8 villes pour les amateurs de Street Art

Graffitis, fresques, vandalisme… L’art urbain prend diverses appellations, mais la pertinence culturelle dissimulée derrière ces chefs-d’œuvre semble trouver une résonance aux quatre coins du monde.

De Karen Gardiner
Thailand
Un bâtiment arborant un graffiti de serpent borde le Khlong Saen Saep, un canal au centre de la Thaïlande.
PHOTOGRAPHIE DE Woodstock Photography, Getty Images

Le Street Art est la promesse d'un musée à ciel ouvert. Agréable au regard, il est souvent utilisé comme passerelle dans les affaires sociales, culturelles et politiques sous-jacentes des lieux dans lesquels il apparaît. Bien qu’il soit facile de tomber sur une belle œuvre d’art dans la rue, de la prendre en photo, de la publier sur Instagram puis de reprendre sa route, certaines des plus belles créations artistiques urbaines méritent qu’on s’y attarde et que l'on médite sur ce qu'elles expriment. Nous vous proposons une visite guidée des huit meilleures villes qui proposent un art de rue qui appelle à la réflexion.

 

SAN JUAN, PORTO RICO

Lancé en 2010, le festival d’art de rue de Santurce Es Ley a fait jaillir l’étincelle qui a permis à Santurce, un quartier longtemps négligé de San Juan, de devenir l'une des destinations les plus prisées de l’art. Toutefois, les fresques qui recouvrent les murs des immeubles ne sont pas que de simples papiers-peints : beaucoup d'entre-elles retracent les événements historiques et contemporains de Porto Rico.

Ce mur de graffitis à Porto Rico représente l'arrivée de Christophe Colomb sur une mer de sang, gorgée de cadavres.
PHOTOGRAPHIE DE Claudine Klodien, Alamy Stock Photo

Au coin de la Calle Cerra et de la Calle Aurora, une fresque représente les trois navires de Christophe Colomb qui lèvent les voiles, en 1492. On y voit des corps tomber hors du bateau et la mer prendre une couleur écarlate. D’après la coopérative El basta, cette fresque serait connue sous le nom d'Un viaje con más naufragos que navegantes (un voyage avec plus d’épaves que de marins), des mots tirés du livre Les Veines ouvertes de l’Amérique latine, écrit par Eduardo Galeano. El Basta a ajouté que « ces mots décrivent avec précision les méthodes de colonisation, d’exploitation et de pillage qui ont été utilisées (depuis lors). »

« En 2014, quand nous avons réalisé cette fresque, l'art urbain à connotations politiques était très rare, » disent-ils, « mais ça a changé depuis. » En continuant sur Cerra, vous repérerez d’autres fresques, dont la Despierta Boricua (« Portoricains, réveillez-vous ») de Natalia Sanchez, une peinture prônant un retour à l’agriculture. « Porto Rico est constamment dépouillé de ses richesses, » a-t-elle raconté, faisant référence à la crise économique qui a contraint les citoyens à chercher du travail à l’étranger. Un retour au travail de terres agricoles fertiles « est notre seul espoir de créer un état autarcique et souverain. »

 

BOGOTA, COLOMBIE

Les répercussions persistantes de l’histoire de la Colombie façonnent l’art urbain politisé de Bogota, un art dont la conception a récemment été influencée par les protestations dénonçant la fusillade qui a tué un jeune artiste en 2011. Bogota s’emploie à considérablement décriminaliser l’art de rue, encourageant le développement de peintures murales raffinées. 

À partir de Carrera 4 et de Calle 12, où une fresque de Guache sur le thème indigène recouvre la façade du studio de musique Holofónica, explorez La Candelaria et ses rues emplies de joyaux artistiques avant de vous diriger vers El Centro. À l’intersection de Carrera 4 et Calle 20, vous trouverez une large fresque illustrant plusieurs thèmes. Cette peinture que l’on doit au collectif Toxicómano, en collaboration avec DJ Lu, Lesivo et Guache, représente les visages des sans-abri et fait un clin d'œil au scandale des « faux positifs » relatif à la manière dont l’armée a appâté des civils démunis, venant de régions éloignées, avec des promesses d’emplois avant de les massacrer, en prenant soin de les vêtir d’uniformes de rebelles et de les présenter comme des guérilleros. Les grenades qui jonchent le sol de la campagne colombienne - les restes du conflit armé qui a agité le pays pendant une décennie - apparaissent également, avec des sacs d'argent ainsi qu'un casque de mineur faisant référence à la cupidité capitaliste et à l'exploitation des ressources naturelles de la Colombie.

 

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    WILLIAMSBURG, NEW YORK

    Souvent représenté comme l'épicentre du cool, le quartier de Williamsburg attire inéluctablement les touristes en utilisant l'art de ses rues comme des toiles de fond pour selfies. En cherchant bien, vous découvrirez des œuvres représentant les différentes facettes de l’humanité, celles qui composent le tissu de nos villes.

    Le duo d'Iraniens exilés, Icy et Sot, représente des enfants monochromes dans un arc-en-ciel de couleurs.
    PHOTOGRAPHIE DE Karen Gardiner

    Commencez sur Nord 10th et Bedford avec le portrait de Camilo, un garçon d’origine italo-jamaïcaine, qui fait partie du projet de « tribu humaine » de Jorit Agoch. À seulement trois coins de rue, en direction du sud sur Berry, Lay Your Weapons Down par Faith47 « revient sur la nature profonde des relations entre les gens. » Au TBA Brooklyn sur Wythe, Icy et Sot, un binôme d’exilés iraniens, mettent en scène des enfants monochromes dans un arc-en-ciel de couleurs. Souvent, les travaux du binôme mettent en lumière les conditions de vie dans leur pays d’origine et cette oeuvre-ci pourrait être interprétée comme la représentation de la liberté de création qu'ils ont trouvée à Brooklyn.

     

    ISTANBUL, TURQUIE

    « Istanbul est un amalgame de cultures, » nous a raconté l'artiste local Leo Lunatic. « Le multiculturalisme et la diversité sont enracinés dans la société et la vision du monde d'Istanbul. Malgré la situation politique actuelle de la région et notre portée géopolitique, nous, les artistes, faisons le choix de rester apolitiques, pour la majorité. Les artistes créent, tout au plus, quelque chose qui promeut la paix et qui dénonce la guerre ou donne, de façon subtile, leur assentiment politique. »

    D'un point de vue culturel, les artistes de rue d'Istanbul s'inspirent beaucoup de l'histoire locale. Beaucoup « représentent les bustes romains ou grecs de nos œuvres d'art qui reflètent le passé et le patrimoine sculptural d'Istanbul que l'on retrouve encore à travers la Turquie d'aujourd'hui. » Leo a lui-même souvent inclus des motifs inspirés des carreaux ottomans ainsi que des détails architecturaux, bien que sa signature soit un panda, dont plusieurs versions recouvrent les murs de la ville.

    La représentation d'un panda réalisée à la bombe aérosol par l'artiste Leo Lunatic orne la face extérieure d'un ancien immeuble du quartier de Galata à Istanbul, en Turquie.
    PHOTOGRAPHIE DE Czgur, Getty Images

    Un panda d'une hauteur de deux étages qui tient une bombe de peinture dans chacune de ses pattes apparaît sous la tour Galata, dans le quartier de Karaköy. De là, continuez dans la direction sud-est vers le Bosphore, à travers les ruelles regorgeant de petits cafés, pour trouver des œuvres qui couvrent les murs et les devantures de magasins, des œuvres en grande partie réalisées par les artistes M. Hure, Olihe et Luckypunch, dont l'histoire a récemment été racontée dans le documentaire Revolt Against Gray (la Révolte contre le gris).

     

    LE CAIRE, ÉGYPTE

    La révolution égyptienne en 2011 a suscité l'explosion d'un art urbain aux influences politiques, constituant un véritable précédent pour le Caire. Des dessins au pochoir, des portraits de militants déchus ainsi que les caricatures de figures d'autorité recouvraient les murs situés autour de la Place Tahrir, tout particulièrement dans la rue Mohammed Mahmoud où le mur de l'Université américaine au Caire (AUC) était utilisé « comme journal » par les militants.

    Des mesures de répression tyranniques sur les manifestants ont mis un frein aux œuvres les plus provocantes. Le mur de l'AUC a été blanchi à la chaux, puis en partie démoli, mais certaines œuvres, dont le portrait d'un jeune martyr réalisé par Ammar Abo Bakr, sont restées. Depuis l'AUC, marchez sur environ cinq kilomètres à l'est du quartier Mansheya Nasir, une zone habitée par de nombreux éboueurs. El Seed rend honneur à ces travailleurs dans une grande fresque qui s'étend sur près de 50 bâtiments et qui, dans une calligraphie arabe, cite un évêque copte du 3e siècle : « Si l'on veut voir la lumière du soleil, on doit s'essuyer les yeux. »

     

    BANGKOK, THAÏLANDE

    Bangkok offre aux visiteurs la possibilité de voir l’art de rue sous un autre angle : depuis les étendues d'eau. Les fresques créées durant le festival des arts urbains de Bukrukn de l'année précédente sont visibles lorsque vous empruntez l'un des ferrys Chao Phraya Express, depuis le Tha Thien Pier jusqu’au pont du roi Taksin. 

    Une fresque de Roa représente deux éléphants tombant du mur d'une construction à Bangkok, en Thaïlande.
    PHOTOGRAPHIE DE Chanachai Panichpattanakij, Getty Images

    Le paysage de la ville et ses habitants ont apporté une influence artistique. En navigant dans les eaux de Chinatown, vous pourrez apercevoir un regroupement de bicyclettes peintes par Aryz, qui a indiqué qu'il avait utilisé des couleurs saturées afin qu'elles se fondent dans l'environnement. Deux éléphants qui tombent du mur opposé ont été peints par Roa, qui représente toujours des créatures vivant dans les environs qu'il peint.

     

    STAVANGER, NORVÈGE

    Chaque année, les habitants offrent la possibilité aux artistes participant au festival d’art urbain NuArt de Stavanger d’utiliser les murs de leurs maisons ou de leurs commerces. Si personne ne sait ce que les artistes y réaliseront, tout le monde accepte de garder les créations artistiques pendant au moins un an. Le plus souvent, ces œuvres sont des conversations sur les questions locales se déroulant dans la sphère publique.

    L’artiste Roa représente une baleine ouverte en deux, rejetant du sang et de l’huile, sur le mur d’un immeuble à Stavanger, en Norvège.
    PHOTOGRAPHIE DE Karen Gardiner

    Commencez votre promenade dans le centre-ville où, derrière le Scandic Stavanger City hotel, une peinture aux couleurs noires, blanches et rouges de Roa représente une baleine coupée en deux qui rejette du sang et de l’huile – l’une des diverses illustrations qui s’inspirent de la tradition norvégienne de chasse à la baleine et / ou de la dépendance à l’huile. En continuant dans vers l'est jusqu’à Storhaug, où deux silos mesurant près de 48 mètres se dresseront devant vous. Le Monument to a Disappearing Monument (le monument de la disparition d’un monument) de Fintan Magee est une réponse à l’effondrement des cours mondiaux du pétrole et de ses répercussions sur l’économie de Stavanger, la capitale pétrolière de la Norvège. Cette œuvre, réalisée sur deux silos, représente un travailleur du pétrole (1er silo) dont l’image réfléchie (2e silo) se brise en plusieurs morceaux et disparaît.

     

    BRISTOL, ANGLETERRE

    Pendant longtemps, Bristol a refusé les graffitis, les recouvrant quasi systématiquement de peinture quelques jours après leur création. La ville du sud-ouest de l'Angleterre met désormais ses murs à la disposition des plus grands street artists et accueille chaque année le festival Upfest, le plus grand festival européen de street art qui se tient fin juillet dans les quartiers de Southville et Bedminster. L'occasion de déambuler une bière dans une main et un sandwich dans l'autre pour admirer les artistes choisis par la ville créer en temps réel des fresques immenses recouvrant les œuvres créées l'année précédente.

    Oeuvre de Banksy, à Bristol (Royaume-Uni), représentant la reine Elizabeth II maquillée à la Bowie.
    PHOTOGRAPHIE DE Telegraph UK

    Bristol est un lieu ô combien symbolique du street art, puisque Banksy y a signé un de ses premiers coups d'éclat, en 2001, en peignant un graffiti sur la mairie, connue alors pour sa politique « zéro tolérance » en matière d'expression murale. Banksy a ensuite réalisé plusieurs œuvres murales, souvent contestataires, toujours teintées d'humour, qui parsèment la ville britannique.

    On peut aujourd'hui admirer à Bristol les réalisations de plus de 70 artistes, dont le Californien El Mac et les Bristoliens Nick Walker et Inkie. 

     

    Karen Gardiner est une auteure de voyage et d’art indépendante, basée en Ecosse. Suivez-la sur Instagram et Twitter.

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