L’histoire controversée des Rohingyas en Birmanie

Selon l’Organisation des Nations Unies, la minorité musulmane du Myanmar est « l’une des ethnies les plus persécutées de la planète ».

De Julie Lacaze
Des réfugiés rohingya fuit le Myanmar pour le Bangladesh.
Des réfugiés rohingya fuit le Myanmar pour le Bangladesh.
PHOTOGRAPHIE DE Shams Arafin, National Geographic Your Shot

Pour certains historiens, les Rohingyas sont originaires de l’Arakan, une large bande côtière isolée du reste du territoire birman par une haute chaîne de montagne, frontalière du Bangladesh. Ce territoire a longtemps été sous contrôle du Bengale et a été annexé tardivement par la Birmanie, en 1785, ce qui expliquerait la pratique d’une religion différente.

Pour d’autres spécialistes, l’ethnie descendrait de soldats et de commerçants arabes, turcs, mongols ou peut-être même portugais, convertis à l’islam au XVe siècle. En somme, difficile de dater précisément l’arrivée des Rohingyas en Birmanie. C’est sur cette incertitude que s’appuie le gouvernement du Myanmar, qui réfute les différentes hypothèses, pour opprimer la minorité musulmane de son pays.

Selon la propagande officielle, en partie instrumentalisée par le mouvement 969, un groupe d’extrémistes bouddhistes nationalistes et islamophobes, les Rohingyas seraient arrivés au XIXe siècle avec les colons britanniques qui annexèrent le pays en 1890.

En réalité, le pouvoir anglais, comme d’autres puissances coloniales, a semé la division dans le pays pour mieux y régner, accordant des privilèges aux Rohingyas au détriment des bouddhistes. Il leur permettait notamment d’accéder plus facilement à certains emplois, en les jugeant plus aptes au travail. Par la suite, l’invasion du territoire par les forces japonaises, durant la Seconde Guerre mondiale, puis la décolonisation de 1948, ont engendré plusieurs années d’instabilité politique. Dans ce contexte, des exactions perpétrées par des Rohingyas, comme par des bouddhistes, ne firent qu’envenimer la situation.

Nur Ayesha dit qu’elle a été brûlée au visage et au bras quand des soldats birmans ont mis le feu à sa maison. Elle a été soignée à Kutupalong.
PHOTOGRAPHIE DE William Daniels

En 1982, Ne Win, l’ex-commandant de la junte militaire, a déchu les Rohingyas de leur nationalité. Celle-ci reste pourtant accordée aux 135 autres ethnies du pays. Le prétexte : la nationalité est délivrée uniquement aux peuples présents sur le territoire birman avant l’invasion anglaise de 1823.

Depuis l’adoption de cette loi discriminante, la minorité musulmane ne peut plus voter, ne peut pas accéder à certains emplois, doit informer les autorités de tout déplacement et n’a plus accès à la propriété. Ses membres sont expropriés et se voient régulièrement contraints à l’exil vers le Bangladesh.

En août 2017, une vague d’exactions de l’armée birmane a provoqué un nouvel exode. 900 000 Rohingyas sont actuellement entassés dans des camps, dans le sud du Bangladesh. Les autorités birmanes prétendent attendre des preuves de la présence de Rohingyas avant la date fatidique de 1823. Mais celles-ci sont difficiles à fournir, car les maisons, les mosquées et tous les lieux portant les traces de leur histoire sont régulièrement réduits à néant.

D’importants intérêts économiques s’ajoutent à ce conflit ethnique. L’Arakan, la région où vivent la majorité des Rohingyas, regorge de gaz et de pétrole, mais aussi de bois, de pierres précieuses et de minerais. Ce qui explique, en partie, le peu de réaction des pays occidentaux face aux massacres.

En 2012, l’Union européenne et les États-Unis ont levé l’embargo et les restrictions économiques en vigueur contre le Myanmar depuis 1986. Et ce malgré l’oppression brutale des Rohingyas. Selon l’Organisation des Nations Unies, la minorité musulmane du Myanmar est « l’une des ethnies les plus persécutées de la planète ».

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