Remporter un concours photo a changé la vie de ce photographe

Anuar Patjan a remporté l'édition 2015 du concours photo National Geographic Traveler, et sa photo a fait le tour du monde. Découvrez comment cette victoire a changé sa carrière de photographe sous-marin.

De National Geographic
Photographies de Anuar Patjane Floriuk
Cette image de plongeurs aux côtés de baleines à bosse au large de l'île de Roca ...
Cette image de plongeurs aux côtés de baleines à bosse au large de l'île de Roca Partida au Mexique a remporté l'édition 2015 du concours photo Traveler.

Anuar Patjane Floriuk a remporté en 2015 la première place du concours photo National Geographic Traveler. Un an après, il partage avec nous sa passion pour la photographie sous-marine et nous raconte comment le fait de gagner le concours photo Traveler a changé sa vie et sa carrière.

Nat Geo Traveler : En 2015, votre incroyable image de baleines nageant au large des îles Revillagigedo a fait sensation au concours photo National Geographic Traveler, et a remporté la première place. Quel a été l’impact de cette victoire sur votre vie et votre travail cette année ?

Anuar Patjane Floriuk : Finir premier au concours photo Traveler a été un grand honneur pour moi. J’en suis très heureux et très fier. Cela a eu un grand impact sur ma vie et mon travail, en particulier parce que l’image qui m’a permis de remporter le concours a été énormément diffusée. Grâce à cette publicité, je vois désormais mes images utilisées dans des projets de conservation marine, et cela me rend heureux. Grâce à cette victoire, j’ai été invité à prendre part à des projets et des expéditions très intéressants.

N.G.T. : Parlez-nous des coulisses de votre photo « Whale Whisperers ». Qu’est-ce qui vous a donné envie d’aller prendre des photos à cet endroit ?

A.P.F. : Les îles Revillagigedo sont bien connues des plongeurs américains et mexicains. Aux États-Unis, elles sont considérées comme un des meilleurs sites de plongée au monde. C’est à cause de la diversité de leur faune marine que j’ai réservé ma place sur une expédition vers les îles au cours de la saison migratoire des baleines à bosse. C’était pour avoir l’opportunité de les rencontrer sur place, ou au moins de les entendre.

N.G.T. : Le titre de votre image est « Whale Whisperers » (« ceux qui murmurent aux baleines »). Est-ce que cela veut dire que vous avez entendu les baleines pendant la plongée ?

A.P.F. : Oui, en général on les entend. Quand elles sont proches, le son est absolument magnifique et prenant. C’est le mâle qui produit ces longs et beaux sons à répétition. Cette maman baleine était plutôt silencieuse. J’ai intitulé cette photo « Whale Whisperers » parce qu’elle transmet un moment où les deux espèces partagent le même espace et communiquent non pas avec des mots, mais par la reconnaissance de l’autre et le langage corporel. On ressent, on sait lorsque la mère vous laisse se rapprocher d’elle.

N.G.T. : Avez-vous immédiatement vu cette scène ? Lorsque vous avez pris la photo, saviez-vous que c’était le cliché que vous vouliez capturer ? Ou bien est-ce qu’il vous est apparu pendant le processus d’édition ?

A.P.F. : En général, on ne voit pas la scène se profiler. Mais dans ce cas particulier, si. J’ai su quelques secondes auparavant qu’il y aurait beaucoup de mouvement et d’action quand la maman baleine et son petit ont nagé vers le reste de l’équipe de plongeurs. J’ai donc préparé mon appareil photo pour cela.

Dès que j’ai pris la photo, j’ai su qu’elle serait bien. Je le sentais. Seulement, je n’étais pas sûr de la mise au point. J’ai dû attendre de sortir de l’eau pour le vérifier. Je n’ai pris qu’une image de cet évènement. Une seule. Je n’avais pas de plan B ou C. Je suis très heureux d’avoir eu la bonne mise au point !

N.G.T. : Vos photographies sous-marines sont en noir et blanc. Pourquoi ?

A.P.F. : Je trouve le noir et blanc absolument magique. Je ne peux pas m’en empêcher. La photo en noir et blanc touche mon esprit et mes émotions d’une façon bien plus forte que la couleur. Avant de commencer la photographie sous-marine, la plupart des images que je prenais hors de l’eau était en noir et blanc. Ce n’était que la suite logique de mon travail. Je me souviens qu’au début, cela surprenait mes partenaires de plongée de voir que j’enlevais toutes les couleurs des photos, mais je pense qu’aujourd’hui ils aiment bien.

J’utilise un Sony RX100 qui crée des fichiers RAW en couleur. Pour la photo gagnante, j’ai dû attendre de rentrer chez moi pour voir la transformation finale en noir et blanc. Quand je l’ai vue convertie, je l’ai observée pendant des heures et j’en suis tombé amoureux, un vrai coup de foudre. Je n’étais pas sûr qu’elle plaise aux autres. La plupart des gens ne veulent voir que les baleines, sans plongeurs ni humains. Mais apparemment j’avais tort.

N.G.T. : Cette image fait partie de votre série « Underwater Realm » (« royaume sous-marin »). Depuis combien de temps y travaillez-vous ? Est-elle terminée ?

A.P.F. : Cela fait cinq ans que je travaille sur cette série, et non, elle n’est pas terminée. Je ne pense pas qu’elle le sera un jour, parce que je ne peux arrêter ni la plongée, ni la photographie. J’aime trop ces deux activités. Elle sera terminée le jour où je serai trop vieux ou trop affaibli.

N.G.T. : Est-ce que ce sont ces instants d’intimité avec les animaux et leur monde qui rendent le processus créatif de ces images sous-marines si spécial ?

A.P.F. : Je pense que faire des photos sous-marines est une façon pour moi de partager ma passion pour l’océan et la plongée, et de créer un peu d’intérêt pour nos océans. Le fait de montrer la beauté de la vie sous-marine nous fait réfléchir et prendre plus soin des océans, du moins je l’espère.

« (…) Cela a eu un grand impact sur ma vie et mon travail (…) Grâce à cette publicité, je vois désormais mes images utilisées dans des projets de conservation marine. »

N.G.T. : En plus de remporter le concours photo de National Geographic Traveler, vous êtes arrivé en deuxième position du concours World Press Photo dans la catégorie Nature. Est-ce que c’est le fait de remporter le concours National Geographic Traveler qui vous a donné envie de participer au concours World Press ? Qu’est-ce que cela vous fait de voir votre travail associé à des organisations majeures du monde de la photographie ? Comment avez-vous changé votre façon de photographier et de vous connecter avec la communauté ?

A.P.F. : Remporter le concours Traveler m’a fait douter d’envoyer la photo gagnante à World Press Photo. Je pensais qu’elle ne serait pas reçue puisqu’elle avait déjà gagné un concours d’envergure majeure. Mais j’ai quand même décidé de l’envoyer.

C’est vraiment très gratifiant de voir son travail reproduit dans les grands journaux, les grands magazines et dans les organes de presse du monde entier. Mais c’est encore mieux de le voir utilisé par des organismes de conservation. Cela me procure une intense satisfaction, et ça donne du sens à mes photographies.

N.G.T. : Quels conseils avez-vous pour les photographes qui se présentent au concours 2016 ?

A.P.F. : Faites confiance à contre intuition, que ce soit pour prendre une image, l’éditer, ou choisir celle que vous allez présenter. Ne laissez pas la logique prendre le contrôle. L’intuition est un outil puissant, et lui faire confiance est une façon sage de prendre des décisions. J’aurais plus confiance en une image que j’aime plutôt qu’une image qui, à mon avis, plaira aux autres.

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