Le mythe de Saint Patrick à l'épreuve de la science

Selon la tradition, St. Patrick aurait chassé les serpents d'Irlande, les repoussant dans la mer. L'Irlande est en effet l'un des rares endroits au monde où l'on n'observe pas de serpents. Mais les scientifiques ont une autre explication...

De James Owen
Publication 17 mars 2022, 15:53 CET

Selon la tradition, Saint Patrick aurait chassé les serpents d'Irlande, les repoussant dans la mer.

PHOTOGRAPHIE DE CORBIS

Le jour de la Saint-Patrick, la plupart des fêtards ne se souviennent pas du saint patron de l'Irlande pour son rôle de chasseur de serpents.

Pourtant, la légende veut que le missionnaire chrétien ait débarrassé les côtes irlandaises de ces reptiles rampants alors qu'il convertissait les peuples d'Irlande païens au cinquième siècle de notre ère.

Alors qu'il avait entrepris un jeûne de quarante jours au sommet d'une colline, Saint Patrick aurait chassé les serpents qui l'assaillaient, les repoussant dans la mer.

Une histoire peu probable, surtout lorsque l'on sait que l'Irlande se distingue par le fait qu'elle n'abrite pas de serpents indigènes.

C'est l'un des rares endroits au monde - avec la Nouvelle-Zélande, l'Islande, le Groenland et l'Antarctique - où vous pourrez vous promener sans crainte si vous avez une profonde aversion des serpents.

Mais selon les scientifiques, Saint Patrick n'aurait rien à voir là-dedans.

En tant que conservateur du département d'histoire naturelle du Musée national d'Irlande à Dublin, Nigel Monaghan a parcouru les vastes collections de fossiles et autres documents disponibles répertoriant les animaux irlandais. « À aucun moment il n'a été question de la présence de serpents en Irlande, et Saint Patrick n'avait donc rien à chasser », souligne M. Monaghan.

Que s'est-il donc passé ?

La plupart des scientifiques pointent du doigt la dernière période glaciaire, qui a maintenu l'île à des niveaux de températures trop froides pour les reptiles jusqu'à il y a environ 10 000 ans. Après la période glaciaire, les mers environnantes ont peut-être empêché les serpents de coloniser l'île d'émeraude.

 

LAISSÉS POUR COMPTE

Une fois que les calottes glaciaires et les mammouths laineux se sont retirés vers le nord, les serpents sont revenus en Europe du Nord et de l'Ouest, se répandant jusqu'au cercle polaire.

La Grande-Bretagne, qui disposait d'un pont terrestre avec l'Europe continentale jusqu'à il y a environ 6 500 ans, a été colonisée par trois espèces de serpents : la vipère venimeuse, la couleuvre à collier et la coronelle lisse.

Mais le lien terrestre entre l'Irlande et la Grande-Bretagne a été coupé environ 2 000 ans plus tôt par des mers gonflées par la fonte des glaciers, relève Monaghan.

Parmi les animaux qui ont atteint l'Irlande avant que la mer ne devienne une barrière infranchissable, on trouve des ours bruns, des sangliers et des lynx, mais « les serpents ne sont jamais arrivés jusqu'ici. Les populations de serpents sont lentes à coloniser de nouvelles zones » ajoute-il.

Mark Ryan, directeur du Louisiana Poison Center au Louisiana State University Health Sciences Center de Shreveport, s'accorde à dire que la période n'était pas propice à l'expansion de l'aire de répartition de ces reptiles sensibles et à sang froid.

« Il n'y a pas de serpents en Irlande pour la simple raison qu'ils n'ont pas pu s'y rendre, le climat n'était pas favorable à leur présence », relève-t-il.

Les autres reptiles n'ont pas réussi non plus à atteindre l'île, à l'exception du lézard gris. Seul reptile indigène d'Irlande, cette espèce a dû arriver au cours des 10 000 dernières années, selon M. Monaghan.

Alors, à moins que Saint-Patrick n'ait pas su distinguer un serpent d'un lézard, d'où vient cette légende ?

Les spécialistes penchent volontiers pour l'allégorie. Les serpents sont des symboles du mal dans les croyances judéo-chrétiennes, à l'instar du serpent provoquant la chute d'Adam et Ève.

Ces animaux étaient également liés à des pratiques païennes, de sorte que l'acte d'éradication des serpents par Saint Patrick peut être considéré comme une métaphore de son influence christianisante.

 

DE « FAUX » SERPENTS

Les Irlandais qui cherchent des serpents à chasser et repousser devront probablement se contenter de l'orvet fragile, une espèce non indigène de lézard sans pattes souvent confondue avec un petit serpent.

Enregistrée pour la première fois au début des années 1970, l'espèce aurait été introduite délibérément dans l'ouest de l'Irlande dans les années 1960, selon l'organisme de gestion de la protection environnementale irlandais.

Cependant, le reptile ne semble pas s'être répandu au-delà d'une région calcaire du comté de Clare, à la riche biodiversité, connue sous le nom de Burren.

 

DES SERPENTS DANS LES PLAINES IRLANDAISES ?

À l'avenir, il est tout à fait possible que des serpents puissent être observés en Irlande, notamment les serpents de compagnie délibérément libérés par leurs propriétaires.

« Aucune espèce étrangère n'est sans risque pour la faune indigène », souligne M. Monaghan. « La nature isolée d'une population insulaire rend l'Irlande très vulnérable à toute introduction, aussi bien intentionnée que malavisée. »

Henry Kacprzyk, conservateur des reptiles au Pittsburgh Zoo & PPQ Aquarium, estime que la faune indigène de l'Irlande ne serait pas préparée à l'introduction de serpents. Les serpents invasifs tels que le boiga irregularis ont déjà fait des ravages à Guam et dans d'autres écosystèmes insulaires.

Se débarrasser de ces créatures indésirables ne serait pas non plus aussi facile que ce que laisse entendre la légende de Saint Patrick.

« Je ne veux pas briser complètement le mythe de Saint Patrick », explique M. Kacprzyk. « Je veux le garder partiellement vivant. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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