Les célèbres "sceptres" de Maïkop seraient en réalité des pailles pour boire de la bière

Les historiens ont longtemps spéculé sur l’utilité de ces tubes d’or et d’argent, datant de l’âge de Bronze caucasien. Après des analyses approfondies, ce que l’on pensait être des sceptres auraient finalement servi lors de banquets, à boire de la bière.

De Arnaud Sacleux
Publication 31 janv. 2022, 17:03 CET
À gauche, le croquis de Veselovsky de la sépulture primaire effectué en 1897, montrant la position des ...

À gauche, le croquis de Veselovsky de la sépulture primaire effectué en 1897, montrant la position des huit tubes d'or et d'argent (appelés "sceptres" en russe) ; à droite, la partie de la photographie de 1898 montrant un "sceptre" complet et sept autres cassés.

PHOTOGRAPHIE DE Institut d'histoire de la culture matérielle de Saint-Pétersbourg/Académie des sciences de Russie.

C’est l’archéologue russe Veselovsky, professeur à l’université de Saint- Pétersbourg, qui a excavé ces huit mystérieux tubes d’or et d’argent à la fin du 19e siècle d’un tertre funéraire près de la ville de Maïkop, dans le Caucase. Longtemps, les historiens ont questionné l’utilité de ces artefacts cylindriques et les avaient depuis assimilés à des sceptres ornés de petites figurines en or.

Une étude récemment parue dans la revue Antiquity défend une hypothèse étonnante : ces tiges, conservées dans les vitrines du musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, auraient en réalité servi à boire de la bière, à la manière de nos pailles modernes.

 

DES PAILLES À BOIRE DATANT DE L’ÂGE DE BRONZE

Les sceptres de Maïkop, ou plutôt « pailles de Maïkop », ont été retrouvées dans un « kourgane », un terme tatare désignant un tertre artificiel. Ce dernier est considéré comme étant l’une des plus célèbres tombes aristocratiques datant de l’âge de Bronze caucasien.

Dans ce tertre gisent depuis plus de 5 000 ans les restes de trois individus, accroupis et répartis dans trois chambres funéraires distinctes, au milieu de fastueuses offrandes funéraires composées de perles, de pierres et d'or, de récipients en céramique, de coupes, d’outils, d’armes et de pailles. Ces dernières avaient particulièrement attiré l’attention des archéologues par leur forme peu commune et leur disposition, placées près de la main droite des restes de chaque défunt.

Le schéma des huit "pailles" à boire reconstituées.

PHOTOGRAPHIE DE Institut d'histoire de la culture matérielle de Saint-Pétersbourg/Académie des sciences de Russie

Quatre de ces pailles sont composées de plusieurs segments en argent, alors que les quatre autres de segments d'or et d'argent. Elles mesurent environ 1,12 mètre et affichent un diamètre externe de 10 millimètres et un diamètre interne de cinq millimètres. Quatre d’entre elles sont serties d’une petite figurine de taureau en argent. Les pailles présentent également plusieurs fentes, ainsi qu'une perforation à l'une de leurs extrémités.

Elles auraient fait partie du matériel de banquet de huit individus aristocrates, qui se seraient assis les uns autour des autres pour boire, probablement dans l'unique grande jarre trouvée dans la tombe, d’une contenance de 32 litres. Elles sont aujourd’hui les plus anciens exemplaires de pailles jamais recensés.

 

DES ARTEFACTS TÉMOINS D’UNE CULTURE DE LA FÊTE ?

Pour renforcer cette hypothèse, les historiens ont recoupé leurs observations avec des représentations datant du 4e et 5e millénaire av. J.-C., montrant la consommation de bière en Iran et en Irak à l’aide de longues pailles plongées dans des récipients communs.

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    Les auteurs de l’étude ajoutent également qu’à cette époque, « la population néolithique du Caucase du Nord cultivait le blé et l'orge en abondance. C'était probablement aussi le cas pour la culture Maïkop ultérieure, nous laissant penser que les ménages ont pu brasser de la bière d'orge aromatisée aux herbes et aux fleurs de tilleul ».

    Ces différentes observations, couplées avec le fait que ces pailles d’or et d’argent ont servi d’offrandes funéraires aristocratiques, suggèrent que la culture Maïkop de l'âge du bronze précoce, qui s'étend entre 3 700 et 2 900 ans av. J.-C., a pu assimiler l’art des banquets à un statut social de haut rang.

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