Le tombeau de Jésus menace de s'effondrer

Des travaux de restauration de l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, ont révélé les fondations très frêles de ce site, l'un des plus sacrés au monde.

De Kristin Romey
Au sein de l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, le sanctuaire orné, également appelé édicule, renferme ce ...
Au sein de l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, le sanctuaire orné, également appelé édicule, renferme ce que l'on considère comme le tombeau de Jésus Christ. Le sanctuaire a fait l'objet de travaux de restauration d'une durée d'un an.
PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

Des scientifiques ont révélé les « risques sérieux d'effondrement » qui pèsent sur le plus sacré des sites chrétiens, en l'absence de travaux de consolidation de ses fondations instables.

Une équipe de scientifiques de l'université technique nationale d'Athènes (NTUA), qui a achevé en mars dernier les travaux de restauration de l'édifice considéré par les Chrétiens comme le tombeau du Christ, situé à Jérusalem, tire la sonnette d'alarme. Des travaux supplémentaires seraient nécessaires afin d'éviter une rupture importante de la structure du sanctuaire et du complexe qui l'entoure.

« Si la structure vient à s'effondrer, ce ne sera pas progressif mais catastrophique », alerte Antonia Moropoulou, directrice scientifique de l'université.

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    Au cours des travaux de restauration, les scientifiques ont découvert qu'une grande partie des fondations de l'édicule était composée de décombres instables, de mortier en décomposition et de tunnels.
    PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

    L'édicule (du latin aedicule qui signifie « petite maison »), une structure étroite située au sein de l'église du Saint-Sépulcre, renferme les vestiges d'une grotte vénérée depuis le 4e siècle apr. J.-C. car considérée comme le tombeau de Jésus-Christ.

    Les travaux de restauration de l'édicule ont mis au jour les fondations instables sur lesquelles reposent une grande partie du sanctuaire du 19e siècle et sa rotonde, qui voient affluer des millions de visiteurs chaque année. Ces fondations seraient composées des vestiges fragmentés d'anciennes constructions et d'une structure alvéolaire formée de nombreux tunnels et canaux.

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        Un conservateur nettoie la surface de la stèle de pierre qui abriterait le lieu de sépulture de Jésus Christ.
        PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

        Alors qu'une cérémonie tenue au sein de cette église de Jérusalem célébrait la restauration de l'édicule, qui aura duré un an, les scientifiques et chefs religieux se heurtaient aux nouvelles preuves alertant sur les risques désastreux révélés par les travaux.

         

        QUAND LES SÉDIMENTS LAISSÉS PAR L'HISTOIRE MENACENT L'AVENIR

        Selon le rapport le plus récent réalisé par l'université d'Athènes et transmis à National Geographic, les menaces qui pèsent sur le tombeau sont essentiellement dues à la richesse de l'histoire de ce site vénéré.

        D'après les archéologues, le lieu abritait une carrière de calcaire il y a environ 2 000 ans, avant d'accueillir les tombeaux de membres de la haute société juive. Au moins six tombes ont ainsi été découvertes sous le sol de l'église, outre le tombeau qui, comme le veut la tradition, abriterait la dépouille du Christ.

        Vue en contre-plongée de la rotonde, où des échafaudages encerclent l'édicule lors des travaux de restauration, en octobre 2016.
        PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic
        Le 21 mars 2017, des visiteurs admirent l'édicule qui vient d'être restauré. Des scientifiques tirent cependant la sonnette d'alarme : le sol sur lequel repose le sanctuaire menace de s'effondrer.
        PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

        Vers 324 apr. J.-C., un temple romain bâti au cours du 2e siècle apr. J.-C. est détruit par Constantin, premier empereur chrétien de Rome, afin de faire construire l'édifice tenu pour être le tombeau de Jésus.

        Au cours du 7e siècle apr. J.-C., le sanctuaire édifié par Constantin autour du tombeau est partiellement démoli par les envahisseurs perses, puis par les Fatimides en l'an 1009. L'église est alors reconstruite au milieu du 11e siècle. Par la suite, les Croisés transformeront l'édicule qui sera à nouveau restauré au cours du 16e siècle puis au début du 19e siècle. Son aspect actuel est ainsi le résultat de plusieurs étapes de construction antérieures.

        La rotonde en forme de dôme qui renferme l'édicule constituerait l'empreinte laissée par l'église originelle bâtie par Constantin, voire par le temple romain l'ayant précédée.

         

        DES TUNNELS SOUS LE TOMBEAU

        Le levé réalisé récemment sous le sol de l'édicule et de sa rotonde au cours des travaux de restauration a non seulement confirmé ce que les scientifiques soupçonnaient depuis longtemps mais a également exposé des dangers jusqu'alors méconnus relatifs à la stabilité de cette zone de près de 280 mètres carrés.

        La rotonde renfermant l'édicule constituerait le vestige de la première église bâtie sur le site vers 325 apr. J.-C.
        PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

        Un géoradar, des caméras robotisées ainsi que d'autres outils ont révélé que certaines zones des fondations de l'édicule reposaient sur les décombres d'anciens bâtiments. D'autres parties se trouvent sur le bord même d'un soubassement rocheux extrêmement abrupt. Le mortier utilisé pour les fondations s'est effrité suite à des décennies d'exposition à l'humidité causée par les canaux d'évacuation qui s'écoulent à quelques mètres sous le sol de la rotonde.

        D'autres tunnels inexpliqués ainsi que des cavités parcourent les sous-sols de l'édicule. Une tranchée archéologique de 2,50 mètres de profondeur creusée au sud du sanctuaire au cours des années 1960 se trouve sous une dalle de béton non renforcée, dans une zone où les visiteurs font la file afin de pouvoir pénétrer dans le tombeau.

        Plusieurs des piliers de 22 tonnes qui soutiennent le dôme de la rotonde reposent sur plus de 1,20 mètre de décombres meubles.

         

        LA RÉUSSITE DE LA RESTAURATION DE LA « PETITE MAISON »

        Depuis près d'un siècle, l'intégrité de la structure de l'édicule est source d'inquiétudes. Cependant, les différends entre les diverses factions chrétiennes qui revendiquent la propriété de l'église et le manque de ressources financières ont longtemps entravé les travaux de réparation.

        Suite à la brève fermeture de l'édicule par les autorités israéliennes en 2015 pour des raisons de sécurité, les trois principaux groupes chrétiens qui contrôlent le site — l'Église orthodoxe de Jérusalem, le Patriarcat arménien de Jérusalem et la Custodie franciscaine de Terre Sainte — sont parvenus à la signature d'un accord en mars 2016 pour la restauration du sanctuaire et du tombeau.

        Des fidèles chrétiens prient à l'intérieur du tombeau de Jésus, situé au sein de l'église du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
        PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

        L'équipe de l'université grecque en charge de la conservation de l'édicule a également réalisé la restauration récente de l'Acropole d'Athènes et de la basilique Sainte-Sophie, située à Istanbul.

        Les scientifiques ont renforcé les parois inclinées de l'édicule, fixé à nouveau les colonnes au moyen de tiges de titane et jointoyé la maçonnerie vieille de plus d'un millénaire. Un système de ventilation a été mis en place, notamment afin de lutter contre la suie ravageuse causée par les milliers de cierges, tandis que les poutres extérieures disgracieuses érigées par les autorités britanniques en 1947 ont été retirées à l'aide d'une scie en plasma. Pour la première fois depuis des siècles, le tombeau a été ouvert. 

        Les travaux de l'édicule se sont achevés sans encombre. Ils ont coûté près de 3,5 millions d'euros.

         

        PAS DE RESTAURATION SANS EXCAVATIONS ?

        Afin de lutter contre les risques d'effondrement du lieu saint, l'université d'Athènes a proposé un projet à 6 millions d'euros sur une durée de dix mois. Au cours de celui-ci, les dalles de pierre fracturées qui entourent l'édicule seront extraites, les gravats de fondation et le mortier endommagé seront jointoyés et l'excavation d'une zone de près de 100 mètres carrés sera réalisée afin d'installer de nouveaux canaux d'évacuation des eaux usées et des eaux de pluie autour de la rotonde.

        Les travaux seraient organisés de sorte à ce que l'interruption soit la plus brève possible pour les quatre millions de visiteurs se rendant sur les lieux chaque année.

        La possibilité que la zone située au-dessous et autour du tombeau de Jésus soit exposée soulève de nouvelles questions, notamment sur le potentiel de l'archéologie sur un lieu au cœur des vénérations des fidèles depuis bientôt deux millénaires.

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          Un moine copte dépoussière la façade d'une chapelle située derrière l'édicule.
          PHOTOGRAPHIE DE Oded Balilty, Ap Pour National Geographic

          « Il s'agit de l'un des sites les plus complexes en matière d'archéologie, sur l'un des lieux les plus saints au monde », affirme Martin Biddle, qui a consacré près de 10 ans à l'étude de l'histoire de l'édicule et a publié un ouvrage précurseur sur le sujet en 1999.

          D'après lui, sous l'édicule se trouvent « quatre ou cinq grandes étapes archéologiques » et la moindre exposition de niveaux historiques situés sous le sol actuel garantirait d'autres enquêtes scientifiques.

          La réalisation de travaux de restauration sans fouille archéologique serait « un scandale intellectuel » pour Martin Biddle, qui précise « choisir ses mots avec beaucoup de précaution ».

          Le dernier rapport a été mis à la disposition des trois groupes chrétiens qui devront parvenir à un nouvel accord avant que d'autres travaux puissent commencer. En parallèle, l'équipe de l'université grecque analyse les données qu'elle a collectées et envisage de les rendre accessibles à d'autres scientifiques sur une plateforme d'informations relatives à l'église du Saint-Sépulcre.

          « Ces données sont le fruit d'un travail collectif », explique la directrice scientifique de la NTUA. « Elles ne nous appartiennent pas mais appartiennent à l'humanité toute entière. »

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