Découverte du plus vieux fossile humain hors d'Afrique

La découverte d'une mâchoire supérieure en Israël révèle que notre espèce aurait commencé les excursions hors d'Afrique 50 000 ans plus tôt qu'on ne le pensait.

De John Pickrell
Vue du fossile d'une mâchoire appartenant à un homme moderne retrouvé en Israël.
Vue du fossile d'une mâchoire appartenant à un homme moderne retrouvé en Israël.
PHOTOGRAPHIE DE Israel Hershkovitz, Tel Aviv University

Une mâchoire supérieure partielle retrouvée en Israël montre que les Hommes se sont aventurés en-dehors du continent africain bien plus tôt qu'on ne le pensait. Cette découverte conforte les preuves selon lesquelles notre espèce était aussi présente dans la région du Levant, territoire d'autres espèces humaines comme les néandertaliens.  

Il y a peu, les plus vieux fossiles suggéraient encore que notre espèce, l'Homo sapiens, était apparue pour la première fois il y a 200 000 ans en Afrique de l'est. Si la plupart des vagues migratoires avaient lieu au sein-même du continent africain (jusqu'à il y a 50 000 à 60 000 ans), les fossiles indiquaient que seul un petit nombre d'Homo sapiens s'étaient aventurés hors d'Afrique il y a 120 000 ans.

En juin dernier, des recherches menées sur des fossiles provenant du site archéologique Jebel Irhoud au Maroc ont complètement changé la donne : les scientifiques ont découvert que ce qui semblerait être des Homo sapiens pourraient avoir jusqu'à 350 000 ans. De nouvelles recherches, publiées dans la revue Science, complètent les découvertes marocaines et prouvent que les Homo sapiens ont fait leurs premiers pas en Eurasie il y a environ 180 000 ans, bien plus tôt donc que nos précédentes hypothèses.

« Cette découverte excitante avance la date où l'homme moderne aurait quitté l'Afrique » explique Darren Curnoe, expert sur les origines humaines à l'université de New South Wales à Sydney en Australie.

« Entre cette découverte et celle de l'an denier sur les premiers hommes modernes d'Afrique, la vision que nous avons de nos origines évolue très rapidement, après avoir stagné pendant des décennies.»

 

DATATION COMPLÈTE

Le fossile de mâchoire supérieure a été découvert en 2002 durant une excavation archéologique sur le site de Misliya, sur le mont Carmel dans le nord d'Israël. Autrefois, ce site était un abris rocheux occupé par différentes espèces d'hommes préhistoriques, et ce pendant des centaines de milliers d'années.

« Les Hommes aimaient vivre dans des abris sous roche ouverts afin de voir venir les éventuels proies ou dangers, mais surtout pour rester au sec. C'était l'un de ces endroits d'où ils pouvaient surveiller le paysage avoisinant. » raconte Rainer Grün, co-auteur de l'étude et directeur du centre de recherches sur l'évolution humaine l'université Griffith dans le Queensland.

« Grâce à une analyse détaillée, les chercheurs sont en mesure de confirmer que les structures des dents et de la mâchoire sont celles d'un homme moderne et non d'un néandertalien » dit Rainer Grün.

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      Ce fossile de mâchoire retrouvé en Israël est le plus ancien fossile d'Homo sapiens hors d'Afrique connu à ce jour, daté d'il y a 180 000 ans.
      PHOTOGRAPHIE DE Gerhard Weber, University of Vienna

      Bien que le fossile ait été découvert au début de l'excavation du site, il n'a pas été daté avant 2014 ou 2015. Les premiers résultats étaient si surprenants que l'équipe a décidé de les corroborer en utilisant quatre méthodes de datation différentes sur les dents, l'émail, les sédiments de la mâchoire et une pierre trouvée près du fossile.

      L'équipe, dirigée par le paléoanthropologiste Israel Hershkovitz de l'université de Tel Aviv, explique que les différentes datations estiment l'âge du fossile entre 177 000 et 194 000 ans.

      Cette tranche d'âge « convient tout à fait à la théorie émergente d'une très ancienne histoire de notre espèce, bien plus vielle que nous ne l'avons cru » explique Jean-Jacques Hublin, membre du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology à Leipzig en Allemagne, qui menait l'équipe lors de la découverte de Jebel Irhoud en 2017.

      « L'histoire du déplacement de notre espèce hors d'Afrique est bien plus complexe qu'estimée. »

       

      ET DES OUTILS AUSSI

      D'après Jean-Jacques Hublin, certains points ne sont pas encore éclaircis : s'agissait-il de la première incursion de l'Homo sapiens en Eurasie ? Jusqu'où sont-ils allés vers l'est ? Et pourquoi ces premières incursions ayant eu lieu il y a 50 000 ans ne sont pas devenues des phénomènes migratoires plus importants ?

      Il y a des centaines de milliers d'années, il y avait « une sorte de courant poussant cette population africaine vers les portes de l'Asie de l'ouest » argumente-t-il. Ces courants pourraient être dus à ce qu'on appelle les périodes du Sahara vert. Lors de ces périodes, le climat était plus humide et le désert que nous connaissons aujourd'hui en Afrique du nord était donc recouvert de végétation, ce qui facilitait la circulation des populations.

      D'après Julia Galway-Witham, paléoanthropologiste au Muséum d'histoire naturelle de Londres, l'autre aspect intéressant de cette découverte réside dans la découverte d'outils avec le fossile. Ces outils ont été conçus avec une méthode de taille de pierre assez élaborée appelée la technique Levallois. Cette technique requiert des compétences et une conception particulière permettant une meilleure maîtrise des grattoirs et lames obtenus.

      « Ces outils représentent la plus précoce association entre ce type d'outils et l'homme moderne, en dehors de l'Afrique, » dit-elle. « Peut-être que la présence de ce type d'outils avec les premiers Homo sapiens de Jebel Irhoud - et maintenant de Misliya - indique une corrélation entre le développement de ces technologies en Afrique et Asie de l'ouest et l'apparition de l'homme moderne dans ces régions.»

      D'après Rainer Grün, au vu du nombre de recherches en cours dans la région du Levant, de nouveaux fossiles pourraient bientôt être mis au jour et répondre aux questions que nous nous posons sur la migration humaine vers l'Asie.

      Les derniers travaux sur la génétique indiquent qu'il pourrait y avoir eu des excursions hors d'Afrique encore plus tôt que cela, et sur les terres d'autres espèces humaines, ajoute Jean-Jacques Hublin. Une analyse ADN sur un os néandertalien allemand vieux de 124 000 ans suggère que les néandertaliens pourraient s'être reproduits avec notre espèce il y a plus de 220 000 ans.

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