L'influence des îles Galápagos sur le darwinisme

Retour sur l'influence de l'observation des pinsons menée par le naturaliste sur l'archipel, avec l'historien des sciences Laurent Loison.

De Julie Lacaze
Publication 9 nov. 2017, 02:02 CET
Cadavres de pinsons de Darwin à la station de recherche Charles-Darwin, sur l’île Santa Cruz. Les ...
Cadavres de pinsons de Darwin à la station de recherche Charles-Darwin, sur l’île Santa Cruz. Les extrêmes climatiques sont la norme aux Galápagos. Les oiseaux qui y vivent ont un bec dont la taille, la largeur et la forme se sont adaptées aux graines disponibles.
PHOTOGRAPHIE DE Thomas P Peschak

L’élaboration d’une théorie totalement nouvelle est souvent le fruit d’une observation fortuite qui mène à l’évidence : la vérité est bien là devant nos yeux, même si, la seconde d’avant, on y était aveugle. C’est ainsi qu’Alexander Fleming découvrit la pénicilline en observant, au retour de vacances, que ses cultures bactériennes de staphylocoques avaient été attaquées par un champignon qui produisait une substance antibiotique. Mais aussi que Newton vit la pomme tomber en même temps que la gravité. Pour Charles Darwin, qui a élaboré la théorie de l’évolution par la sélection naturelle, il se pourrait bien que le déclic se soit produit dans l’archipel des Galápagos, vers 1835.

 

LE NATURALISTE SE RÉVÈLE

C’est grâce au voyage du Beagle, un navire britannique envoyé pour cartographier les côtes d’Amérique du Sud, que Charles Darwin a ouvert les yeux pour la première fois sur la transformation des espèces par la sélection naturelle. Il n’était pourtant qu’un simple étudiant en théologie, envoyé à bord pour tenir compagnie au capitaine. Mais, fasciné par le monde végétal et animal découverts lors de nombreuses escales, le jeune Darwin s’imposa vite comme le naturaliste de l’expédition.

La genèse de sa théorie nous est racontée par Laurent Loison, historien des sciences au CNRS et spécialiste de L’Origine des espèces, l’œuvre majeure de Darwin. «  Lors de son voyage, il a été impressionné par la continuité de la morphologie des animaux et des végétaux qu’il observait au fur et à mesure de la progression du Beagle le long de la côte ouest de l’Amérique du Sud. D’autant plus qu’il a également observé une continuité paléontologique. Dans une même région, les fossiles ressemblaient beaucoup aux espèces actuelles [à l’époque de Darwin]. D’où l’idée d’une histoire évolutive que connaîtraient les espèces. »

 

UNE PREUVE VISIBLE DE L'ÉVOLUTION


Observer les pinsons des Galápagos va le conforter dans son idée. Sur chacune des 13 îles principales et sur les 47 îlots qui composent l’archipel, on trouve des espèces de pinsons différentes. C’est ce que Laurent Loison appelle « une radiation » : en fonction du milieu, une même espèce évolue d’une façon particulière. Ainsi, la forme des becs des pinsons s’est adaptée à la nourriture disponible : «  Sur les îles où l’alimentation est essentiellement granivore, les becs des pinsons sont volumineux et résistants, afin de mieux broyer les graines ; sur celles où le régime insectivore prédomine, le bec s’est affiné pour faciliter la capture des proies. »

Cet exemple est resté emblématique, car il illustre parfaitement les deux grands principes de Darwin. À la fois, celui de l’évolution (la "descendance avec modification", comme il l'a nommé) - une population ancestrale de pinson s’est fractionnée dans un archipel -, et celui de la sélection naturelle – du fait que ces oiseaux se sont adaptés aux contraintes spécifiques de leur habitat.

« Alors que les naturalistes du xIxe siècle croyaient que c’était le climat qui influençait l’apparence morphologique des espèces, le Britannique a pu observer à bord du Beagle que chaque espèce a sa propre histoire évolutive, et que les animaux, sous des climats identiques, peuvent être totalement différents. » Mais comme l’invention de Fleming, qui a dû attendre vingt ans pour voir poindre les premiers traitements antibiotiques, les idées révolutionnaires de Darwin sur l’évolution des espèces ne seront acceptées qu’environ un siècle après ses premières observations.  

Retrouvez le reportage El Niño menace les Galápagos dans le n° 213 du magazine National Geographic, publié en juin 2017.

 

Laurent Loison est historien et philosophe des sciences de la vie (CNRS, Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques – IHPST). Son travail porte notamment sur l’histoire la biologie.

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