Des soldats ont testé des armures de l’Âge du Bronze

L’armure mycénienne de Dendra, vieille de 3 500 ans, n’a peut-être pas l’air élégante mais de nouvelles recherches ont montré à quel point elle était taillée pour la guerre.

De Tom Metcalfe
Publication 28 mai 2024, 11:12 CEST

Un volontaire des armées grecques porte une réplique de l’armure mycénienne de Dendra, vieille de 3 500 ans, et manie une réplique d’épée de l’Âge du Bronze. Le casque, fabriqué avec des défenses de sangliers, symbolise la bravoure et les prouesses de chasse des soldats mycéniens.

PHOTOGRAPHIE DE Andreas Flouris et Marija Marković

Pour la première fois, des chercheurs ont mis en application les sciences modernes du sport pour répondre à une question vieille d’un siècle : leurs armures donnaient-elle aux Grecs de l’Âge du Bronze un avantage considérable sur le champ de bataille ?

Les spécialistes ont depuis longtemps remarqué que certaines scènes de L’Iliade, le récit épique d’Homère sur la guerre de Troie, contenaient des anachronismes tels que des chars et des combats d’hoplites. Ceux-ci étaient courants à l’époque où l’œuvre a été écrite, c’est-à-dire pendant la période de la Grèce archaïque, du 8e au 6e siècle avant J.-C., mais pas à l’Âge du Bronze, époque à laquelle se déroule probablement l’histoire.

En 1960, des archéologues travaillant près du site grec de Mycènes, la légendaire capitale du roi Agamemnon, ont mis au jour une armure en alliage de cuivre, avec un casque fabriqué à partir de défenses de sangliers.

Connue sous le nom d’armure mycénienne de Dendra ou encore panoplie de la tombe de Dendra, elle date du 15e siècle avant J.-C., soit a priori quelques siècles avant la guerre de Troie.

Un volontaire de la 32e brigade de la marine de guerre hellénique porte un coup sur une cible en bois. Si l’armure de l’Âge du Bronze peut sembler encombrante, celle-ci offrait une meilleure protection que l’autre type d’armure généralement portée à l’époque, constituée de petites écailles de bronze au-dessus de plusieurs couches de lin.

PHOTOGRAPHIE DE Andreas Flouris et Marija Marković

Cette armure n’est pas élégante et ne donne pas fière allure. Elle est même plutôt massive et encombrante. L’absence de dommages sur cette dernière, liés à d’éventuels combats, a toutefois conduit certains chercheurs à penser qu’elle n’était peut-être utilisée qu’à des fins cérémonielles.

Or, des recherches antérieures ont indiqué que l’armure de Dendra était effectivement taillée pour le combat. Cette dernière étude, publiée dans la revue PLOS ONE, révèle précisément de quelle manière les guerriers antiques ont pu supporter son poids, ainsi que la chaleur dégagée en la portant, au cours d’une journée de batailles au corps à corps à la fin de l’Âge du Bronze.

Ce qu’ils ont découvert suggère également que ce type d’armure constituait une « arme secrète » qui conférait aux Mycéniens un avantage considérable au cours de conflits tels que la guerre de Troie.

 

DES VOLONTAIRES ?

Pour l’étude, les chercheurs ont recruté treize volontaires de la 32e brigade de la marine de guerre hellénique pour porter des répliques de l’armure durant onze heures lors d’une simulation de bataille de la fin de l’Âge du Bronze.

Ils ont également étudié L’Iliade, connue pour être un palimpseste des techniques et objets de combat de l’Antiquité, y compris des tactiques de guerre de la fin de l’Âge du Bronze qui auraient dû être inconnues d’Homère, censé avoir écrit cette épopée près de cinq cents ans plus tard.

Ils ont comparé les descriptions de batailles présentes dans cette œuvre avec des documents archéologiques pour déterminer ce qui pouvait être accepté comme vraisemblable d’un point de vue historique et ce qui devait être interprété comme une licence poétique.

L’Iliade « décrit des aspects de bataille que nous savons être authentiques dans le monde mycénien », déclare le co-auteur et archéologue Ken Wardle, de l’université de Birmingham, en Angleterre. Leur protocole de simulation de combat a également pris en compte d’autres éléments relatifs aux conditions dans lesquelles évoluait un guerrier il y a quelque 3 300 ans.

 

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    PROTOCOLE DE SIMULATION DE COMBAT

    Le protocole de simulation de combat a été mis en œuvre par les treize volontaires qui avaient été sélectionnés en fonction de leur taille, leur poids et leur âge, afin de correspondre aux standards des guerriers de la fin de l’Âge du Bronze.

    Ils se sont préparés à cette expérience en ne mangeant que des aliments minutieusement pesés dans le cadre d’un programme alimentaire comprenant du pain sec, du bœuf, des olives, du fromage de chèvre, des oignons, du vin rouge et de l’eau, un régime que les chercheurs ont jugé typique d’une armée mycénienne en déplacement.

    Ils ont ensuite été réveillés avant le point du jour et ont reçu un petit-déjeuner sur-mesure ; à ce moment-là, des échantillons d’urine et de sang ont été prélevés et des capteurs destinés à mesurer leur température corporelle et leurs signes vitaux au cours de l’expérience ont été placés sur leur corps. 

    Tous les volontaires ont été équipés : d’une réplique assez fidèle à la véritable armure de Dendra, faite d’un alliage de cuivre et pesant un peu plus de 27 kilogrammes ; d’une imitation du célèbre casque fabriqué à partir de défenses de sanglier ; et de reproductions de lances et d’épées de l’Âge du Bronze. Ils se sont entraînés avec cet équipement pendant les onze heures de simulation de combat qui ont suivi. Celle-ci comprenait des exercices par intervalles à haute intensité, consistant par exemple à sprinter et à donner des coups, avec de brèves pauses chronométrées pour se reposer ou se nourrir.

    Après les onze heures de simulation de combat, un volontaire de l’étude montre des ecchymoses liées au port l’armure. Celui-ci est équipé de capteurs mesurant la température de la peau.

    PHOTOGRAPHIE DE Andreas Flouris

    Tous les participants ont terminé la simulation de combat avec succès ; un seul a montré des signes d’hypoglycémie après la « bataille ». Cela indique que l’estimation de l’étude selon laquelle étaient nécessaires près de 4 400 calories par guerrier mycénien était à peu près correcte.  

    Nombre d’entre eux ont également signalé souffrir d’une grande fatigue, de douleurs dans le haut du corps dues au poids de l’armure, ainsi qu’aux pieds à cause de la marche, de la course et des affrontements effectués sans chaussures.

     

    LES AVANTAGES DE L’ARMURE

    Les recherches montrent que l’armure de Dendra offrait une meilleure protection que l’autre type d’armure généralement portée à la fin de l’Âge du Bronze, composée de petites écailles de bronze au-dessus de couches de lin, explique Ken Wardle, au détriment toutefois de la mobilité, très précieuse à des époques ultérieures.

    Les plaques triangulaires attachées à l’intérieur des épaulettes, dont la présence n’a de sens que pour protéger l’aisselle lorsque le bras est levé, ainsi que les extensions de l’armure sur le haut des bras, assurant flexibilité et protection lors des combats rapprochés, sont autant de signes révélateurs que l’armure de Dendra a été conçue pour le combat, détaille Yiannis Koutedaki, co-auteur de l’étude et professeur émérite de physiologie appliquée à l’université de Thessalie, en Grèce.

    L’auteur principal de l’étude, Andreas Flouris, professeur de physiologie à la même université, fait remarquer que cette armure offrait d’importants avantages dans les combats à moyenne distance, entre 2 et 20 mètres : « à cette distance, l’armure protégeait la personne qui la portait de la plupart des dangers ».

    Le poids de l’armure constituait un inconvénient mais cela a conduit au développement d’armes et de tactiques qui ont donné aux guerriers mycéniens un avantage décisif. « Les chefs portaient des armures complètes, fonctionnelles et de bonne facture, et étaient généralement des guerriers d’élite dotés d’une grande expérience du combat », explique Andreas Flouris. En revanche, « la majorité des combattants qui les suivaient portaient des armures légères, ou n’en portaient pas du tout, et leur tâche consistait à les protéger lors des combats rapprochés ».

    L’équipe de recherche a également créé un logiciel gratuit, appelé Late Bronze Age Warrior Model, qui utilise les données recueillies au cours de leur étude pour prédire avec précision l’issue des combats en fonction de différentes variables, telles que les environnements chauds ou froids, l’angle du soleil ou la fréquence des affrontements. 

    Un volontaire portant une réplique d’armure ancienne marque une pause pendant le combat pour enfiler un masque d’analyseur de gaz permettant de mesurer la dépense énergétique. « De telles armures auraient métamorphosé le champ de bataille », affirme l’archéologue Barry Molloy, qui n’a pas participé à l’étude.

    PHOTOGRAPHIE DE Andreas Flouris et Marija Marković

     

    MÉTAMORPHOSE DU CHAMP DE BATAILLE

    Au-delà de la simple protection physique, les armures jouent également un rôle thématique important dans L’Iliade où elles « symbolisent souvent l’identité et le statut des guerriers et sont la plupart du temps associées aux codes du héros », explique Andreas Flouris. « C’est un marqueur visible de l’honneur et de la bravoure d’un héros. »

    L’archéologue Barry Molloy, de l’University College Dublin, en Irlande, n’a pas participé à la dernière étude mais a évalué si l’armure de Dendra disposait ou non des qualités nécessaires pour le combat.

    « Ce corselet est l’une des découvertes les plus passionnantes en termes d’armure datant de l’Europe préhistorique et son importance pour la compréhension de la longue histoire du développement des armes et de l’art de la guerre ne peut être minimisée », déclare-t-il.

    Ce type d’armure représentait une technologie militaire de pointe à l’époque. Des copies moins élaborées sont apparues dans d’autres parties de l’Europe près de cent ans plus tard, indique Barry Molloy. « De telles armures auraient métamorphosé le champ de bataille. »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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