Quilombos brésiliens : une résistance à toute épreuve

Au Brésil, des descendants d’esclaves évadés vivent en communautés liées par une culture propre, par la religion – et par l’esprit de résistance.

De Paula Ramón
Photographies de María Daniel Balcazar
Publication 11 mars 2023, 09:30 CET
À Salvador, l’office dans l’église Notre-Dame du Rosaire du Peuple Noir, qui date du XVIIIe siècle, suscite diverses ...

À Salvador, l’office dans l’église Notre-Dame du Rosaire du Peuple Noir, qui date du XVIIIsiècle, suscite diverses réactions parmi les fidèles.

PHOTOGRAPHIE DE María Daniel Balcazar

Givânia Maria da Silva est née dans une communauté de l’est du Brésil fondée par des femmes africaines victimes de la traite des esclaves. Comme de nombreux descendants d’esclaves, Silva, 56 ans, a connu la discrimination raciale – et pire – en grandissant au Brésil, le dernier pays de l’hémisphère occidental à avoir aboli l’esclavage.

Plus tard, elle est devenue la première femme de Conceição das Crioulas à obtenir un diplôme universitaire – un exploit extraordinaire dans un pays où les habitants des quilombos luttent depuis longtemps pour leurs droits individuels et fonciers.

Silva est aujourd’hui enseignante et militante. Elle se consacre depuis trente ans à la recherche de moyens susceptibles d’impliquer les élèves et de créer des programmes scolaires traitant de l’histoire des quilombos, de la violence et de l’oppression dont ils sont victimes depuis des siècles, ainsi que de la culture dynamique qui s’y est développée en dépit de tous les obstacles.

Ce n’est qu’en 1988, soit cent ans après l’abolition de l’esclavage au Brésil, que la Constitution du pays a reconnu les droits de propriété des Afro-Brésiliens qui vivent dans des quilombos. Mais peu d’entre eux sont propriétaires, et l’obtention des titres fonciers est difficile. Les inégalités et la stigmatisation perdurent, et continuent de peser sur les descendants d’esclaves.

Une jeune fille visite un cimetière de Rio de Janeiro où les adeptes des religions d’origine africaine, largement pratiquées dans les quilombos, honorent leurs proches lors du Jour des morts – ou Dia de Finados.

PHOTOGRAPHIE DE María Daniel Balcazar

Au Brésil, les quilombos symbolisent depuis longtemps la résistance à l’oppression. Ils représentent, estime Silva, « la lutte pour la reconnaissance des droits des Noirs et du rôle que les Noirs ont joué dans tout le processus de violence commencé par leur rapt sur le territoire africain ».

Situé dans l’État de Pernambouc, Conceição das Crioulas compte environ 4 000 habitants. Les femmes s’y établirent au début du XIXe
siècle, raconte l’histoire orale. « Mais, note Silva, nous ignorons pourquoi elles y sont venues seules. »

Palmares était le plus grand et le plus célèbre quilombo. Installé dans l’actuel État d’Alagoas, voisin, il se développa jusqu’à accueillir plus de 20 000 habitants. Mais les forces portugaises le détruisirent en 1694. Le site, bien qu’inhabité, est aujourd’hui un parc commémoratif.

L’appartenance à un quilombo n’est pas avant tout une question de couleur de peau, rappelle Silva. « Le mot désignait des personnes qui se battent, qui résistent, qui se réorganisent. »

Dès 1530 et pendant plus de trois cent cinquante ans, des navires amenèrent environ 4,8 millions d’Africains captifs au Brésil, soit plus que dans tout autre pays des Amériques. En 1888, lorsque l’esclavage fut officiellement aboli, bon nombre d’entre eux s’étaient échappés et avaient fondé leurs propres communautés. Aujourd’hui, selon les statistiques officielles, à peu près 1,1 million de personnes vivent dans quelque 5 900 quilombos répartis dans tout le pays (la Conaq estime plutôt leur nombre à environ 6 500). Il y a trente-quatre ans que le Brésil  a reconnu des droits de propriété aux personnes d’origine africaine vivant dans les quilombos. Cependant, moins de 10 % des communautés bénéficient d’un statut de protection de la part du gouvernement. À l’instar de celui des habitants des Terres autochtones, un tel statut les protégerait du développement économique.

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    Des enfants participent à la procession de la Semaine sainte d’une église d’Ouro Preto (Minas Gerais). Au Brésil, nombre de cultes mêlent le christianisme à des éléments issus des traditions africaines et autochtones.

    PHOTOGRAPHIE DE María Daniel Balcazar

    Près de 56 % des Brésiliens, soit 119 millions de personnes environ, affirment être d’origine africaine, selon l’Institut brésilien de géographie et de statistique. Pourtant, les Blancs occupent l’essentiel des postes de direction dans la politique, les affaires et les arts. Le revenu moyen des Afro-Brésiliens dépasse à peine la moitié de celui des Blancs, selon une étude de l’Institut réalisée en 2020. Cet écart a très peu évolué depuis dix ans au moins.

    « En ville, les patrons nous veulent pour le travail manuel. Nous travaillons beaucoup, mais nous gagnons très peu, donc c'est encore un processus d'esclavage » relève Benedito de Freitas, 42 ans, de la Comunidade Remanescente Quilombola João Surá (sud-est du Brésil). Comme les cinquante-cinq autres familles de la communauté, Benedito de Freitas a des ancêtres qui ont fui l’esclavage dans les mines d’or de la région et se sont installés dans la selve (forêt équatoriale).

    « Si nous existons aujourd’hui, c’est parce que nos ancêtres ont cherché la liberté, dit-il. C’est ici [dans les quilombos] que l’on respecte les Noirs, hommes et femmes, même quand ils sont opprimés. »

    Extrait de l'article publié dans le numéro 277 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine

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