Le lait de poule, adaptation d'une recette moyenâgeuse
Cette inimitable boisson a une histoire plus complexe qu'il n'y paraît.

Le lait de poule est aux États-Unis ce que le vin chaud est à l’Europe.
Pendant les fêtes, les règles habituelles ne s’appliquent pas : vous pouvez manger du chocolat au petit-déjeuner (tant qu’il vient de votre calendrier de l’avent), porter le pull le plus laid au monde pour aller au bureau (à condition qu’il soit orné d’un renne sur le devant) et boire des litres d’une crème anglaise alcoolisée au nom de « la tradition ». Le lait de poule, ce punch crémeux qui se boit généralement froid, est aux États-Unis ce que le vin chaud est à l’Europe, comme en témoignent des films classiques de Noël à l’instar de Maman, j’ai raté l’avion ou Le sapin a les boules. Dans les Simpsons, Homer mange même ses céréales du petit-déjeuner avec du lait de poule.
LES ORIGINES DU LAIT DE POULE
Le terme a été documenté pour la première fois aux États-Unis à la fin du 18e siècle et associé à Noël pour la première fois en 1793, lorsqu’un journal de Virginie a écrit un article sur une soirée « de festivité et d’hilarité » arrosée au lait de poule. La boisson tire cependant ses origines d’un posset britannique du Moyen-Âge. Lactées et sucrées, ces boissons étaient considérées comme des toniques médicinaux et des aides-sommeil. C’est ainsi que Lady Macbeth, prétextant un dernier verre chaud, a pu droguer les gardes de Duncan.
Au fil des siècles, ce simple mélange de lait et de bière ou de vin a été enrichi d’œufs et de brandy ou de vin muté, le rendant si onéreux que seuls les plus riches pouvaient se permettre d’en boire. Il est alors passé de mode. Le posset crémeux que l’on sert de nos jours n’a rien à voir avec son prédécesseur fort. Aux États-Unis, où les œufs et le lait étaient plus souvent abondants et accessibles, il est demeuré populaire. Concocté avec des whiskies américains et des rhums caribéens, il a été rebaptisé « eggnog », un terme étymologiquement curieux, qui viendrait de la région de l’Est-Anglie, où il désignerait une bouteille de bière forte.
Les œufs et la crème étant plus chers en hiver, les poules pondant moins ou plus et les vaches produisant moins de lait, la boisson était considérée comme un petit plaisir de Noël. Le premier président des États-Unis, George Washington, a laissé derrière lui une recette qui inclut un demi-litre de brandy, un demi de rye whisky et de rhum jamaïcain, et un galopin de xérès. Pas étonnant, avec un punch comme celui-ci, qu’une émeute ait éclaté à l’Académie militaire de West Point le jour du réveillon de Noël, en 1826. Aujourd’hui, le lait de poule est associé à des moments plus festifs.

La base du lait de poule est une crème anglaise toute simple, composée de jaunes d’œuf et de sucre battus ensemble, puis dilués avec du lait, de la crème ou un mélange des deux, avant d’y ajouter de l’alcool pour le goût.
LA RECETTE DU LAIT DE POULE
La base du lait de poule est une crème anglaise toute simple, composée de jaunes d’œuf et de sucre battus ensemble, puis dilués dans du lait, de la crème ou un mélange des deux, avant d’y ajouter de l’alcool pour le goût (du rhum, du brandy ou du whisky en général, mais il existe aussi des versions sans alcool). Pour obtenir un résultat très léger, Martha Stewart, la reine des fêtes de fin d’année, incorpore des blancs d’œufs montés en neige avant de servir la concoction mousseuse, qu’elle saupoudre de noix de muscade moulue. La version portoricaine, appelée coquito, est faite à partir de crème et de lait de coco, de lait concentré, de rhum et d’épices.
Le lait de poule est généralement servi frais, mais peut, comme la crème anglaise, être légèrement réchauffé avant d’y ajouter de l’alcool, en particulier lorsqu’il fait froid ou si l’idée de consommer des œufs crus vous rebute.

Dans le quartier du Vieux Carré, le bar Manolito sert un daïquiri au lait de poule frappé pendant les fêtes.
OÙ GOÛTER DU LAIT DE POULE ?
La version traditionnelle : Wolf Tree, Vermont
La version de Max Overstrom-Coleman est arrivée première d’une dégustation à l’aveugle réalisée par Punch, un site internet américain spécialisé dans les cocktails. Les juges l’ont décrite comme « l’archétype du lait de poule traditionnel, avec une texture crémeuse légère et presque aérienne, mise en valeur par une note d’alcool ». Son secret ? Un rhum vieux, du bourbon poivré riche en seigle et un cognac léger et floral, associés à de bons produits laitiers du Vermont. On laisse ensuite le tout macérer avant de servir.
La version à emporter : Swensen’s, San Francisco
La célèbre marque de crèmes glacées de la région de la baie, qui vend du bonheur depuis 1948 dans cette boutique, sort chaque hiver sa glace au lait de poule, ainsi que quelques bouteilles d’alcool fait maison à offrir ou à vous offrir. Vous n’êtes pas obligé d’accompagner votre glace d’alcool.
La version frappée : Manolito, Nouvelle-Orléans
Ce minuscule bar situé dans le quartier du Vieux Carré, qui s’inspire du légendaire bar El Floridita de La Havane, ajoute un plaisir festif à sa carte pour les fêtes : un daïquiri au lait de poule frappé. Également connue sous le nom de lait de poule cajun, la boisson se vend dans les machines à granité de toute la ville pour Noël, mais la version du Manolito, préparée sur commande, est « l’une des meilleures en ville » selon Eater, oracle culinaire en ligne.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.