La Grèce et la Turquie frappées par un séisme de magnitude 7

Le séisme s'est produit dans une région à la géologie complexe, où les mouvements de plusieurs plaques tectoniques soumettent la surface à une forte pression.

De Maya Wei-Haas
Publication 2 nov. 2020, 14:19 CET
Secouristes et locaux fouillent les décombres d'un bâtiment effondré à la recherche de survivants à Izmir, ...

Secouristes et locaux fouillent les décombres d'un bâtiment effondré à la recherche de survivants à Izmir, en Turquie, le 30 octobre 2020, après un violent séisme survenu en mer Égée entre les côtes turques et l'île grecque de Samos.

PHOTOGRAPHIE DE Ismail Gokmen, Ap

Le 30 octobre, alors qu'un puissant séisme de magnitude 7 secouait le plancher de la mer Égée, la ville côtière d'Izmir en Turquie et l'île grecque de Samos ont vu l'eau envahir leurs rues et plusieurs de leurs bâtiments s'effondrer. Le dernier bilan fait état de 83 morts et 1 000 blessés.

Cette région n'est pas étrangère aux tremblements de terre, l'histoire de sa destruction par la tectonique des plaques s'étale sur plusieurs siècles. Mais là où la plupart des zones exposées aux séismes peuvent associer cette activité sismique à la simple rencontre de deux plaques tectoniques, la situation est nettement plus chaotique aux abords de la mer Égée. À cet endroit, les secousses proviennent d'un puzzle géologique complexe entrecoupé d'un réseau de failles.

« C'est sans aucun doute l'une des régions les plus complexes au monde, » déclare Joao Duarte, géologue au sein de l'Instituto Dom Luiz de l'université de Lisbonne.

La complexité de l'activité tectonique à l'origine de ces événements rend encore plus difficile la mesure des dangers de la région, déclare Laura Gregory, sismologue à l'université de Leeds, au Royaume-Uni.

« Il n'y a pas qu'une seule faille sur laquelle on pourrait se concentrer, mais plusieurs dispersées sur une zone étendue, et la plupart sont capables de produire des séismes dévastateurs comme celui de vendredi, » a-t-elle expliqué à National Geographic via message privé sur Twitter.

 

UNE HISTOIRE DE PÉPINS

Les nombreuses plaques tectoniques à la dérive associées aux autres forces sismiques à l'œuvre prédisposent la région à subir fréquemment des tremblements de terre. Une secousse de magnitude estimée à 7 a déjà frappé la ville côtière d'Izmir par le passé, en 1688. Ce séisme a tellement déplacé le paysage que la surface s'est affaissée de plus de 30 cm, des bâtiments se sont effondrés, des incendies ont éclaté et près de 16 000 personnes ont trouvé la mort.

En 1903, un séisme de magnitude 8,2 s'est produit à proximité de l'île grecque de Cythère ; il reste à ce jour l'un des plus puissants événements sismiques en Méditerranée enregistrés par les instruments modernes. Entre 1993 et 1999, plusieurs séismes dévastateurs de magnitude supérieure à 7 ont frappé la zone nord de la plaque anatolienne, le principal segment tectonique sur lequel repose la Turquie.

Géologiquement parlant, cette région est prise en étau par les plaques africaine, eurasienne et arabique. À l'est de la mer Égée, la rencontre entre les plaques arabique et eurasienne fait naître une série de montagnes, parmi lesquelles les monts Zagros, une chaîne qui traverse l'Iran, l'Irak et la Turquie. Cette collision pousse également la plaque anatolienne vers l'ouest, pressée « comme un pépin de pastèque entre deux doigts, » illustre Robert Stern, expert en tectonique des plaques au sein de l'université du Texas à Dallas.

L'hypocentre du dernier séisme se situe à environ 20 km sous le plancher de la mer Égée et à 15 km des côtes de Samos. Cette profondeur relativement faible implique que de violentes secousses ont dû être ressenties par l'île grecque et les villes côtières de la Turquie. À la verticale de l'hypocentre, l'épicentre a quant à lui été situé sur l'extrémité ouest de la plaque anatolienne, où les roches en surface sont étirées comme du mastic. Cet étirement produit une série de fractures profondes dans le sol et le récent séisme est le fruit du mouvement le long de ces reliefs.

La raison pour laquelle cette région est à ce point tiraillée est « vivement débattue », indique par e-mail Ezgi Karasozen, sismologue de l'Alaska Earthquake Center dont la thèse portait sur les séismes en Iran et en Turquie. Cet étirement est probablement causé par trois forces principales, explique-t-elle.

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    L'une d'entre elles provient de l'effet « pépin de pastèque » qui provoque ce que Karasozen qualifie de « tectonique de fuite. » À mesure que les plaques eurasienne et arabique, plus grandes, se déplacent le long de la plaque anatolienne, elles poussent et compriment les roches de la croûte.

    Une autre source majeure d'extension est le recul des zones de subduction (en anglais, slab rollback), un phénomène observé lorsqu'une plaque tectonique passe sous une autre pour s'enfoncer dans le manteau, explique Robin Lacassin de l'Institut de Physique du Globe de Paris via message privé sur Twitter. Vous pouvez visualiser le recul d'une zone de subduction en plaçant votre main gauche à plat sur votre main droite puis en repliant lentement les doigts de votre main droite, ils représentent la plaque qui recule en plongeant dans les entrailles de la Terre.

    Ce mouvement tire sur la plaque sus-jacente et l'extension qui en résulte est appelée « slab suction », explique Duarte, car la plaque plongeante, également appelée slab, « aspire » les roches de surface dans sa descente. C'est ce processus que l'on retrouve dans la subduction de la plaque africaine sous la moitié occidentale de la plaque anatolienne ou, en d'autres termes, sous la mer Égée.

    En ce qui concerne la dernière force à l'œuvre, elle pourrait être assez simple : la gravité. Le centre de la plaque anatolienne est épais, ce qui signifie que « tout est prêt à s'effondrer en tirant sur les extrémités, » explique Gregory.

    Le monde de la science reste pour l'instant perplexe face à ce dernier événement, jugé trop important pour la région selon Karasozen. Alors que les sismologues surveillent de près les répliques qui continuent de se faire entendre, les données promettent d'aider les futurs scientifiques à mieux cerner les dangers inhérents à la tectonique mouvementée de la région. En étudiant à la fois les événements actuels et passés, les scientifiques espèrent affiner leur compréhension des risques qui entourent la mer Égée et, un jour peut-être, être capables d'anticiper les séismes à venir.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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