Voici les quatre étapes qui rythment le vieillissement du cerveau

De nouvelles recherches établissent les principales étapes du développement des connexions dans le cerveau, de l’élagage précoce des synapses à la dégradation des réseaux neuronaux en fin de vie.

De Helen Bradshaw
Publication 2 déc. 2025, 16:58 CET
Une IRM par diffusion colorisée révèle les autoroutes de la substance blanche du cerveau, qui acheminent ...

Une IRM par diffusion colorisée révèle les autoroutes de la substance blanche du cerveau, qui acheminent les signaux entre ses régions. En suivant le mouvement de l’eau le long de ces fibres, les scientifiques peuvent cartographier la façon dont la configuration du cerveau se renforce, évolue et se détériore au cours de la vie.

PHOTOGRAPHIE DE MARK ET MARY STEVENS NEUROIMAGING AND INFORMATICS INSTITUTE / SCIENCE PHOTO LIBRARY

Notre cerveau change avec l’âge, cela n’a rien d’un secret. La facilité avec laquelle de nouvelles connexions s’y forment, qu’il s’agisse d’apprendre une nouvelle langue ou d’acquérir une nouvelle compétence, varie tout au long de la vie. Des scientifiques viennent de montrer combien ces changements sont spectaculaires et structurés.

Une nouvelle étude de l’Université de Cambridge a identifié cinq phases distinctes dans le développement du cerveau tout au long de la vie humaine. Ces phases sont jalonnées par quatre moments charnières : les âges de neuf ans, 32 ans, 66 ans et 83 ans, auxquels le cerveau se « reconfigure ». « À différents moments dans le temps, on s’attend à ce que le cerveau fasse des choses différentes », explique Alexa Mousley, chercheuse associée à l’Université de Cambridge et autrice principale de l’étude. « Ces phases montrent que le développement du cerveau est non linéaire. »

Pour découvrir ces étapes, les chercheurs ont étudié les données de scanners cérébraux de près de 4 000 personnes afin d’identifier où la myéline, l’isolant graisseux qui accélère les signaux électriques le long des fibres nerveuses, et les mouvements de l’eau le long de ces fibres, qui aident à révéler comment différentes régions se connectent. « La myéline isole, en substance, la connexion, la rend plus rapide », explique Alexa Mousley.

En retraçant ces caractéristiques de la naissance jusqu’à l’âge de 90 ans, l’équipe a révélé comment les voies de communication du cerveau se renforcent, se stabilisent et finissent par décliner selon des motifs reconnaissables. Ces motifs sont susceptibles d’aider un jour les chercheurs à découvrir pourquoi certains troubles mentaux apparaissent à des moments précis de la vie et de fournir un étalon permettant d’évaluer les facultés cognitives. Voici ce qui se passe dans le cerveau à chacune de ces étapes.

 

DE LA NAISSANCE À L’ENFANCE (0 À 9 ANS) : COMMENT LE CERVEAU SE RECONFIGURE

La petite enfance est souvent perçue comme une période d’apprentissage rapide, mais l’équipe de recherche a découvert que le cerveau devient en fait moins efficace durant cette période. Entre la naissance et l’âge de neuf ans, le nombre de synapses, les jonctions qui permettent aux neurones de transmettre des signaux, décroît à mesure que l’enfant vieillit. Seules les synapses les plus actives survivent, un processus d’élagage qui permet de rationaliser les circuits cérébraux.

Dans le même temps, la substance blanche, les régions où la myéline aide à transmettre les signaux, et la substance grise, des régions remplies de neurones, s’accroissent rapidement. Ensemble, substances blanche et grise, travaillent de sorte à faciliter les facultés cognitives critiques, notamment l’apprentissage et la mémoire.

« Nous savons, grâce à des travaux antérieurs, que des choses comme la démence et la santé mentale sont liées à la façon dont le cerveau est câblé », ajoute Alexa Mousley. Bien que les chercheurs ne soient pas en mesure d’affirmer avec certitude que ces schémas de « câblage » aient un lien avec des troubles mentaux apparaissant à l’enfance, « il s’agit d’une hypothèse raisonnable, qui n’a toutefois pas encore été explorée directement », affirme-t-elle.

 

L’ADOLESCENCE (9 À 32 ANS) : QUAND LE CERVEAU ATTEINT SON EFFICACITÉ MAXIMALE

Quand une personne atteint le début de la trentaine, son cerveau entre dans une période d’efficacité « maximale », les différentes régions du cerveau utilisent les chemins les plus directs pour communiquer. La substance blanche continue à augmenter et, dans tout le cerveau, les connexions se font par les chemins les plus efficaces.

Mais selon Alexa Mousley, cette phase n’est pas intrinsèquement mieux que les autres : « Cela ne veut pas forcément dire que ce qui se produit lors des phases ultérieures est, pour ainsi dire, mauvais. Il s’agit simplement d’un autre moment dans le temps. »

La conclusion la plus surprenante de l’étude est peut-être que l’adolescence dure bien plus longtemps que ce qu’on imagine généralement. Pourtant, si l’on se fie à la façon dont le cerveau forme et affine ses connexions, cette fenêtre de développement dure peu ou prou jusqu’à l’âge de 32 ans.

Mais cette distinction se fonde sur l’efficacité du cerveau pour fabriquer des connexions et non sur le comportement, précise Alexa Mousley. « Rien dans notre travail ne suggère que vous devriez vous comporter comme un adolescent jusqu’à la trentaine », souligne-t-elle.

Par rapport à d’autres mammifères, les humains mettent plus de temps à atteindre l’adolescence, rappelle Alexa Mousley. « L’idée que nous n’atteignons notre apogée qu’au début de la trentaine, c’est vraiment, vraiment, beaucoup de temps, s’étonne-t-elle. Nous constatons que c’est une chose qui nous distingue en tant qu’humains. Selon certaines théories, c’est la raison même pour laquelle les humains sont si variés, le fait que ce développement soit si lent nous permet de fabriquer plus de connexions complexes que les autres espèces. »

 

ADULTE (32 À 66 ANS) : POURQUOI LE CERVEAU ADULTE ENTRE DANS UNE PHASE PROLONGÉE DE STABILITÉ

L’âge adulte marque la période la plus longue et la plus stable du développement du cerveau. Les chercheurs ont découvert qu’il n’y a « aucun changement majeur en matière de reconfiguration cérébrale pendant ces trois décennies », comme le souligne Alexa Mousley. « Des changements se produisent, mais aucun ne se détache vraiment du lot. »

Le cerveau s’installe en fait dans une longue phase stable : les chemins empruntés pour la communication se maintiennent et l’élagage et l’affinement rapides des premières années s’estompent. D’autres études ont montré que la personnalité et l’intelligence se stabilisent durant cette période.

 

DÉBUT DU VIEILLISSEMENT (66 À 83 ANS) : COMMENT LE CÂBLAGE DU CERVEAU SE DÉTÉRIORE

Vers l’âge de 66 ans, le cerveau entre dans une période où sa configuration commence à se fragiliser. La substance blanche commence à se dégrader plus rapidement durant les premières étapes du vieillissement.

En conséquence, le réseau du cerveau se cloisonne : ses régions communiquent efficacement au sein de petits groupes très connectés, mais communiquent moins aisément à l’échelle du système. « Cette segmentation en petits groupes bien connectés s’accroît », révèle Alexa Mousley. D’autres études ont d’ailleurs établi un lien entre cette période et une incidence plus élevée de la démence et de l’hypertension.

 

VIEILLISSEMENT AVANCÉ (83 À 90 ANS) : QUAND LES RÉSEAUX DU CERVEAU SE FRAGMENTENT

En phase finale, le réseau de communication du cerveau se fragme encore davantage. Alexa Mousley compare la phase de vieillissement avancé aux itinéraires des bus : certaines lignes cessent, si bien que des voyages qui se faisaient autrefois en ligne droite nécessitent désormais plusieurs correspondances.

« À notre avis, ce qui se passe, c’est qu’il y a une réduction de la connectivité et potentiellement moins de connexions, commente Alexa Mousley. Pour que l’information puisse traverser le cerveau via des connexions structurelles, certaines régions deviennent alors très importantes dans ce processus. »

 

CE QUE CES JALONS SIGNIFIENT VRAIMENT POUR VOTRE CERVEAU

Comme cette étude reflète des moyennes de populations, ces moments charnières ne doivent pas être vus comme des étapes précises. La plupart des personnes ne vont pas ressentir un changement cognitif soudain à leur soixante-sixième anniversaire.

« Si je vais chez le médecin et que je demande un traitement, je ne veux pas ce que l’on prescrit au quadragénaire moyen », déclare Richard Betzel, neuroscientifique à l’Université du Minnesota qui n’a pas pris part à l’étude. « Je veux une chose qui soit adaptée à mes besoins spécifiques. Chaque individu ne se trouve pas exactement sur cette moyenne. »

Pour autant, ces âges peuvent servir de repères utiles le temps que les scientifiques en apprennent davantage sur le type de connexions cérébrales qui se renforcent ou s’affaiblissent durant chaque phase et sur la façon dont ces changements se rapportent à l’apprentissage, à la personnalité et à la santé mentale.

« Peut-être que c’est un repère utile que de se dire : “J’approche d’une de ces transitions. Voyons voir.” Cela oblige les personnes qui autrement ne réfléchiraient pas à leur santé cérébrale à s’y mettre un peu, affirme Richard Betzel. Je peux donc tout à fait imaginer que cela devienne un effet involontaire puissant [de cette étude]. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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