Découverte de nouvelles espèces ancêtres de l’Homme en Ethiopie

Des mâchoires fossilisées vieilles de plus de trois millions d’années seraient celles de proches de Lucy.

De Nadia Drake
N/A
La mâchoire supérieure de la nouvelle espèce Australopithecus deyiremeda, découverte le 4 mars 2011 dans le triangle éthiopien de l’Afar.
Photo de Yohannes Haile-Selassie

Il y a plus de 3 millions d’années, lorsque « Lucy » parcourait la savane de l’actuelle Ethiopie, il se peut qu’elle ait rencontré d’autres singes se déplaçant sur leurs deux jambes, à l’instar de sa propre espèce, l’Australopithecus afarensis – bien qu’un tout petit peu différents quand même.

Représentée par les mandibules de trois individus, une des nouvelles espèces ainsi décrites a été nommée Australopithecus deyriremeda et montre bien que l’Afrique de l’Est n’était pas peuplée par une seule, mais bien plusieurs espèces d’hominidés il y a 3 millions d’années. Cela impliquerait que celles-ci étaient capables de se faire une place bien distincte dans un environnement stable, en vivant de régimes alimentaires, de cueillettes et autres comportements différents d’une espèce à l’autre.

« Nous n’en savons pas assez pour avancer quoi que ce soit au sujet de la nature des interactions ou des différences écologiques entre l’A. afarensis et l’A. deyiremeda », déclare Stephanie Melillo, de l’Institut Max Planck pour l’anthropologie évolutionniste. « Il nous faut d’abord apprendre à distinguer les deux espèces de leurs restes fossilisés, et c’est précisément le sujet de ce papier. »

Signalés dans Nature en mai 2015, les nouveaux spécimens – une mâchoire supérieure partielle, deux mâchoires inférieures et quelques autres fragments – ont été découvert à Burtele, dans le triangle de l’Afar, en Ethiopie, à un jour de marche de Hadar, où Lucy a été trouvée en 1974. Les sédiments qui entouraient les os ont été datés entre 3,3 et 3,5 millions d’années, une période durant laquelle nous savons que l’A. afarensis a habité la région. Si les nouvelles mandibules ont des caractéristiques communes avec l’espèce de Lucy, elles diffèrent à d’autres niveaux. Certaines racines de dents ont des structures différentes et les dents sont généralement plus petites que celles de l’A. afarensis, ce qui pourrait indiquer un changement d’alimentation.

« De plus petites dents sont souvent synonymes d’une diète reposant davantage sur la consommation de viande », explique Fred Spoor du University College de Londres et de l’Institut Max Planck pour l’anthropologie évolutionniste. « Quant aux muscles masticatoires, ils ont migré vers l’avant, ce qui suggère une certaine redistribution des forces de la mâchoire. »

Les membres de l’équipe fouillent la zone dans le désert de l’Afar, en Ethiopie, où des fossiles appartenant à une nouvelle espèce australopithèque ont été découverts en 2011.
Photo de Yohannes Haile-Selassie, Musee D'histoire Naturelle De Cleveland

Le nom de l’espèce, A. deyrimeda, vient des termes locaux « deyi », qui signifie « proche », et « remeda », qui veut dire « parent » - voilà qui souligne la proximité de l’espèce avec d’autres hominidés. Mais les ressemblances s’arrêtent là.

« Nous sommes convaincus que cette espèce est différente de l’A. afarensis », déclare l’auteur de l’étude, Yohannes Haile-Selassie, du Musée d’histoire naturelle de Cleveland. « Les preuves relevées au niveau des sites de Burtele – toutes n’ont pas été publiées officiellement – vont dans le même sens que nos conclusions. » Haile-Selassie, qui est un bénéficiaire de la bourse National Geographic, constate que classer les nouveaux spécimens dans la famille des A. afarensis introduirait de trop nombreuses variations physiques entre les espèces existantes.

Pourtant, « les différences sont très, très subtiles », déclare le paléoanthropologue Bill Kimbel de l’Institute of Human Origins. « Je pense que les auteurs de ce rapport ont fait du bon travail en analysant le matériel mais pour moi, expliquer les différences constatées par le fait qu’il s’agit d’espèces distinctes est une question de jugement. »

L’A. afarensis demeure l’hominidé le plus notable dans la chronique de fossiles d’Afrique de l’Est d’il y a 3 à 4 millions d’années, soit au milieu du Pliocène. Mais au cours des vingt dernières années, la communauté scientifique a découvert et nommé de nouvelles espèces, dont l’Australopithecus bahrelghazali dans la région du Chad et le Kenyanthropus platyops au Kenya. L’A. deyiremeda vient ainsi agrandir la famille.

« De multiples hominidés ont coexisté en Afrique de l’Est au milieu du Pliocène, c’est incontestable », écrivent les auteurs.

Parmi les découvertes notables figurent de mystérieux os de pieds d’un hominidé retrouvé en 2009 à proximité de l’endroit où le spécimen de l’A. deyiremeda a été déterré. Les os pourraient bien avoir appartenu à une créature dotée d’un pied flexible et d’un gros orteil capable d’attraper des objets, qui ressemblait beaucoup à un hominidé plus primitif, appelé l’Ardipithecus ramidus et vieux de 4,4 millions d’années.

Mais étrangement, les os de pieds trouvés à Burtele datent d’il y a seulement 3,4 millions d’années, autrement dit la période durant laquelle l’A. deyiremeda a vécu. Une proximité géographique et temporelle qui ne peut être ignorée, selon Kimbel.

« Il est désormais primordial de déterminer si ce pied très primitif appartient à la même créature que les dents et les mâchoires australopithèques qui sont décrites dans le rapport », reconnaît Kimbel. « Cela signifierait que des hominidés avec des têtes d’australopithèque semblables mais des membres différents ont pu exister – une vision dans laquelle nous ne nous étions pas projetés jusqu’à présent. »

 

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