interdire les rapports entre hommes dans le texte même de sa Constitution.

En réaction, Kertbeny écrit une lettre ouverte, passionnée et anonyme, au ministre de la justice prussien d’alors. La proposition de loi est pour lui une « idiotie scandaleuse » et il utilise le mot « homosexualité » qu’il avait déjà employé dans une communication privée adressée à Ulrichs. On lui doit également le terme « hétérosexuel » pour désigner ceux qui sont attirés par les personnes du sexe opposé, et « bisexuel » pour les personnes attirées à la fois par les femmes et par les hommes.

La lettre de Karoly Maria Kertbeny y tient, cette attirance homosexuelle est innée et remet en question l’idée prédominante que celle-ci est honteuse et dangereuse. Les premières associations de défense des droits et les premiers psychologues ont fini par adopter ces termes.

 

« GAY » OU LA RÉAPPROPRIATION D'UNE INJURE

À la fin des années 1960, des activistes se sont réappropriés une injure en vogue depuis des décennies : « gay ». Le 20e siècle a dans ses grandes largeurs banni l’attirance et les rapports homosexuels, et il n’était pas rare d’entendre cette insulte, parmi tant d’autres qui dénigraient les LGBTQ+. Bien qu’on ne soit pas certains de ses origines, le mot « gay » a fini par être adopté par les hommes qui défiaient le statu quo en assumant ouvertement leur façon d’aimer.

Des activistes se sont également mis à employer d’autres expressions comme « variant », « déviant » et « homophile » dans le but de contourner les insultes qu’on entendait partout, d’affirmer que les relations homosexuelles relevaient bien de l’amour, et de protester contre les lois discriminatoires. On employait ces mots « comme moyen pour donner du sens à son propre vécu, au fait d’éprouver son homosexualité dans un environnement homophobe », écrit le sociologue J. Todd Ormsbee.

D’après l’essayiste Edmund White, à partir de 1980, le terme « gay » a pris le dessus sur ces autres expressions pour désigner les hommes attirés par les hommes. Il attribue sa popularité croissante au fait que c’est « un des seuls mots qui ne fait pas explicitement allusion à l’acte sexuel ». On l’utilisait alors aussi pour désigner toute personne ayant une orientation homosexuelle ou ne se reconnaissant pas dans le genre qu’on lui attribuait.

 

« TRANSGENRE » LUTTE ACHARNÉE POUR UNE LETTRE DE NOBLESSE

Dans les années 1990, les liens de longue date qui unissaient les personnes lesbiennes, gays et bisexuelles dans la vie quotidienne comme dans leurs luttes pour la dignité ont mené à l’adoption de l’acronyme LGB.

Mais il a fallu encore plus de temps pour que soit reconnu un autre terme désormais inamovible du fameux acronyme : « transgenre ». Bien que les personnes trans aient toujours existé, le mot n’a vu le jour que dans les années 1960. Selon les historiens, c’est un manuel de psychologie qui aurait employé le terme pour la première fois en 1965. La dénomination a ensuite été popularisée par des activistes transféminines comme Virginia Prince, qui fut une des premières à affirmer que genre et sexe étaient deux choses distinctes. Avec le temps, le mot « transgenre » s’est substitué à des terminologies dénigrantes ou réductrices et a peu à peu été intégré aux autres composantes du mouvement LGBT. Son usage s’est répandu à partir des années 2000.

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    Les personnes transgenres ont dû lutter plus longtemps pour être reconnues. Ce n’est que dans les années 2000 qu’elles ont vraiment été intégrées au reste de la communauté LGBT. Elles continuent de faire face à des obstacles insurmontables comme en témoigne cette photo d’octobre 2019 où l’on voit des manifestants bloquer la rue qui mène à la Cour suprême des États-Unis, alors en pleine délibération pour savoir si les personnes gays et trans étaient bien couvertes par une loi fédérale proscrivant la discrimination à l’emploi sur la base du sexe. Elles ont fini par obtenir gain de cause.

    PHOTOGRAPHIE DE Caroline Brehman, CQ-Roll Call / Getty Images

    COMMENT « QUEER » EST DEVENU MAINSTREAM 

    L’acronyme LGBT s’est vu adjoindre il y a peu un nouveau venu, la lettre Q. L’emploi de l’adjectif « queer » remonte au moins aux années 1910. On l’utilisait alors pour exclure les personnes dont on l’affublait de la société hétéronormative. Mais l’usage du terme s’est répandu au sein même des organisations de défense des droits LGBT dans les années 1990. Pour le linguiste Gregory Coles, c’est un terme qui « peut être vu à la fois comme péjoratif et honorifique » selon l’identité et l’intention de la personne qui le prononce. Les spécialistes s’accordent largement sur le fait que l’emploi du mot « queer » relève de la réappropriation d’une insulte.

    La lettre « Q » a aussi pu désigner à un certain moment les personnes incertaines de leur identité sexuelle ou de genre. Cette définition double renvoie à la question plus large de ce que signifie l’identité personnelle ainsi qu’à la potentielle inadéquation de termes génériques comme LGBT pour désigner des pans entiers de vécu.

     

    UN ACRONYME EN CONSTANTE ÉVOLUTION

    Des adjonctions plus récentes à l’acronyme LGBTQ ont été réalisées afin d’inclure davantage de personnes. On ajoute régulièrement les initiales I (pour « intersexe ») et A (pour « asexuel »), ou encore le signe « + » pour désigner un éventail encore plus large d’identités de genre et d’identités sexuelles.

    L’acronyme a ses détracteurs, surtout chez les personnes qui affirment qu’aucun terme ne pourra jamais englober le spectre de l’expression du genre et de la sexualité dans son ensemble. Diverses organisations académiques et gouvernementales, et notamment les Instituts américains de la Santé (NIH), ont adopté il y a peu l’expression « minorités sexuelles et de genre » afin d’être encore plus inclusives.

    Et à n’en pas douter, les mots que l’on emploie pour décrire l’expression de genre et l’identité sexuelle continueront à évoluer.

    « Aucun terme n’est parfait ou parfaitement inclusif », écrivait un comité des Académies nationales de science, d’ingénierie et de médecine (NASEM) dans un rapport publié en 2020. « La beauté de l’individualité est que l’expression de soi, tout comme les choix personnels et amoureux, peut se manifester d’une multitude de façons. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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