Le rocher de la discorde : Jérusalem, lieu saint sous hautes tensions

Le Dôme du Rocher – troisième lieu saint de l'Islam – révèle ses secrets sur fond de tensions politiques et religieuses croissantes.

De Andrew Lawler
Publication 31 août 2023, 16:49 CEST
Surplombant la vieille ville de Jérusalem, le Dôme du Rocher est un lieu de prière et ...

Surplombant la vieille ville de Jérusalem, le Dôme du Rocher est un lieu de prière et de contestation. Recherches archéologiques et restaurations révèlent de nouveaux indices sur les origines du sanctuaire.

PHOTOGRAPHIE DE Ziyah Gafic

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    « La langue de qui la voit est incapable de la décrire. » Ainsi s’émerveillait le grand voyageur Ibn Battuta, sous la coupole du Dôme du Rocher, lors de son passage à Jérusalem en 1326. « C’est un édifice des plus merveilleux, des plus  solides, et des plus extraordinaires pour sa forme. » 

    Depuis plus de treize siècles, le Dôme du Rocher est le joyau de l’acropole de Jérusalem, une vaste aire sacrée que les juifs et les chrétiens appellent le mont du Temple, que les musulmans nomment Al-Haram al-Charif, le Noble Sanctuaire, et qui est aussi connue comme l’esplanade des Mosquées. Doyen des édifices de l’islam, ce monument égale le Saint-Sépulcre par son importance spirituelle et le Taj Mahal par sa grâce. 

    Par une fraîche matinée d’hiver, le sanctuaire s’emplit peu à peu de femmes voilées en longs manteaux. Alors que les hommes se rendent, à une centaine de mètres au sud, à la mosquée Al-Aqsa, ce lieu paisible est principalement fréquenté par des femmes et des enfants musulmans. Sireen Karim, institutrice de maternelle, montre du doigt l’affleurement rocheux qui trône au centre de l’édifice. « C’est ici qu’a eu lieu l’ascension céleste de Mahomet, que la paix soit avec lui, pour rejoindre tous les prophètes. C’est ici qu’il est revenu nous informer des cinq prières par jour », explique-t-elle.

    Le rocher sacré a la couleur de la pierre de lune et sa surface criblée d’irrégularités détonne avec les splendeurs qui l’entourent. Deux cercles concentriques de colonnes et de piliers en marbre et en porphyre le ceinturent, qui supportent une coupole ornée de formes incroyablement complexes. Les murs portent de gracieuses calligraphies arabes, ainsi qu’une des plus grandes collections du monde de mosaïques médiévales. Vus d’en bas, ces minuscules carrés de pâte de verre figurent de luxuriantes feuilles de palmiers, des raisins mûrs, des diadèmes et des colliers. Sous le rocher sacré, un étroit escalier en marbre usé mène à une grotte sommairement creusée, appelée le Puits des âmes. La tradition musulmane veut que les eaux du Paradis coulent en dessous ; pour certains chrétiens et juifs cette cavité dissimulerait un passage secret renfermant de précieux artefacts.

    Au cœur du Dôme du Rocher se trouve un affleurement calcaire, lieu de l’ascension céleste de Mahomet pour les musulmans. Le site abrite l’une des plus grandes collections de mosaïques islamiques de la planète, qui s’étend sur 1 190 m2.

    PHOTOGRAPHIE DE Ziyah Gafic

    En 1911, des Européens en quête de trésors y pénétrèrent à l’aide de pots-de-vin et en sondèrent le sol dans l’espoir vain de trouver la légendaire Arche d’alliance. Leur profanation déclencha des semaines de violentes émeutes. Soixante-dix ans plus tard, de grands rabbins israéliens creusèrent un trou à la base du mur des Lamentations et percèrent un tunnel vers l’est pour tenter de localiser l’objet sacré. Cette entreprise illicite ne mena à rien si ce n’est à une rixe de courte durée entre étudiants rabbiniques et gardes musulmans, ainsi qu’à la crainte d’un conflit régional.

    Le Dôme du Rocher a miraculeusement survécu aux pillages, aux séismes, aux tensions religieuses, aux invasions sanglantes, ainsi qu’à d’autres menaces plus prosaïques telles que les fientes de pigeon. Des photos de ce monument remarquable ornent les mosquées, les salons et les bâtiments publics du monde entier. 

    « Près de 2 milliards de personnes ont un lien avec ce site», souligne le cheikh Omar Kiswani, directeur du complexe religieux de 14,4 ha, alors que nous discutons sur l’esplanade en pierre baignée de soleil qui porte l’édifice comme la monture d’un bijou. « Quand le prophète Mahomet est descendu des cieux, par la grâce de Dieu, tous les prophètes se sont rassemblés ici pour prier, ajoute-t-il, désignant les chemins, jardins, cours et édifices considérés comme formant une seule grande mosquée. C’est pourquoi prier ici équivaut à 500 prières ailleurs. »

    Aujourd’hui, le Dôme du Rocher est aussi au cœur d’un des litiges géopolitiques les plus épineux du monde. Sa voûte dorée sert fréquemment de décor à de violents affrontements entre les fidèles palestiniens et la police israélienne. « Toute église ou synagogue en Terre sainte est un lieu de paix, soupire Omar Kiswani. Sauf en cet endroit, où c’est une zone de guerre. » 

    Des juifs observent une section du mur des Lamentations, vestige du Second Temple rasé par les Romains en 70 apr. J.-C. Derrière lui s’élève le Dôme qui, selon de nombreux juifs et chrétiens, fut érigé sur le site de cet ancien Temple.

    PHOTOGRAPHIE DE Ziyah Gafic

    Les musulmans considèrent ce lieu comme le plus important de l’islam après La Mecque et Médine, tandis que les Palestiniens y voient un symbole privilégié de leur nation. Pour de nombreux juifs pratiquants, l’édifice tient en revanche d’une abomination vouée à être détruite et remplacée par un nouveau temple juif. Certains chrétiens évangéliques maintiennent aussi qu’il doit laisser place à un nouveau temple pour permettre le retour dE Jésus-Christ. Ce mélange explosif de croyances religieuses fait trembler les responsables politiques de l’ensemble de la région, inquiets que toute tentative de le raser n’entraîne une guerre catastrophique.

    Reste que les raisons qui ont motivé la construction du Dôme sont incertaines et controversées. « Nous devons défaire l’édifice des enjeux politiques qui l’entourent, une couche après l’autre, comme un oignon, afin de comprendre pourquoi et comment il a été construit », affirme ainsi l’historienne de l’art américaine Beatrice St. Laurent, formée à l’université Harvard, qui a étudié le site pendant trente ans avec son collègue palestinien Isam Awwad, décédé en 2018. Leurs conclusions donnent un nouvel aperçu fascinant sur ce lieu saint, ainsi que sur le souverain musulman visionnaire qui l’aurait fait ériger. 

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