Une partie de l'ancien supercontinent Zealandia a été découverte en Nouvelle-Zélande

Ce fragment caché, daté de 1,3 milliard d’années, va aider les scientifiques à retracer l’histoire de Zealandia, le mystérieux continent submergé sous les îles de la Nouvelle-Zélande.

De Maya Wei-Haas
Publication 22 juil. 2021, 16:29 CEST
Fjordland

Les merveilles géologiques de la Nouvelle-Zélande, dont le parc national de Fiordland illustré ici, ne représentent qu’une partie du mystérieux huitième continent que formait Zealandia. Un morceau d’un ancien supercontinent a été découvert récemment, caché sous le littoral de l’est de la Nouvelle-Zélande. Il pourrait contribuer à déchiffrer le passé complexe de Zealandia.

PHOTOGRAPHIE DE Westend61 GmbH, Alamy Stock Photo

À l’été 2018, alors que la chaleur frappait la Californie, Rose Turnbull profitait de la fraîcheur d’un sous-sol sans fenêtres pour trier des grains de sable fin. Géologue basée en Nouvelle-Zélande, elle travaillait à l’époque dans le laboratoire d’un collègue à l’université d’État de Californie, à Northridge. Elle essayait de trouver des petits cristaux de zircon, pour tenter de résoudre les mystères du huitième continent, Zealandia, aussi connu sous le nom de TeRiu-a-Māui en Māori.

Cette tâche demandait de la pratique et un peu d’huile de coude, ou en l’occurrence, de nez. Mme Turnbull a procédé à une petite démonstration sur Zoom. Elle a porté sa pince à épiler sur l’extérieur de son nez pour y récupérer un peu de sébum. Cette technique empêche les grains de sable de se disperser à travers la pièce lorsqu’ils sont prélevés.

Les cristaux provenaient de roches collectées sur les îles de Nouvelle-Zélande, lesquelles font partie des quelques indices provenant de Zealandia. Le continent immergé d'étend sur plus de 5 millions de km². Zealandia est le continent le plus submergé, le plus fin et le plus jeune jamais découvert pour le moment. Son existence n’a été reconnue que récemment par la communauté scientifique. Mme Turnbull travaille pour GNS Science, un groupe de recherche et de conseil en Nouvelle-Zélande. Elle et ses collègues souhaitaient en savoir davantage sur les processus qui ont façonné cette étendue de terre pour le moins étrange.

Les résultats qu’ils ont obtenus les ont surpris. Sous la côte est de l’île du Sud et de l’île Stewart en Nouvelle-Zélande se cachait un morceau d’un supercontinent vieux de plus d’un milliard d’années. Cette découverte suggère que Zealandia pourrait ne pas être aussi jeune qu’ils ne le pensaient. Cette différence d’âge pourrait appuyer sa qualification de continent.

« Les continents sont comme des sortes d’icebergs », explique Keith Klepeis, auteur de l’étude et géologue structurel à l’université du Vermont. « Ce que l’on voit à la surface ne représente pas vraiment toute l’étendue de la bête. »

Cette découverte, décrite dans la revue Geology, pourrait aider les scientifiques à résoudre un mystère qui les laisse perplexes depuis des années. La plupart des continents possèdent un noyau rocheux appelé craton. Généralement, cette portion de terre est vieille de plusieurs milliards d’années et sert de base stable sur laquelle les continents se forment. Jusqu’alors, la plus vieille croûte continentale jamais détectée sur Zealandia n’a que 500 millions d’années, un âge relativement jeune à l’échelle géologique. Si Zealandia est bel et bien un continent, pourquoi son craton semble-t-il avoir disparu ?

Le morceau de roche ancienne récemment découvert pourrait faire partie de la pièce manquante du continent. Selon Mme Turnbull, la découverte vient « cocher la case finale ». « Nous nous trouvons sur un continent. »

En outre, ces observations permettront peut-être de comprendre comment Zealandia, ou toute autre croûte continentale, s'est formée, indique Joshua Schwartz, auteur de l’étude et géologue spécialiste des granites à l’université d’État de Californie à Northridge.

« La couche qui tapisse la face supérieure de la Terre, celle que nous appelons la croûte et qui est toute fine, est le lieu où toutes les activités nécessaires à la vie se déroulent. » La croûte continentale est le plateau où nous vivons, cultivons notre nourriture, puisons l’eau, extrayons les minéraux, et plus encore. « Grossièrement, toute notre vie se construit sur cette croûte. »

 

À LA RECHERCHE DU CONTINENT PERDU

Depuis des dizaines d’années, les scientifiques suivent la trace de Zealandia mais définir réellement ce qu’est un continent n’est pas une mince affaire. « Le terrible secret de la géologie, c’est qu’il n’existe pas de réelle définition précise et claire d’un continent », explique M. Schwartz.

L’un des principaux éléments, c’est la composition des roches. Le plancher océanique qui entoure Zealandia n’est pas composé de roches riches en magnésium et en fer qui forment pourtant la majorité des autres croûtes océaniques. En revanche, il est fait de roches riches en silice, comme le granite, plus courantes au sein de la croûte continentale. Ces roches s’étendent sur une vaste zone, bien plus épaisse et plus élevée que la croûte océanique qui entoure un continent habituellement.

Une équipe de scientifiques menée par Nick Mortimer, de GNS Science, a défini ces différents points, entre autres, lorsqu’ils ont fermement défendu leur intention de considérer Zealandia comme un continent en 2017. M. Mortimer et son équipe ont toutefois mentionné une curiosité : l’absence manifeste d’un craton.

« C’est étrange », observe M. Klepeis. La croûte continentale est plus robuste que son équivalent océanique. Elle résiste donc mieux aux processus qui permettent le recyclage des roches de surface vers le manteau. Le noyau que forme le craton offre aux continents une base stable sur laquelle se former. Au même stade de la formation, la lente progression des plaques tectoniques forme des arcs insulaires et d’autres masses terrestres le long de leurs côtes.

Par exemple, lorsque M. Schwartz a été passer des vacances en famille au Nouveau-Mexique, il a déclaré qu’il était « juste au sud du craton du Wyoming ». Cette étendue de roches, dont certaines atteignent plus de trois milliards d’années, est l’un des cratons qui forment la surface intérieure stable du continent nord-américain. Les roches de Santa Fe sur lesquelles M. Schwartz posait ses pieds se sont, quant à elles, greffées au continent plus récemment, lorsqu’une série d’îles est rentrée en collision avec la côte ancienne.

Pour le moment, la plus vieille croûte de Zealandia jamais découverte se serait formée lorsque le continent constituait le bord du supercontinent Gondwana, il y a 500 millions d’années. Des indices laissant supposer la présence de roches plus anciennes ont été retrouvés sur Zealandia, notamment des morceaux de manteau vieux de 2,7 milliards d’années, mais aucun fragment de croûte plus ancienne n’a été révélé.

La nouvelle étude se focalise sur 169 échantillons provenant de l’île du Sud et de l’île Stewart, au sud de la Nouvelle-Zélande. Certains avaient été collectés par Mme Turnbull et son équipe lors de leurs multiples voyages dans la région. D’autres provenaient du catalogue de minéralogie du pays. Ainsi, les sites de collectes sont représentatifs de l’ensemble des deux îles.

De retour au laboratoire, ils ont broyé les roches et trié les grains en fonction de leur densité et de leur magnétisme. Ils ont procédé à cette sélection jusqu’à ce qu’il ne reste que du sable fin et des cristaux de zircon. Mme Turnbull a ensuite prélevé les milliers de zircons pour les disposer sur des lames de microscope. Par la suite, elles ont été recouvertes de résine époxy et polies avant de pouvoir enfin procéder à l’analyse chimique.

« C’est un processus complet », souligne-t-elle.

Qu'est-ce que la tectonique des plaques ?

 

UNE HISTOIRE RENFERMÉE DANS DES CRISTAUX

Au moment où les données étaient recueillies, les chercheurs ont fait une découverte inattendue. Ils ont utilisé une méthode dans laquelle ils ont modélisé l’âge des zircons mais également le type de roche ayant fusionné pour les créer. Les âges qu’ils ont obtenus ont révélé que plusieurs zircons le long de la frontière est des deux îles méridionales provenaient de roches souterraines datées de 1,3 milliard d’années.

À cette époque, toutes les masses terrestres du monde se déplaçaient lentement vers une collision qui allait finalement former un supercontinent appelé Rodinia. Cette fusion mondiale, suivie d’une séparation, a probablement généré des poches de magma, qui se sont ensuite solidifiées pour former la dalle de roche très ancienne se trouvant maintenant profondément enfouie sous la Nouvelle-Zélande. Elle aurait constitué le fragment de craton sur lequel Zealandia se serait formée.

Les zircons semblaient également porter des marques d’une éventuelle séparation entre le jeune continent Zealandia et son supercontinent parental. 

Ils ont pu remarquer cette caractéristique car les cristaux présentaient des faibles taux d’un isotope d’oxygène appelé oxygène 18. Cette empreinte chimique est rare pour les zircons incrustés dans du granite. Pour que ces roches se forment, « une multitude d’éléments différents doivent être réunis », indique Juliana Troch, géochimiste spécialisée dans les générations de magma au musée national d’histoire naturelle des États-Unis à Washington D.C.

L’un de ces éléments est la chaleur, qui aide à imprimer les traces de l’oxygène 18 provenant des eaux de percolation dans les roches environnantes. Selon l’équipe, un panache de magma brûlant sous Rodinia aurait pu fragiliser certaines parties de sa croûte. De fait, le supercontinent se serait fragmenté il y a 750 millions d’années, laissant derrière lui des empreintes d’oxygène 18 dans les roches ayant formé les zircons.

Les cristaux en eux-mêmes ne se sont formés qu’il y a 500 à 100 millions d’années, lorsque de puissantes éruptions volcaniques ont fait fondre en partie les morceaux de croûte cachés. Ces coulées de magma sont remontées lentement pour se cristalliser en granites riches en zircons. Les mouvements tectoniques ont finalement conduit ces minuscules capsules temporelles à la surface, que Mme Turnbull et ses collègues ont recueillies par hasard.

« C’est une situation classique en sciences », déclare-t-elle. « Les choses que nous découvrons ne sont pas nécessairement destinées à être découvertes. »

 

UN TOUT JEUNE CONTINENT

Même si cette découverte suggère que la croûte de Zealandia est bien plus vieille que ce qui avait été estimé jusqu’ici, elle est tout de même bien plus jeune que celle de ses homologues. Tous les principaux continents de notre monde actuel, l’Afrique, l’Europe, l’Asie, l’Australie, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Antarctique, possèdent des roches vieilles de plus de 3 milliards d’années. Il n’existe actuellement aucune limite d’âge précise pour définir les continents et les cratons. Leur histoire, généralement ancienne, transmet la longévité que l’on peut imaginer venant de ces formes de reliefs.

Peut-être que Zealandia n’est qu’un jeune continent. « On observe là le processus de création d’un continent autour du fragment central de Rodinia », explique M. Schwartz. Mme Turnbull partage le même avis et ajoute qu’il s’agit « un peu de la naissance d’un craton ».

De plus amples études sont nécessaires afin d’éclaircir les origines de Zealandia. Les conclusions de l’étude ont été tirées à partir de traces d’éléments situés en dessous de Rodinia et non de morceaux mêmes du supercontinent. Il y a donc encore quelques doutes quant aux étapes précises qui ont donné naissance aux curieuses compositions chimiques que l’équipe a trouvées, explique Alex McCoy-West, géochimiste à l’université James-Cook.

« Ce serait formidable si nous parvenions à prouver réellement [cette hypothèse]. »

Quoi qu’il en soit, ces travaux promettent d’aider les scientifiques à mieux saisir la danse des continents de notre planète, qui ont proposé une valse combinant périodiquement collisions et séparations, créant des supercontinents puis se déchirant de nouveau.

« Cette étude montre qu’il est encore possible de mettre en lumière des éléments de cette histoire très ancienne à partir de roches beaucoup, beaucoup plus jeunes », déclare Jack Mulder, géologue à l’université du Queensland, qui ne faisait pas partie de l’équipe de l’étude.

Il reste encore beaucoup à découvrir des frontières de Zealandia, assure Mme Turnbull. « Cette découverte nous incite à poursuivre les recherches dans [cette région] et à l’explorer encore et encore. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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