Indonésie : Le tsunami "surprise" expliqué par la science

Alors que la région était ébranlée par des dizaines de tremblements de terre, l’arrivée d’un tsunami ne semblait pas imminente. Pourtant, des vagues énormes n’ont pas tardé à balayer la côte.

De Maya Wei-Haas
Publication 3 oct. 2018, 13:45 CEST
Les secouristes recherchent des victimes sur le site d’un hôtel qui s’est effondré après le séisme ...
Les secouristes recherchent des victimes sur le site d’un hôtel qui s’est effondré après le séisme survenu près de Palu, en Indonésie. Plus de 800 personnes ont été tuées lundi après un tsunami provoqué par un séisme de magnitude 7,5 sur la côte indonésienne.
PHOTOGRAPHIE DE Ulet Ifansasti, GETTY IMAGES

Vendredi dernier, peu après 17 h, heure locale, l’île indonésienne des Célèbes a été frappée par un puissant séisme d’une magnitude de 7,5. Des vidéos dramatiques révèlent la taille très inquiétante d’une vague de plus en plus énorme dans une baie près de Palu, et qui finit par s’écraser sur la côté, balayant sur son passage les bâtiments de bord de mer, tandis que les personnes présentes sur place prenaient la fuite en se dispersant.

La puissance du tsunami qui a suivi a surpris les scientifiques. D’après les spécialistes, la géologie unique de la zone serait responsable de la progression inattendue de la vague.

Avant que le séisme ne se produise, une série de tremblements de terre d’une magnitude de 6,1 s’était faite ressentir depuis environ 14 h, heure locale. Le sol a continué de trembler avec 27 répliques, qui ont fini par provoquer l’intense séisme d’une magnitude de 7,5, dont l’épicentre ne se trouvait qu’à 9 km de profondeur, selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis. 12 répliques lui ont succédé, continuant d’ébranler l’île.

Dimanche soir, heure locale, le bilan faisait état de 832 morts. Selon les autorités, il pourrait fortement s’alourdir, car les opérations de sauvetage n’ont pas encore commencé dans de nombreuses zones, comme dans la régence de Donggala, où vivent quelques 300 000 personnes. La communication avec cette zone reste limitée et les glissements de terrain ont coupé les routes d’accès, empêchant l’arrivée des équipes de sauvetage.

L’ampleur des dégâts provoquée par les puissantes secousses est encore inconnue, mais elle semble conséquente. Badan Nasional Penanggulangan Bencana (BNPB), l’agence de gestion des catastrophes naturelles indonésienne, a indiqué dans une déclaration que les tremblements de terre avaient provoqué des pannes d’électricité, paralysant les communications. Toutefois, les agences locales sont à l’œuvre pour résoudre le problème. Sutopo Purwo Nugroho, le porte-parole de BNPB, a annoncé sur Twitter que l’armée indonésienne avait été déployée pour aider aux opérations de recherche.

UN TSUNAMI DIFFICILE À EXPLIQUER

L'Institut météorologique, climatologique et de géophysique indonésien (BMKG) avait émis une alerte au tsunami, mais elle fut rapidement levée sur la base des données disponibles sur le moment. Des vagues gigantesques sont ensuite venues balayer la côte, comme le montrent les vidéos qui ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Selon la BNPB, le tsunami a débuté avant que l’alerte ne soit levée, mais le New York Times rapporte qu’avec le séisme, les télécommunications avaient été coupées, empêchant les autorités de diffuser les bonnes alertes.

C’est pour cette raison que les immenses vagues ont pris de nombreux habitants par surprise. Sur une vidéo, vraisemblablement filmée depuis les étages supérieurs du parking aérien circulaire du centre commercial Palu Grand Mall, on peut voir les vagues qui arrivent rapidement quelques mètres plus bas, puis la foule se met à courir pour se protéger du mur d’eau, avant que la vidéo ne soit coupée.

Les tsunamis sont habituellement causés par le mouvement abrupt occasionné par d’importants séismes sous marins à la limite des plaques tectoniques. En Indonésie, les tremblements de terre ne sont pas rares : l’archipel se trouve sur la Ceinture de feu, une chaîne de plaques tectoniques en forme de fer à cheval qui encercle le bassin de l’océan Pacifique et où se produisent 90 % des tremblements de terre au monde.

Toutefois, pour ce séisme en question, les vagues montreuses étaient inattendues.

Le séisme d’une magnitude de 7,5 semble être le résultat d’une faille de décrochement : celle-ci se produit lorsque deux blocs de croûte terrestre frottent l’un contre l’autre, le plus souvent de façon horizontale. Le plus souvent, les tsunamis surviennent suite à des mouvements verticaux dans la croûte terrestre, ce qui a des répercussions sur l’eau sus-jacente et peut créer des vagues immenses qui s’écrasent sur les côtes.

« C’était vraiment une surprise », confie Baptiste Gombert, géophysicien à l’Université d’Oxford, qui souligne la grande complexité de la géologie indonésienne. La région est traversée par un réseau en toile d’araignée de différentes failles, ce qui rend difficile toute explication des événements. Toutefois, les premiers résultats font part de quelques possibilités.

Selon Baptiste Gombert, le tsunami aurait pu être provoqué par des mouvements verticaux le long de la faille, même s’il pense que cela ne peut pas entièrement expliquer la taille des vagues, qui auraient avoisiné les 5 mètres. « Même si un petit déplacement vertical s’est produit, il s’agissait d’un gros tsunami », explique le géophysicien. Les vagues ont probablement été causées par des glissements de terrain sous-marins ou sur les côtes. Ces derniers ont aussi perturbé les eaux de la baie.

Il se peut aussi que la faille ait coupé à travers une pente sous-marine : le mouvement horizontal aurait alors décalé le versant sous-marin, créant des vagues destructrices. « Vous pouvez comparer la baie de Palu à une baignoire », explique par email Andreas Schäfer, post-doctorant à l’Institut de technologie de Karlsruhe, en Allemagne. « Lorsque vous déplacez une moitié de celle-ci, le déplacement horizontal du plancher océanique envoie également l’eau plus loin et quant cette dernière revient, elle le fait sous la forme d’une vague de tsunami ». Cette hypothèse est soutenue par de nouvelles observations qui suggèrent que la terre a été déplacée dans la ville de Palu et la zone de la baie, et Andreas Schäfer a créé des maquettes préliminaires de la catastrophe pour montrer cet effet.

Selon Janine Krippner, vulcanologue à l’Université Concord, les limites de la baie pourraient aussi avoir joué un rôle dans le tsunami. « Cela peut amplifier la hauteur des vagues, car l’eau est entraînée dans une zone plus petite », a-t-elle indiqué sur Twitter. Selon les nouvelles estimations, dans la ville de Palu, le décalage du tremblement de terre était de près de 8 mètres, souligne Baptiste Gombert. Cela signifie que quelques vagues se seraient peut-être formées dans la baie, « elles étaient donc plus proche de la ville et coincées dans la baie étroite », explique le géophysicien.

Tous les scientifiques s’accordent pour dire que les événements de vendredi sont encore enveloppés de nombreuses incertitudes.

Les autorités indonésiennes demandent aux habitants de garder à l’esprit les dangers qui persistent. « Nous invitons les citoyens à rester vigilants », a confié Sutopo Purwo Nugroho, le porte-parole de l’agence de gestion des catastrophes naturelles, comme l’indique l’AP. « S’abriter dans une maison ou un bâtiment n’est pas une bonne idée en raison des répliques qui peuvent s’avérer dangereuses. Nous encourageons la population à se rassembler dans des zones sûres, à éviter les pentes des collines. »

Via son compte Facebook officiel, la BNPB a demandé à toute personne ayant une connexion Internet de les aider à faire état des dégâts dans la ville de Palu et à Donggala grâce à OpenStreetMap, un projet collaboratif disponible en ligne.


 

Cet article a initialement paru sur le site internet nationalgeographic.com en langue anglaise.

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