Femmes scientifiques : le parcours du combattant

Le nouveau documentaire des exploratrices National Geographic Clare Fieseler et Gabby Salazar s'intéresse à la vie des femmes qui ont fait carrière dans les sciences, malgré les nombreux obstacles culturels et sociaux.

De Angeli Gabriel
Publication 14 juin 2018, 13:53 CEST
Moreangels Mbizah, biologiste de la conservation (à droite) prélève des données et prend des notes sur ...
Moreangels Mbizah, biologiste de la conservation (à droite) prélève des données et prend des notes sur le site où un lion et une girafe sont morts.
PHOTOGRAPHIE DE Gabby Salazar
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En 2018, il est toujours difficile d'être une femme dans le domaine des sciences, pour des raisons financières ou familiales ou bien à cause de la discrimination et du harcèlement dont elles sont victimes. Mais pouvez-vous vous imaginer ce que cela doit être de choisir une carrière scientifique pour une femme dans un pays ou une culture où les droits de la femme n'existent même pas ?

Dans leur nouveau documentaire Outnumbered in Africa, les exploratrices National Geographic Clare Fieseler et Gabby Salazar ont choisi de parler de ces femmes, qui doivent surmonter de nombreux obstacles pour vivre de leur passion. Présenté en avant-première mondiale cette semaine au FURTHER Film Festival de National Geographic à Washington, le documentaire retrace la vie et le travail de Moreangels Mbizah, biologiste de la conservation pour les lions et originaire du Zimbabwe.

Interviewées par National Geographic, les deux exploratrices ont dévoilé pourquoi elles avaient voulu faire ce documentaire, comment s'était déroulé le tournage aux côtés de Moreangels et ont donné quelques conseils aux jeunes filles du monde entier qui souhaiteraient devenir scientifiques.

 

Pourquoi avez-vous voulu réaliser Outnumbered in Africa ?

Gabby Salazar : Nous avons voulu faire ce documentaire car le statut des femmes scientifiques varie selon les domaines et les pays. Dans les pays en développement, les femmes rencontrent des obstacles plus subtils et plus difficiles à analyser. C'est cela qui nous intéressait vraiment.

 

Comment avez-vous rencontré Moreangels, le personnage principal du documentaire ?

Clare Fieseler : J'ai rencontré Moreangels en France, lors du Congrès international de la biologie de la conservation. Nous étions en conférence lorsque Cecil le lion a été abattu. Les organisateurs ont alors décidé d'organiser un colloque. Des personnes qui participaient à la conférence et qui travaillaient à la conservation des lions ont pris part à cet événement. Moreangels était l'une d'entre elles. J'ai été très impressionnée par son éloquence. À la fin, je suis allée la voir et je lui ai dit que je voulais en savoir plus sur son histoire. Nous avons commencé à échanger via Skype et puis j'ai fini par lui demander si elle serait d'accord pour que nous réalisions un documentaire sur elle.

 

D'après vous, pourquoi l'histoire de Moreangels est-elle si importante ?

Gabby Salazar : Je pense que nous avons beaucoup de chances de faire partie de notre communauté scientifique, où nous entendons les histoires des femmes scientifiques. Nous avons tissé des liens avec elles, nous parlons des barrières que nous avons dû franchir et nous apprenons toutes de nos expériences. Mais dans certains pays, ces réseaux sont parfois moins forts, pour l'unique raison qu'ils n'ont pas été créés. Par conséquent, les femmes ne peuvent pas échanger entre elles autant qu'elles le souhaiteraient.

C'est pour cette raison que nous avons voulu faire ce projet, pour que Moreangels inspire les femmes d'ici, mais aussi pour celles du Zimbabwe ou des pays de l'Afrique sub-saharienne, et qu'elle leur donne l'envie de surmonter les obstacles qui se trouvent sur leur route. Moreangels a une personnalité incroyable, elle a fait son choix et cela lui a réussit.

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    Savez-vous ce qui a poussé Moreangels à devenir scientifique ?

    Clare Fieseler : Je pense que c'est l'engagement. Son pays est très important à ses yeux et elle se bat pour protéger sa faune et sa flore. Dans le documentaire, elle explique qu'elle a voulu rester au Zimbabwe, même lorsque le pays a été frappé par la crise économique. Avec son doctorat de l'Université d'Oxford, elle aurait pu trouver du travail n'importe où et pourtant, elle a choisi de retourner dans l'un des pays les plus instables au monde.

    Lorsque des gens quittent leur pays d'origine pour avoir une meilleure vie ailleurs, on parle de la fuite des cerveaux. Cette dernière est un réel problème dans le domaine scientifique. Il est grand temps de nous intéresser aux individus qui choisissent de rester ou de rentrer dans leur pays natal pour leur faire bénéficier des compétences et de l'expertise scientifiques qu'ils ont acquis à l'étranger.

     

    Votre documentaire traite de problèmes spécifiques à la culture du Zimbabwe, comme l'importante stigmatisation des femmes qui travaillent. Vous n'oubliez pas non plus ceux qui touchent les femmes scientifiques du monde entier. Pouvez-vous nous en parler un peu plus ?

    Clare Fieseler : Avec Gabby, nous ne savions rien de la culture du Zimbabwe. Il nous a donc fallu beaucoup de temps pour saisir les difficultés auxquelles elle a été confrontée. Pour elle, le plus dur, c'était d'être séparée de son fils.

    Gabby Salazar : Dans ce documentaire, nous avons voulu mettre l'accent sur la maternité et les difficultés qu'elle représente, comme parvenir à poursuivre sa carrière tout en étant mère, un défi qui touche de nombreuses femmes.

     

    Moreangels s'est vraiment confiée à vous et c'est particulièrement touchant. Cela en dit long sur la confiance que vous avez l'une envers l'autre et sur les liens d'amitié que vous avez tissé.

    Clare Fieseler : L'interview de Moreangels a été très riche en émotions pour Gabby et moi. Pendant qu'elle parlait, nous étions en pleurs derrière la caméra. Une fois les caméras éteintes, nous avons continué à parler. Je trouve qu'en montrant votre vulnérabilité, les gens ont tendance à plus faire bouger les choses. 

    Gabby Salazar : Tout à fait. Nous étions très touchées par son histoire. Ce fut un grand moment d'émotions pour Clare et moi parce nous apprenions à la connaître et à comprendre les sacrifices qu'elle a dû faire et les obstacles qu'elle a surmonté pour être là où elle est aujourd'hui.

     

    Vous souhaitez raconter l'histoire d'autres femmes scientifiques. Qu'est-ce qui est à l'origine de ce projet ?

    Gabby Salazar : Pour moi, c'était l'amitié. Nous avons passé beaucoup de temps dans des pays où il est très rare que des femmes participent aux recherches sur le terrain. J'ai beaucoup travaillé en Indonésie et dans quelques parties de ce pays, il y a des femmes qui font un travail formidable.

    Sauf que pour ces femmes, il est bien plus difficile sauter le pas, de faire de la recherche et de faire leur travail. J'entendais beaucoup d'histoires et je me suis dit que ce serait bien si plus de monde les entendaient, parce qu'elles m'avaient permis comprendre l'histoire de la « femme scientifique » dans différents pays.

     

    Quel est le programme une fois les avant-premières de votre documentaire terminées ?

    Gabby Salazar : Nous travaillons d'arrache-pieds sur la rédaction d'un livre dans lequel des femmes scientifiques et exploratrices donnent des conseils à des fillettes et des jeunes femmes sur comment devenir scientifiques et comment l'aventure et l'exploration peuvent faire partie intégrante de leur vie.

    Fieseler: Gabby et moi avons commencé à parler de ce projet il y a trois ans. Nous avons parcouru un bout de chemin depuis mais nous n'avons jamais envisagé d'uniquement consacré les deux prochaines années de notre vie à ce projet. C'est plutôt le projet d'une vie.

     

    Qu'aimeriez-vous dire à une jeune femme qui s'intéresse aux sciences ?

    Clare Fieseler : Je lui conseillerais de suivre son instinct et sa passion du moment, car cela peut changer. La clé est de les encourager à découvrir les sciences, en stimulant leur confiance et leur curiosité. Et de ne pas s'arrêter au premier refus.

    Gabby Salazar : Je pense qu'il est très facile de reculer devant une opportunité qui vous est présentée soit parce qu'elle est différente de ce que vous voulez, soit parce que c'est compliqué. Mais ces opportunités sont à saisir. Si vous avez toujours voulu aller sur le terrain au Zimbabwe, faire de la recherche au Costa Rica ou faire un stage dans un bureau alors que vous pensiez que ce n'était pas pour vous, il est toujours plus simple de tout arrêter que d'essayer de le faire.

    Ce sont ces moments qui nous demandent de dépasser nos limites et qui nous font aller de l'avant.

     

    Cette interview a été éditée pour des raisons de clarté et de longueur.

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