Pyramide de Khéops : découverte d'une mystérieuse cavité géante

La cavité est la première structure interne majeure découverte dans une pyramide depuis les années 1800.

De Michael Greshko
PHOTOGRAPHIE DE B. Anthony Stewart, National Geographic Creative

Les pyramides de Gizeh sont l'une des sept merveilles de l'Ancien monde et une preuve s'il en est du génie architectural égyptien. La semaine dernière, des scientifiques ont annoncé la mise au jour d'une cavité d'au moins 30 mètres de long dans la pyramide de Kéops.

L'espace ressemble à la Grande galerie de la pyramide, un couloir de 46 mètres de long et de près de 8 mètres de haut menant à la chambre mortuaire de Khéops, le pharaon pour lequel la pyramide a été construite.

Cependant, l'utilisation de cet espace reste inconnue, de même l'on ignore pour le moment s'il s'agit d'un immense espace ou d'un ensemble de plusieurs petites cavités.

Il s'agit de la plus grande structure jamais découverte depuis le 19e siècle dans cette pyramide de 4 500 ans. Une mise au jour rendue possible par les dernières avancées en physique des particules aux hautes énergies. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature.

« C'est sans aucun doute la découverte du siècle, » avance l'archéologue et égyptologue Yukinori Kawae, explorateur National Geographic. « Plusieurs hypothèses ont été émises sur cette pyramide mais personne n'avait imaginé qu'un tel espace puisse exister au-dessus de la Grande galerie. »

 

RÉSISTER AU PASSAGE DU TEMPS

Ces récentes découvertes sont les dernières d'une longue quête pour comprendre la structure et l'usage qui était fait de la pyramide de Khéops, restée longtemps un objet de mystères et d'intrigues.

La pyramide a été construite il y a plus de 4 500 ans sous la Quatrième Dynastie de l'Ancien Royaume d'Égypte. À cette époque, l'Égypte était un puissant royaume, exceptionnellement riche grâce à l'agriculture florissante permise par le Nil et ses affluents.

La pyramide de Khéops est l'expression-même de ce pouvoir centralisé. Khéops a régné de 2509 à 2483 avant notre ère, et a fait ériger cette pyramide pour qu'elle soit sa dernière demeure. La base de la pyramide fait près de 230 mètres et la pointe tutoie le ciel avec une hauteur initiale de 146,58 mètres (contre 137 mètres de haut aujourd'hui). 2.3 millions de blocs de calcaire ont été nécessaires à sa construction. Chaque bloc devait être découpé, transporté et disposé.

« Ce type de pyramides sont des édifices majeurs, les plus belles constructions des rois », explique Kate Spence, archéologue qui étudie l'Égypte ancienne à l'université de Cambridge. « Une grande partie de la population égyptienne était alors destinée à la construction des pyramides. »

Depuis, les grandes pyramides de Gizeh suscitent l'admiration et la fascination. Aujourd'hui, des touristes pénètrent dans la pyramide par un tunnel créé au 9e siècle avant notre ère. La National Geographic Society a contribué au financement de deux explorations menées dans la pyramide de Khéops, dont celle de 2002, qui explorait l'espace « de la taille d'un avion » laissé béant, prolongeant l'une des trois chambres mortuaires de la pyramide.

Une des pyramides de Gizeh vue derrière un cimetière.
PHOTOGRAPHIE DE Maynard Owen Williams, National Geographic Creative

VOIR L'INVISIBLE

La récente découverte a été faite dans le cadre du projet ScanPyramids, une mission internationale placée sous l'autorité du ministère égyptien des antiquités. Lancé en octobre 2015, le projet a pour but de mener, grâce aux nouvelles technologies, des fouilles non-invasives dans la plus grande pyramide d'Égypte.

ScanPyramids avait précédemment annoncé la détection de plusieurs espaces et anomalies, qui n'étaient pas spécialement une surprise. Selon Kate Spence, l'intérieur de la pyramide est plus miné que l'on ne se l'imagine.

Mais ce nouvel (et immense) espace est une vraie surprise et constitue la plus grande découverte jamais réalisée par un système de radiographie qui avait déjà fait ses preuves sur d'autres pyramides.

« C'est une découverte remarquable, » explique Chris Morris, un physicien travaillant au laboratoire national de Los Alamos et expert de la radiographie par muons. « De quoi rendre un radiographiste à muons jaloux. Je suis jaloux. C'est absolument remarquable. »

Cette technique avait été par ailleurs utilisée pour pénétrer dans les murs des cathédrales, des pyramides mayas et même des volcans. En mesurant la densité de muons (ou électron lourd) traversant un objet à l’aide de capteurs très sensibles, il est facile d’observer ses anomalies de densités et d’en déduire par exemple l’existence de cavités.

Ces particules inondent la Terre en permanence. Et si on ne peut percevoir des muons à l'œil nu, les scientifiques peuvent les détecter avec des films et des détecteurs qui retracent leur trajectoire en 3D. Puisque les muons traversent plus facilement les espaces vides que les objets ou matières solides, le tracé de leur trajectoire permet aux scientifiques de dessiner une carte des structures qu'ils étudient, sans déplacer une seule pierre pour ce faire.

« Ce qui est incroyable, c'est que les muons sont un peu comme Boucle d'or : ils perdent assez d'énergie pour se laisser surprendre, mais pas suffisamment pour se fondre dans le décor, » explicite Roy Schwitters, physicien de l'université du Texas à Austin, qui utilise les muons pour étudier la pyramide maya de Belize. « C'est un vrai don de la nature. »

Dans le cas de la pyramide de Khéops, une équipe menée par Kunihiro Morishima de l'université de Nagoya a placé un détecteur de muons dans la pyramide en décembre 2015 et a ensuite collecté des données pendant plusieurs mois.

Les premiers résultats ont été révélés en mars 2016. Et à la surprise des chercheurs, ils suggéraient qu'un immense espace laissait passer plus de muons qu'on ne le pensait. Ils semblaient traverser une cavité de plus de 30 mètres à l'intersection avec la Grande galerie.

Deux autres équipes, le KEK, un groupe de recherche japonais travaillant sur la physique subatomique, et l'équipe française du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, ont rejoint les recherches d'août 2016 à juillet 2017 pour confirmer la découverte de l'équipe de Morishima. Chaque équipe de recherche a utilisé une méthode différente pour détecter les muons.

Dans chacun des protocoles, les chercheurs ont perçu un signal significatif pour la cavité archivée d'un niveau sigma 5, ce qui signifie qu'il y a moins d'une chance sur un million pour que ce soit un hasard.

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    PHOTOGRAPHIE DE Richard Nowitz, National Geographic Creative

    GRAND VIDE, GRANDES QUESTIONS

    Cet espace laissé vide, que les chercheurs ont surnommé « The Void » (le néant), demeure un mystère et les scientifiques évitent d'utiliser le mot « chambre » à outrance pour le moment.

    « Pour l'instant nous ne savons pas si l'espace est horizontal ou incliné, ou s'il s'agit d'une seule structure ou de plusieurs structures successives, » a annoncé le co-auteur de l'étude Mehdi Tayoubi, président et cofondateur du Heritage Innovation Presentation (HIP) Institute, lors d'une conférence de presse. « Ce que nous tenons pour sûr, c'est que la cavité existe bel et bien, qu'elle est impressionnante et qu'aucune théorie n'avait anticipé sa présence. »

    Mehdi Tayoubi et ses collègues ne préfèrent pas s'avancer sur l'utilisation qui était faite de ce large espace, mais les égyptologues énoncent déjà plusieurs hypothèses. 

    Kate Spence avance que cet espace peut être un reste d'éléments de construction de la pyramide. Elle explique ainsi que des blocs massifs de plusieurs dizaines de tonnes forment le toit surplombant les chambres au-dessus du la Chambre du roi, la pièce centrale ou le sarcophage de Khéops se trouvait.

    Étant donné que l'espace est aligné avec les chambres supérieures de la pyramide de Khéops, qui ont été placées là pour soulager le poids pesant sur la Chambre du roi, Kate Spence suggère que l'espace ait pu être un passage pour faire circuler les blocs de calcaire. Quand la construction s'est achevée, l'espace aurait pu être laissé vide ou mal remblayé.

    « C'est la position de l'espace qui me fait penser que c'est l'hypothèse la plus probable, » conclut Kate Spence. « C'est trop bien placé pour ne pas servir au déplacement des blocs de calcaire. »

    Salima Ikram, égyptologue à l'université américaine du Caire, incline elle aussi vers cette interprétation. Mais elle suggère ironiquement que l'on pourrait suivre aussi les spéculations du moment. 

    « Je pense qu'il n'est jamais trop tôt pour spéculer, mais vous risquez d'avoir tort si vous n'avez qu'un seul élément pour construire une théorie » sourit-elle.

    Le temps dira si les spéculations sur cet espace laissé vide dans la célèbre pyramide s'avèrent exactes. Medhi Tayoubi et les autres collaborateurs du projet ScanPyramids annoncent que leur travail ne fait que commencer.

    Et pour ceux qui s'imaginent déjà en train d'explorer eux-même cet espace, quelques mises en garde. Personne ne sait pour l'instant si cette cavité est desservie par des couloirs et les experts et archéologues soulignent qu'ils n'ont pas l'intention de percer les murs pour l'atteindre. À court terme, ils préfèrent continuer d'explorer la pyramide de manière non-invasive.

    « Il y a beaucoup de lourdes et imposantes pierres, et si vous commencer à percer, vous ne savez pas si la structure entière ne va pas en être affectée, » conclut Salima Ikram. « S'il l'on détectait une forme ou un objet derrière la Joconde, déchireriez-vous la toile pour voir de quoi il s'agit ? Il nous faut préserver l'intégrité du monument.»

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