À Hawaï, le Mauna Loa se réveille après 38 ans d'inactivité

Pour le moment, l'éruption n'est pas une menace pour les zones habitées, mais les scientifiques continuent de surveiller le plus haut volcan actif de la planète pour être prêts à toute éventualité.

De Robin George Andrews
Publication 6 déc. 2022, 09:00 CET
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Photographie aérienne de la coulée de lave provenant du rift Nord du Mauna Loa, à Hawaï.

PHOTOGRAPHIE DE Natalie Deligne, USGS

Après s'être assoupi pendant trente-huit ans, la plus longue accalmie de son histoire, le Mauna Loa a fini par se réveiller à Hawaï.

Dimanche dernier, vers 23 h 30, heure locale, le plus haut volcan actif au monde est entré en éruption. La lave a inondé la caldeira Moku‘āweoweo, le sommet en forme de bol du Mauna Loa, en maculant le ciel bleu-noir de nuances orangées. Au cours de la nuit, la lave a continué de jaillir au sein de la caldeira, avec quelques légères coulées sur les flancs. Au lever du jour en revanche, la roche fondue se déversait à travers de nouvelles fissures sur les versants nord-est du volcan, une section de la montagne qui commence lentement à se disloquer.

À ce stade, aucun centre de population majeur n'est menacé et aucun ordre d'évacuation n'a été donné, mais la situation évolue rapidement et les éruptions du Mauna Loa se sont déjà montrées imprévisibles par le passé. 

« Certaines éruptions du Mauna Loa se terminent en un jour, alors que d'autres durent très longtemps. Il n'y a aucun moyen de savoir pour l'instant », témoigne Jackie Caplan-Auerbach, sismologue des volcans à l'université Western Washington.

Pour le moment, le Mauna Loa semble s'en tenir au schéma habituel. « L'éruption a commencé au sommet et s'est rapidement propagée à la zone de rift », indique Wendy Stovall, volcanologue du programme Volcano Hazards de l'Institut d'études géologiques des États-Unis. « Si l'éruption se déroule comme d'habitude, il devrait rester dans cette zone de rift et ne plus se propager ailleurs sur le volcan. »

C'est une journée à laquelle les volcanologues se préparaient avec nervosité depuis plusieurs décennies, et notamment ceux de l'observatoire volcanologique d'Hawaï. Quelques jours après le début de l'éruption, il semblerait que le scénario le plus destructeur soit désormais exclu, au grand soulagement des chercheurs.

« Personne n'est heureux que cela se soit produit, mais c'est un peu comme regarder un film d'horreur après le moment le plus effrayant », illustre Brett Carr, volcanologue à l'université d'Arizona. « Au moins, nous savons ce qui se passe à présent. »

 

LONGUE MONTAGNE EN FLAMMES

À l'instar de ses cousins hawaïens, le Mauna Loa doit son existence à un panache surchauffé de matière s'élevant des profondeurs du manteau terrestre vers la base de la plaque tectonique pacifique. Lorsque ce panache atteint la plaque, il subit une décompression et la matière commence à fondre en créant de gigantesques réservoirs de magma. À mesure que la plaque pacifique avançait, une chaîne de volcans alimentés par ce flambeau souterrain s'est élevée dans son sillage.

Culminant à 17 km au-dessus de sa base sur le plancher océanique et s'étalant sur 5 271 km², le Mauna Loa, ou « longue montagne » en hawaïen, est un véritable colosse, également hyperactif. Les premiers témoignages décrivant des éruptions remontent à la colonisation de l'archipel hawaïen par les peuples polynésiens, il y a plusieurs siècles. Depuis 1843 et le début des registres détaillés, il y a eu trente-trois éruptions documentées.

Les propriétés chimiques du magma démontrent une certaine constance au fil du temps, avec une lave fluide et extrêmement chaude (jusqu'à 1 000 °C), sans être particulièrement explosive. Il y a bien longtemps, l'activité volcanique se concentrait soit au sommet du Mauna Loa, soit sur ses versants, mais les trente-trois dernières éruptions ont toutes commencé au sommet et la moitié d'entre elles se sont déroulées sans danger dans l'enceinte de la caldeira Moku āweoweo.

Il arrive toutefois que la lave émerge de façon imprévisible de l'une des deux zones de rift sur les flancs du Mauna Loa. Si la lave émerge de l'une d'entre elles, le rift Sud-Ouest, alors le scénario peut être extrêmement dangereux, avec des pentes abruptes capables de diriger la lave directement sur les zones résidentielles voisines, comme le quartier de Ka‘ū et de Kona Sud, en quelques heures à peine.

En revanche, lorsque la lave émerge du rift Nord-Est, comme c'est le cas pour cette éruption, la situation est un peu moins précaire. La zone domine la ville de Hilo qui a déjà été menacée à plusieurs reprises par les coulées de lave, mais les pentes sont douces et la partie la plus active de la zone de rift se situe à plusieurs kilomètres de là. Si la lave continue de jaillir du rift Nord-Est pendant plusieurs semaines, il est possible que la roche fondue atteigne Hilo, mais les scientifiques s'en rendraient compte bien à l'avance et les résidents auraient largement le temps d'évacuer.

« Par chance, le scénario ne semble pas être celui du rift Sud-Est », indique Carr. « C'est un scénario qui pourrait entraîner des pertes de vies humaines. »

 

LE RÉVEIL DE LA BÊTE

Même si le Mauna Loa figure parmi les volcans les plus surveillés au monde, la montagne nous cache encore bon nombre de secrets. Malgré certaines tendances communes, chaque éruption apporte son lot de nouveautés.

En 1859, une éruption a duré 300 jours et produit une coulée record de 51 km, détruisant villages et ressources vitales sur son passage. Une autre éruption survenue quatre-vingt-onze ans plus tard n'a duré que vingt-trois jours, mais déversé près de 375 millions de mètres cubes de lave sur la Grande Île de l'archipel hawaïen en détruisant une partie de ses infrastructures. La dernière éruption remonte à 1984 et, à cette époque, la ville d'Hilo avait bien failli disparaître sous la lave, un scénario contre lequel les autorités locales ont tenté de lutter par le passé en utilisant des explosifs pour détourner les coulées de lave du Mauna Loa, sans grand succès.

Depuis 2019, le Mauna Loa subissait de vives contractions. L'évolution de sa forme et ses gargouillements laissaient entendre que le magma était en effervescence à l'intérieur. En septembre dernier, l'agitation s'est amplifiée et les chercheurs ont alors soupçonné que du magma était acheminé vers un réservoir situé au sommet. Peu de temps après, les membres de la protection civile hawaïenne ont organisé des réunions pour préparer les résidents à un éventuel scénario d'urgence.

Puis, peu avant l'émergence du magma en surface le 27 novembre, le volcan a commencé à trembler furieusement. « Il y a eu environ une heure de sismicité très importante alors que le magma transitait de la région de stockage au sommet vers l'éruption », explique Stovall. « C'est tout ce que nous avons eu comme avertissement. »

Pourquoi le Mauna Loa a-t-il attendu quarante ans pour se manifester à nouveau ? Les chercheurs vont devoir approfondir leur étude de l'éruption et de ses conséquences pour apporter une réponse. Le volcan a clairement changé, mais le déclencheur est inconnu à l'heure actuelle. « À un certain point, rien ne va plus », selon Diana Roman, géophysicienne à la Carnegie Institution de Washington.

L'absence de signaux d'alarme dans les jours qui ont précédé l'éruption n'est pas inhabituelle pour le Mauna Loa, tout comme le début du spectacle pyrotechnique qui a éclaté sans danger au sommet. Par la suite en revanche, le personnel de l'observatoire hawaïen de volcanologie a détecté une coulée de lave émergeant des versants nord, à l'occasion d'un survol de la zone vers 6 h 30 (heure locale) le 28 novembre. À présent, la seule chose à faire est d'attendre en observant l'évolution de la situation.

 

JUSQU'ICI, TOUT VA BIEN

Comme l'ont démontré les précédents accès de colère du Mauna Loa, il est difficile d'anticiper l'évolution d'une éruption donnée. Il est possible, quoique peu probable durant cette éruption, d'observer une activité explosive au sommet avec la production de nuages de cendre éphémères. Les coulées de lave constituent la principale menace et leur potentiel destructeur dépend de l'abondance et de la persistance des déversements.

La lave pourrait couper Saddle Road, un axe de circulation qui traverse la Grande Île, et les coulées pourraient menacer une partie de l'observatoire du Mauna Loa. La situation serait regrettable, mais très éloignée des perspectives les plus dévastatrices.

L'actuelle menace sur la vie et la propriété n'est en aucun cas à négliger, témoigne Stovall, mais il y a « du soulagement » chez les volcanologues, « notamment parce que le pire scénario n'est pas celui que nous observons actuellement ».

Pour le moment, l'Institut d'études géologiques des États-Unis et ses partenaires continueront de surveiller le volcan 24 heures sur 24. Dès que possible, une équipe de scientifiques sera déployée sur le site pour installer des équipements et prélever des échantillons de lave afin d'analyser l'évolution de sa composition et mesurer le risque d'explosion.

À ce stade, le Mauna Loa « se comporte bien » conclut Stovall. Nous espérons que cela continuera. « Ce n'est que le début. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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