Alexis Nikole Nelson, la star des réseaux sociaux qui remet la cueillette au goût du jour
Connue aux États-Unis sous le nom de « The Black Forager » (littéralement, « la cueilleuse noire ») Alexis Nikole Nelson chante les louanges d’une vie passée au contact de la nature.

Alexis Nikole Nelson photographiée par Djeneba Aduayom dans le parc métropolitain 100 Acre Wood du comté de Colombus, dans l’Ohio.
Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.
La star de TikTok, Alexis Nikole Nelson termine toujours ses vidéos par le même appel, aussi cryptique que comique : « Happy snacking » (« Régalez-vous bien ») offre-t-elle en un sourire exposant ses dents du bonheur, « Don’t die ! » (« Ne mourez pas ! »). Il s’avère qu’elle ne rigole qu’à moitié. « Aux yeux des novices, certaines plantes délicieuses et comestibles peuvent paraître affreusement similaires à des plantes qui vous rendront malade, ou pire », explique-t-elle. « Chaque année, je dois rappeler la différence entre la carotte sauvage et la grande ciguë, qui a tué Socrate. Alors ne faites pas comme Socrate ! »
Avant que les humains ne commencent à domestiquer les plantes et les animaux, il y a à peu près 100 000 ans, la cueillette des plantes sauvages et des champignons était le principal moyen de subsistance. Et elle est restée une source vitale de subsistance, surtout pour les personnes ne possédant pas de terres. Comme le fait remarquer la star des réseaux sociaux, la tradition culinaire était particulièrement importante pour les esclaves du Sud, avant la guerre de Sécession, qui agrémentaient souvent leurs maigres pitances en chassant et cueillant sur les terres de leurs propriétaires. Mais durant la Reconstruction, où plusieurs personnes nouvellement affranchies ne possédaient pas encore de propriété, une série de lois a rendu interdite la cueillette sur les terres publiques, et la tradition s’est vite perdue dans les communautés noires.
Alexis Nikole Nelson, plus connue sous le nom de Black Forager (littéralement, la cueilleuse noire) a plus de sept millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, et partage sa connaissance des merveilles des plantes, aidant sa communauté à réclamer son héritage culinaire ancestral. Son évangélisme sur les bienfaits de consommer directement les produits de la nature parce que c’est économique, éthique et sain est contagieux. Elle sait quels pétales de pissenlits peuvent être fermentés, avec des zestes d’orange et de citron, pour faire un vin succulent, quels armillaires sont parfaits pour être sautés à la poêle et quels raisins vous mèneront à une mort certaine. On dit oui à Vitis riparia et non à son cousin toxique, le ménisperme du Canada.
Problèmes mortels mis de côté, la tiktokeuse a le rire facile et une répartie vive comme l’éclair. Il lui arrive souvent de se mettre à chanter : « J’adoooore quand les plantes locales sont délicieuses », un clin d’œil à ses diplômes en sciences environnementales et en théâtre de l’université publique de l’Ohio. Cette accroc autoproclamée de la mode se balade régulièrement dans les bois dans des habits fantaisistes et apprêtée. Ses fans l’adorent. « Je suis fan de la robe Nuit étoilée de Van Gogh », commente l’un de ses 1,8 million d’abonnés sur Instagram. En plus d’avoir été récompensée par un award James Beard Media, elle a emmené avec elle l’hôte d’une émission bien connue de soirée, Jimmy Kimmel, à la cueillette à Los Angeles, a animé un Ted Talk et a signé un contrat pour un livre de recettes avec la maison d’édition américaine Simon & Schuster.
Il y a six ans, bien loin d’être connue sur Internet, Alexis Nikole Nelson avait du mal à trouver du contenu de la part d’influenceurs du grand air qui lui ressemblaient. C’est ainsi qu’est née The Black Forager et, très vite, elle a commencé à tout partager, des sécrétions d’insectes sucrées, d’Ulva intestinalis, une sorte d’algue marine qu’elle aime saupoudrer sur du popcorn, aux origines racistes des lois sur la violation de propriété. Depuis, elle a voyagé à travers les États-Unis et par-delà ses frontières, se baladant dans des endroits où l’on ne s’attendrait pas à voir une « femme noire qui a du cran », plaisante-t-elle, se souvenant de voyages de cueillette dans une forêt en Finlande et dans les montagnes du Japon.
C’est en grandissant à Cincinnati, dans l’Ohio, qu’Alexis Nikole Nelson a cultivé sa passion de la cueillette. Son père l’emmenait souvent en randonnée dans les bois. Sa mère, qui travaillait dans le marketing, aimait se détendre dans son jardin méticuleusement entretenu. « Beaucoup de mes premiers et de mes plus beaux souvenirs avec ma mère étaient entre ses voyages d’affaire, entre les grosses campagnes marketing, où nous étions juste dans le jardin en salopette », se rappelle-t-elle. « Je ne pense même pas qu’elle se rendait compte d’à quel point c’était important, mais elle me posait des questions sur toutes les plantes. »
Peu de ses amis d’adolescence comprenaient sa passion pour la nature, ou les étés qu’elle passait à camper dans les bois, à fabriquer des bougies, à faire du vélo dans la montagne et à identifier la flore locale. « On me regardait comme si j’étais dans la Sunken Place », plaisante-t-elle, une référence au thriller psychologique Get Out. « Tout le monde pensait au grand air, à la survie, à la cueillette et ils s’imaginaient un homme blanc grisonnant aux allures de survivaliste, et ce n’était pas ce que j’étais, ni ce que je suis. »
Dans un futur proche, Alexis Nikole Neslon espère se rendre en Afrique de l’Ouest, et au Cap-Vert, le pays de ses ancêtres. La généalogie de sa famille la passionne. « Cela fait longtemps que la famille de ma mère habite aux États-Unis », explique-t-elle. « Son plus lointain ancêtre est arrivé en 1611 [en tant que serviteur sous contrat]. » Parfois, Alexis Nikole Nelson se plaît à imaginer ce que ses ancêtres auraient cueilli. Comme elle le dit : « Cela apaiserait quelque chose en moi de pouvoir travailler avec ces plantes. »
Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.
