La Belgique va supprimer le genre sur les cartes d’identité

Une proposition de loi présentée par le gouvernement du Premier ministre libéral belge supprimera les mentions "homme" ou "femme" des cartes d'identité pour lutter contre les inégalités de genre.

De Margot Hinry
Publication 7 janv. 2022, 14:54 CET, Mise à jour 7 janv. 2022, 16:39 CET

Afin de rendre possible l’enregistrement des personnes non-binaires et intersexuées, le gouvernement belge va faire disparaître le genre des cartes d’identité.

PHOTOGRAPHIE DE limeart, istock via getty images

Cette proposition permettra à toute personne, incluant les personnes non-binaires ou intersexe, de ne pas se sentir discriminées par ces catégories binaires. La question d’un troisième genre qualifié de « X » a été posée, mais n'a pas été retenue.  

Ces dispositions font écho à l’annulation partielle de la loi transgenre de 2017, que la Cour de cassation avait jugée trop contraignante et finalement discriminatoire. En Belgique, la disparition de la notion de genre se fera uniquement sur les pièces d’identité et non pas au sein du registre national. Cependant, comme le confirme le service public fédéral de la justice Belge, « depuis le 1er janvier 2018, les personnes transgenres peuvent faire modifier officiellement l'enregistrement du sexe et leurs prénoms sans devoir répondre à certaines conditions médicales ».

Depuis 2015, le Conseil de l’Europe recommande aux États membres de « permettre aux personnes intersexuées de ne pas choisir un marqueur de genre spécifié, masculin ou féminin, sur l’état-civil ». La Belgique enclenche le processus déjà suivi par l’Allemagne et les Pays-Bas il y a plusieurs années.

En France, les lettres « m » et « f » figurent sur les papiers d’identité de tous.tes les Français.es dès leur naissance. « Nos sociétés occidentales sont bâties sur la catégorisation femmes/hommes. […] Cela vient du fait que [autrefois] lorsque l’on était homme ou femme, on avait des droits différents. Deux hommes ne pouvaient pas se marier entre eux, deux femmes non plus. Mais maintenant le mariage est ouvert à toutes et tous. Finalement, on peut se demander à quoi cela sert aujourd’hui d’avoir la mention de genre sur les papiers d’identité : sachant qu’on a une photo, un passeport biométrique, à quoi ça sert d’avoir cette distinction de genre ? » interroge la journaliste Marie Zafimehy, spécialiste des questions de genre, féminisme et discrimination.

D'aucuns qualifient la notion de genre comme une information « personnelle », voire discriminante. De plus, les associations militantes insistent sur un point qu’elles jugent confus aux yeux de la société : la différence qu’il y a entre le genre et le sexe d’une personne. « Il y a marqué sexe mais c’est le genre qui compte. Ce n’est pas pour reconnaître les gens, puisqu’il y a la photo. Donc la seule raison serait d’entretenir une société binaire » conclut la journaliste Aline Laurent-Mayard, spécialiste des questions d’asexualité et de parentalité queers.

 

VERS UNE FLUIDITÉ DU GENRE ?

Retirer le genre de la carte d’identité peut soulever des questions au sein même des communautés transgenres, dont certain.es membres en recherche d’identité souhaitent appartenir à un genre plutôt qu’à un autre, en le rendant visible et public. « C’est sûr que ce n’est pas une décision qui fait l’unanimité. Déjà, chez les personnes qui apprécient avoir une identité très binaire et hétéro-centrée. Au-delà de ça, au sein de la communauté LGBT, il y a des personnes qui ne sont pas contentes de cette décision. Certaines personnes sont fières de leur transition et veulent que ça se sache et souhaitent appuyer leur genre en l’utilisant comme une fierté. Au sein de la communauté intersexe ou non-binaire, il y a aussi des personnes qui souhaitent [la mention d’un] troisième sexe » témoigne Aline Laurent-Mayard.

Elle ajoute à cela qu’il existe de nombreuses manières de revendiquer son sexe ou son identité de genre, « en revanche, ça enlève un poids aux personnes intersexuées notamment, ou plus largement, à toutes ces personnes qui trouvent cela sexiste de dire qui est un homme, qui est une femme ».

« Aujourd’hui, cette distinction hommes/femmes est de moins en moins pertinente. Il y a de plus en plus de jeunes qui s’identifient comme non-binaires. Il y a de la fluidité, les nouvelles générations ne veulent plus de ces catégories hommes ou femmes » estime Marie Zafimehy.

D’après une étude menée en 2019 par le William Institute, 1,2 millions d’Américains âgés de 18 à 60 ans se considéraient non-binaires. En France, en 2018, un échantillon de 820 jeunes entre 18 et 30 ans ont été interrogés pour 20 Minutes, 13 % des jeunes interrogés ne s’identifiaient ni comme homme, ni comme femme.

Plusieurs associations françaises se battent depuis de nombreuses années pour « que l’on reconnaisse la fluidité du genre et la fluidité des identités ». Des personnes ont déjà manifesté leur désir d’obtenir une mention de sexe « neutre » sur leurs papiers d’identité français. Leurs demandes sont pour le moment restées vaines.

Bien que les activistes et associations aient l’espoir de voir ces mentions de genre disparaître, Aline-Laurent Mayard est plus pessimiste, à court terme. « Je ne pense pas que l’on soit près de l’avoir en France. Les gens ne sont pas prêts, quand on voit les débats qu’il y a sur le simple fait de reconnaître dans le dictionnaire le pronom « iel »... Cela montre qu’il y a énormément de crispations. Il y a en France une tension extrême dans la société, sur les questions de la transidentité et de la non-binarité ».

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