Reservation Dogs : la recette du succès de Sterlin Harjo

Reservation Dogs était, pour les amateurs de séries TV, un succès inattendu. Pour ses créateurs, c’était le fruit d'une vie passée à construire un espace pour de telles histoires.

De Kate Nelson
Publication 12 mai 2025, 15:12 CEST
Sterlin Harjo photographié par Djeneba Aduayom au musée d’Art Philbrook à Tulsa, dans l’Arizona.

Sterlin Harjo photographié par Djeneba Aduayom au musée d’Art Philbrook à Tulsa, dans l’Arizona.

Cet article fait partie de la série de portraits National Geographic 33.

Après plus d’une décennie passée à faire des films, Sterlin Harjo, dont le travail porte souvent sur les problèmes que rencontrent les Amérindiens, hésitait à mettre un terme à sa carrière. « Mes films étaient présentés en festivals et étaient diffusés, mais peu de gens allaient les voir », explique-t-il. « Cela devenait frustrant, je consacrais beaucoup d’énergie à les faire et ils ne me permettaient pas de vivre confortablement. »

Au lieu de rendre son tablier, Sterlin Harjo (Muskogee, Séminole) s’est allié à Taika Waititi (Māori) pour réaliser une série télévisée qui l’a projeté sur le devant de la scène, aux côtés d’autres compères. La série Reservation Dogs (produite aux État-Unis par FX, un studio appartenant au même groupe que National Geographic), a fait ses débuts en 2021 et suit la vie d’adolescents dans une réserve de l’Oklahoma. « J’ai pris un pari en pensant que le milieu allait changer, dit-il, et ce fut le cas. »

Une première pour une série télévisée, Reservation Dogs comptait des Amérindiens devant et derrière la caméra. « Honnêtement, je pense que c’est ma naïveté qui a rendu cela possible », confie Sterlin Harjo. « Je savais que FX faisait des productions entièrement réalisées par des personnes noires avec Atlanta alors je me suis dit qu’ils feraient bien pareil pour une série amérindienne. Ils ont compris mon idée et m’ont énormément soutenu. »

Les Amérindiens se sont réjouis à la sortie de la série. Ils assistaient à une représentation de leur culture d’une manière qui n’avait jamais été faite jusqu’alors. Wes Studi, acteur Cherokee renommé et le seul Amérindien à recevoir un Oscar, jouait un rôle récurrent dans la série et continue d’observer un effet domino. « Toutes les personnes qui étaient sur le front durant les quarante dernières années ont fait en sorte que [cette série] voit le jour », se réjouit-il. « Je remarque un intérêt grandissant pour les histoires amérindiennes et grâce au travail de Sterlin, il y a plus d’opportunités. »

Reservation Dogs défie tous les anciens stéréotypes problématiques que perpétue la pop culture en montrant les Amérindiens comme ils le sont : des personnes comme les autres, avec leurs joies, leurs traumas et leurs problèmes quotidiens. « C’est exaltant parce que le grand public se prend d’intérêt pour nous et nous avons l’opportunité de raconter nos histoires de manière authentique et de montrer la diversité de notre narration. Selon moi, nous sommes les meilleurs conteurs de la Terre », déclare Sterlin Harjo. L’audience non-amérindienne qui a suivi la série compte comme un bonus pour le réalisateur, qui a créé la série à destination d’un public amérindien. Même avec toutes les louanges, son peuple demeure son phare dans la nuit. « Le défi que je m’impose dans mon travail c’est de pouvoir garder la tête haute au sein de ma communauté », dit-il. « Mon travail et ma vie ont toujours été liés et pour pouvoir rester fier, je dois produire un travail honnête. » Il se souvient s’être rendu au festival du sorgho à Wewoka, dans l’Oklahoma, le berceau de la Nation Séminole de l’Oklahoma. « Des personnes que j’ai connues toute ma vie sont venues me prendre dans leur bras pour me dire à quel point elles appréciaient mon travail », s’émeut-il. 

Enfant, Sterlin Harjo a passé des heures assis à la table de la cuisine de sa grand-mère, écoutant avec attention les récits de sa famille, qui jonglaient entre vérité et folklore. Mais il était loin d’imaginer qu’il serait celui qui, peut-être plus que n’importe quel autre réalisateur, ferait entrer la communauté amérindienne dans une nouvelle ère du cinéma aux États-Unis. « Je ne pensais pas que cela serait possible », confie Sterlin Harjo. « J’adorais les films mais je ne savais pas que je pouvais en écrire. » Cela a changé lorsqu’un de ses professeurs de l’université de l’Oklahoma l’a félicité pour une rédaction qu’il avait écrite pour un cours de soutien en anglais. Il s’agissait d’une histoire qu’il avait apprise à la table de sa grand-mère à propos d’un homme qu’elle avait épousé et qui s’était immolé. Une histoire vraie, insiste Sterlin Harjo. C’est quand son professeur lui a demandé s’il pouvait lire son récit à la classe qu’il s’est dit qu’il pourrait, après tout, être un conteur.

Plusieurs acteurs et créateurs de Reservation Dogs ont, depuis, permis le succès d’autres projets. Cela inclut Rez Ball, de Sydney Freeland, un film que Sterlin Harjo a coécrit sur une équipe de basket d’un lycée navajo qui tente de se qualifier pour les championnats de l’État du Nouveau-Mexique. Ou encore, le film d’Erica Tremblay, Fancy Dance, un film qui tourne autour des affaires de disparitions et de meurtres de femmes amérindiennes, du point de vue de la Nation Seneca-Cayuga de l’Oklahoma.

Pour Sterlin Harjo, la récompense ultime c’est que ses enfants, aujourd’hui âgés de sept et huit ans, grandiront dans un monde avec une représentation plus authentique des Amérindiens. À présent, ce sont eux qui écoutent les histoires de leurs aînés aux tables de cuisine. Et grâce à leur père, ils ont la chance de pouvoir en regarder certaines à la télévision.

Sterlin Harjo, comme il se doit, travaille déjà à son prochain projet. Une nouvelle série noire criminelle intitulée Sensitive Kind, portée par Ethan Hawke qui avait fait une brève apparition en tant qu’invité vedette dans Reservation Dogs. « Que ce soit horreur, braquage, comédie ou histoire d’amour, je veux simplement montrer que les réalisateurs amérindiens peuvent tout faire », déclare Sterlin Harjo.

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    Cet article a initialement paru dans le magazine National Geographic d'avril 2025. S'abonner au magazine.

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