Jocelyn Bell Burnell enfin récompensée pour l'extraordinaire découverte des pulsars

En découvrant le premier pulsar alors qu'elle n'était qu'étudiante à l'époque, Jocelyn Bell Burnell a apporté un nouvel outil essentiel dans la résolution des nombreux mystères du cosmos.

De Nadia Drake
Publication 12 sept. 2018, 17:32 CEST
Jocelyn Bell Burnell a découvert pour la première fois le pulsar alors qu’elle étudiait à l’Université ...
Jocelyn Bell Burnell a découvert pour la première fois le pulsar alors qu’elle étudiait à l’Université de Cambridge en 1967.
PHOTOGRAPHIE DE Geraint Lewis, Eyevine, Redux

Les pulsars, ces corps stellaires tourbillonnants qui émettent des faisceaux d'ondes radio à travers le cosmos, sont aujourd'hui les couteaux suisses de l'astrophysique. Grâce à eux, les scientifiques sont capables de tester les théories les plus fondamentales de la physique, de détecter les ondes gravitationnelles, de naviguer sur l'océan cosmique et peut-être même de communiquer avec des extraterrestres.

Sans les travaux de Jocelyn Bell Burnell, à l'origine de la découverte des pulsars en 1967 alors qu'elle n'était encore qu'étudiante à l'université de Cambridge, ces phares stellaires lointains ne seraient vraisemblablement pas les puissants outils qu'ils sont aujourd'hui.

51 ans après ses observations novatrices, Jocelyn Bell Burnell se voit aujourd'hui récompensée d'un Breakthrough Prize en physique fondamentale avec une dotation de 3 millions de dollars. Le comité ne salue pas uniquement son travail en matière de « détection des signaux radio émanant d'étoiles à neutrons super denses » mais aussi la « source d'inspiration majeure » qu'elle a été sur le plan scientifique.

Tout au long de sa carrière, Jocelyn Bell Burnell a œuvré à soutenir et élever les femmes et les minorités dans le monde scientifique. Preuve en est, elle fait don des 3 millions de dollars reçus à une association caritative du Royaume-Uni dont la mission consiste à venir en aide aux étudiants diplômés en physique issus de minorités.

« La professeure Bell Burnell mérite amplement cette récompense », a déclaré Iouri Milner, fondateur du Breakthrough Prize. « Sa curiosité, ses méticuleuses observations et analyses rigoureuses ont permis la découverte de certains des objets les plus intéressants et les plus mystérieux de l'univers. »

Disséminés à travers toute la galaxie, les pulsars sont des objets peu communs qui représentent la physique poussée à son paroxysme. Comment la professeure les a-t-elle découverts et à quoi servent-ils aujourd'hui ? Nous vous disons tout.

 

L'HEURE DE GLOIRE

En 1967, Bell Burnell travaille aux côtés d'Anthony Hewish, astronome à l'université de Cambridge, alors en quête de quasars, noyaux extrêmement lumineux de galaxies massives et lointaines. Afin d'y parvenir, Hewish sondait le ciel à la recherche d'ondes radio émises par ces quasars. Il lui manquait toutefois un nouveau radiotélescope pour arriver à ses fins.

Heureux hasard, il était aidé d'une étudiante taillée pour cette tâche : Jocelyn Bell Burnell. Une des rares femmes à poursuivre des études d'astronomie à l'époque, elle était vive d'esprit, déterminée et tout à fait à même de construire un télescope ressemblant à un champ truffé de barbelés.

« J'ai participé à la fabrication du radiotélescope, aux côtés de cinq autres personnes. Lorsque il a été terminé, tout le monde a disparu », a-t-elle raconté au cours d'une conférence commémorant le 50e anniversaire de sa découverte, en 2017. « J'ai été la première à me servir du télescope. »

Sur cette photo, le point bleu lumineux est un pulsar, cœur d'une étoile morte qui tourne à toute vitesse, immortalisé par le Nuclear Spectroscopic Telescope Array, ou NuSTAR, télescope spatial à rayons X de la NASA.
PHOTOGRAPHIE DE Photograph, via NASA, JPL Cal-tech, SAO

Personne n'aurait imaginé à l'époque que Bell Burnell était tiraillée par un sentiment d'imposture, persuadée de ne pas avoir sa place à Cambridge. Née en Irlande du Nord, elle avait grandi et fait ses études dans le nord du Royaume-Uni et n'était pas prête à ce qu'elle nomme la « la charmante assurance » que possédaient tous les étudiants de Cambridge.

« J'étais convaincue qu'ils s'étaient trompés lors de mon admission, qu'ils se rendraient compte de leur erreur et m'expulseraient », se souvient-elle. « Mais j'étais plutôt du genre battante et me suis dit que tant qu'ils ne me mettaient pas dehors, je travaillerai dur, de sorte à ne pas avoir mauvaise conscience lorsqu'ils m'expulseraient. Comme ça, je saurai que j'ai fait de mon mieux. »

Déterminée à partir la tête haute, Bell Burnell s'est servi du télescope les six premiers mois, lui permettant de découvrir près d'une centaine de nouveaux quasars. Ces découvertes ont été rendues possibles grâce à l'étude minutieuse de mesures. À l'époque, Cambridge ne possédait qu'un ordinateur pour l'ensemble de l'université, dépourvu de mémoire et utilisé principalement pour des tâches n'ayant rien à voir avec l'astronomie. 

Elle raconte qu'elle avait les yeux rivés sur près de 300 mètres de papier chaque jour, soit cinq kilomètres de lignes brouillées analysées en six mois.

 

PETITS HOMMES VERTS

Le premier signe étrange apparaît le 6 août 1967, au sein de données gribouillées occupant quelques dizaines de millimètres à peine sur les relevés de l'étudiante.

« Je l'ai annoté avec un point d'interrogation et suis passée à autre chose », raconte-t-elle.

Mais cette minuscule tache est réapparue à plusieurs reprises dans cette même région du ciel. Même s'il ne s'agissait que d'une anomalie insignifiante, elle s'est mise à se nicher dans son cerveau. Elle a fini par reprendre toutes les observations qu'elle avait fait de cette zone céleste, les a alignées et a réalisé être face à un véritable mystère cosmique.

Des enregistrements plus rapides effectués en novembre 1967 ont permis de découvrir que Bell Burnell avait capté une série répétée d'impulsions radio chacune espacée d'un peu plus d'une seconde et différente de tout ce qui avait été observé jusqu'ici.

Hewish, son superviseur, a baptisé ces impulsions « LGM-1 » pour Little Green Men (« Petits Hommes Verts », en français), convaincu que ces signaux étaient artificiels.

Jocelyn Bell Burnell l'était beaucoup moins.

« J'étais persuadée qu'il ne s'agissait pas d'un signal artificiel car je surveillais cette maudite chose depuis plusieurs mois maintenant », confie-t-elle, tout en remarquant que la source du signal émanait toujours de la même région du ciel.

Elle ne tardera pas à découvrir un deuxième objet pulsant, puis un troisième et un quatrième, achevant ainsi de répondre à la question suivante : avait-elle mis au jour une horloge cosmique naturelle ou un signal lumineux extraterrestre ? Ces objets ont fini par se voir attribuer le nom de pulsars, avant de les identifier quelques mois plus tard comme des étoiles à neutrons en rotation qui, à l'époque, renvoyaient encore à des éléments abstraits.

En février 1968, l'étudiante et Hewish publient un article au sujet de leur découverte. En 1974, ce dernier et son collaborateur Martin Ryle se voient décerner un prix Nobel de physique par le comité Nobel pour leur découverte (et, au passage, celle de Jocelyn Bell Burnell).

« Tout au long de sa carrière de scientifique, elle a fait fi de la controverse relative au prix Nobel et a travaillé sans relâche dans les secteurs de la science, des services publics et de l'enseignement », explique Nicholas Suntzeff, astronome à l'université A&M du Texas. Il la décrit comme quelqu'un « d'héroïque, qui en a fait plus pour faire avancer la science à tous les niveaux (que ce soit en matière de recherche, d'enseignement ou de service) que n'importe quel scientifique encore en vie. »

Néanmoins, gravir les échelons du monde scientifique n'a pas été chose facile pour Jocelyn Bell Burnell.

« Je me suis fiancée entre la découverte du deuxième pulsar et celle du troisième. J'étais extrêmement fière de ma bague de fiançailles et la portais au labo. Une erreur fatale, puisque cela voulait dire que je démissionnais », se souvient-elle. « À cette époque, les femmes mariées ne travaillaient pas en Grande-Bretagne. Si une femme mariée avait le malheur de travailler, c'était considéré comme quelque chose de honteux, indiquant que son mari ne gagnait pas assez bien sa vie. »

La pression sociale s'est davantage accentuée lors de la naissance de son fils, la poussant à abandonner l'astronomie. Elle a donc passé quelques années à suivre son mari et à se passionner des rayons gamma, des rayons x et des rayons infrarouges avant de fonder son propre groupe d'astrophysique. Désormais conférencière à l'université d'Oxford, elle a pu retourner à ses premières amours : les étoiles à neutrons, soit les corps extrêmement denses d'anciennes étoiles massives.

 

DES PULSARS PROLIFIQUES

Aujourd'hui, grâce à ses travaux, les pulsars comptent parmi les instruments les plus précieux de la boîte à outils des astronomes.

Les étoiles mortes en rotation, qui se forment suite à l'effondrement et à la disparition des étoiles massives, sont dotées d'une incroyable précision temporelle qui fait d'elles des outils précieux afin de mesurer les effets subtils de la physique stellaire extrême.

Lorsqu'ils tournoient sur eux-mêmes, les pulsars projettent des faisceaux de radiations qui permettent aux astronomes d'enregistrer et de suivre les impulsions au fil des faisceaux qui parcourent la Terre. De faibles déviations à l'arrivée de ces oscillations peuvent indiquer la présence d'ondes gravitationnelles produites lors de la collision de galaxies ou servir à vérifier les théories fondamentales de la relativité d'Einstein.

Les pulsars ont également permis de calculer la masse du système solaire et de localiser son barycentre. Ils sont proposés comme des repères pour la navigation interstellaire à long terme. Les pulsars ont même permis à des astronomes d'établir une carte destinée à indiquer aux extraterrestres la direction de la Terre dans l'espace.

Lorsqu'elle repense à sa découverte, l'astrophysicienne affirme qu'à aucun moment elle n'aurait imaginé qu'elle soit aussi révolutionnaire.

« Au début, lorsque l'on tombe sur quelque chose de nouveau, on est dans le brouillard complet », explique-t-elle. « Vous réussissez à apercevoir deux-trois choses à travers le brouillard, pas plus. N'avons-nous pas parcouru un chemin immense en 50 ans ? »

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