Dans la peau d'une femme à Gaza

La photographe Monique Jaques nous montre les coulisses du quotidien de ces jeunes femmes qui vivent dans l'un des endroits les plus isolés de la planète.

De Alexa Keefe
Photographies de Monique Jaques
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Dans la maternité de l'hôpital Al-Shifa de Gaza, des étudiantes en médecine de l'université islamique prennent une pause. Selon la photographe, l'éducation occupe une place importante et est très accessible à Gaza.
PHOTOGRAPHIE DE Monique Jaques

Entre le conflit, la pauvreté et la pénurie d'essence qui ne permet de générer de l'électricité que quelques heures par jour, le quotidien dans la bande de Gaza est précaire. Deux millions de personnes vivent dans ce territoire palestinien, dont la taille équivaut à un peu plus de trois fois Paris, en faisant l'un des endroits les plus peuplés au monde. Les frontières avec ses voisins, l'Égypte et Israël, sont fermées, tandis que les déplacements à l'intérieur et à l'extérieur du territoire sont soumis à des contrôles stricts. La vie à Gaza a été comparée à une prison à ciel ouvert, et parfois à pire.

Monique Jaques, comme de nombreux photojournalistes, s'est à l'origine rendue à Gaza en 2004 afin de couvrir la guerre avec Israël. Cependant, après avoir séjourné chez une famille et tissé des liens d'amitié avec l'une des filles à peine plus jeune qu'elle, une histoire inattendue a commencé à se profiler. La photographe a réalisé que si la vie quotidienne dans un tel lieu était difficile, elle l'était d'autant plus en pour les femmes. Selon elle, les filles sont le reflet de leurs familles et subissent énormément de pression afin qu'elles se comportent d'une manière susceptible d'attirer le meilleur mari. Une dimension amplifiée par le fait que les familles élargies vivent en communauté, offrant peu d'occasions d'échapper aux regards attentifs des autres. D'après la photographe, boire un café avec un garçon sans que les parents soient au courant suffit à déchaîner les ragots.

Afin d'en savoir plus, Monique Jaques a rencontré autant de filles que possible et, s'appuyant sur la tradition palestinienne des récits oraux, leur a demandé de lui faire part de leurs histoires. Si la majorité des personnes photographiées vivaient dans la ville de Gaza, plus libérale que le reste du pays, convaincre des adolescentes et de jeunes adultes de faire fi des normes sociales et l'autoriser à les photographier n'était pas une mince affaire. « Une fille peut faire tout ce qu'elle veut tant qu'elle est petite », explique la photographe. « Une fois que vous atteignez la puberté, les choses deviennent radicalement différentes. Si les familles encourageaient leurs filles les plus jeunes à apparaître sur les photos, elles étaient plus réticentes avec celles plus âgées. »

Monique Jaques raconte que la plupart des filles qu'elle a photographiées n'étaient jamais sorties de Gaza, ce qui ne les empêchait pas d'avoir envie de partir, ne serait-ce que pour découvrir d'autres horizons. « Si seulement j'avais la possibilité de partir, juste le temps d'une journée, dans un lieu où personne ne me connaît », a confié l'une des Gazaouis à la photographe.

En dépit des difficultés, Monique Jaques a choisi de mettre l'accent sur les moments de joie, d'espoir et de force que l'on trouve dans cet environnement où, certes, le quotidien est confiné mais aussi perpétuellement « agité et tiraillé », selon ses propres mots. Elle rend compte des jeunes femmes dans leur moments d'intimité mais également comme des membres à part entière de la société, qui travaillent en tant qu'agent de police, médecin, vont à l'école, fréquentent les cafés... Elle reconnaît avoir été critiquée par certains, qui lui reprochent de ne plus se préoccuper de la souffrance endurée par les Gazaouis (selon un récent rapport de l'ONU, Gaza sera inhabitable avant 2020, date prévue à l'origine, si les conditions de vie actuelles restent les mêmes).

Pour autant, cela ne freine pas la photographe dans sa démarche, entre photographie et collecte d'histoires. « Il y a tellement de choses à montrer, au-delà des images de guerre. Ces jeunes filles mènent des vies incroyablement riches. Elles travaillent, étudient, ont des espoirs et des rêves. »

Monique Jaques collecte actuellement des fonds dédiés à la publication de son projet Gaza Girls: Growing Up in the Gaza Strip (« Les filles de Gaza : devenir une femme dans la bande de Gaza ») sous forme de livre. Si vous souhaitez en savoir plus, consultez sa page Kickstarter.

Sur le port de Gaza, des filles admirent le coucher de soleil.
PHOTOGRAPHIE DE Monique Jaques
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