Un ancêtre des oiseaux a récemment été découvert en Patagonie

Une équipe américano-chilienne a annoncé la découverte de plusieurs fossiles dans la vallée Rio de las Chinas, au Chili, dont des restes d'oiseaux primitifs, ancêtres de nos oiseaux modernes.

De Lou Chabani
Publication 3 févr. 2023, 15:24 CET
Représentation d'artiste de différents organismes ayant vécu à la fin du Crétacé supérieur, dont plusieurs ont ...

Représentation d'artiste de différents organismes ayant vécu à la fin du Crétacé supérieur, dont plusieurs ont été retrouvés lors des fouilles de l'équipe de Sarah Davis. Au premier plan, un énantiornithe (Enantiornithes). Au second, deux spécimens d'Unenlagiinae et plusieurs oiseaux tels que les Ornithurae, qui sont les ancêtres de nos oiseaux modernes. Au fond, un Megaraptor tel qu'actuellement représenté par les scientifiques.

Image fournie par Dr. Sarah Davis, Art de Mauricio Álvarez

Issue de la collaboration entre l’Instituto Antártico Chileno (INACH) et le Clarke Lab de l’Université du Texas à Austin, une étude publiée en janvier dans le Journal of South American Earth Sciences décrit plusieurs fossiles retrouvés récemment dans la vallée de Rio de las Chinas, au Chili.

Parmi ces découvertes, plusieurs fossiles de nouveaux spécimens de théropodes, le groupe de dinosaures non-aviens le plus proche des oiseaux modernes.

« Notre laboratoire a été invité à participer à l’étude en raison de notre intérêt pour l’évolution des oiseaux et pour les fossiles aviens de la fin du Crétacé supérieur [il y a 66 millions d’années] », explique Sarah Davis, chercheuse et paléontologue au Clark Lab. « Cette région de la Patagonie est particulièrement intéressante parce qu’elle contient des roches de cette période et pourrait nous aider à découvrir à quoi ressemblaient les écosystèmes à cette latitude, avant l’épisode d’extinction de masse. »

Présentes sur place depuis 2017, les équipes du Clark Lab ont aidé à découvrir plusieurs spécimens de différentes espèces, telles que Megaraptor et Unenlagiinae, deux groupes de dinosaures carnivores, ainsi que des groupes Enantiornithes et Ornithurae, des oiseaux primitifs aujourd’hui disparus.

Tous ces fossiles, bien que très divers, sont reliés au sous-ordre des théropodes, qui comporte également plusieurs espèces qui vivent encore de nos jours.

« [Les théropodes] sont un groupe de dinosaures qui inclut les oiseaux modernes », précise la chercheuse. « En d’autres termes, tous les oiseaux sont des dinosaures. Mais tous les dinosaures ne sont pas des oiseaux ! »

L'expédition est le fruit d'une collaboration entre l’Instituto Antártico Chileno (INACH) et le Clarke Lab de l’Université du Texas à Austin. Elle a eu lieu de 2017 à 2020, et a permis la découverte de nombreux fossiles de vertébrés et de plantes.

PHOTOGRAPHIE DE Dr. Sarah Davis

 

AU TEMPS DES LÉZARDS ROIS

Grâce aux découvertes réalisées sur le site en 2017 et 2020, et notamment à la conservation des os de petits animaux, les archéologues chiliens et américains ont pu lever un peu plus le voile sur une biodiversité encore largement méconnue.

« Enantiornithes et Ornithurae sont deux groupes d’oiseaux différents. Les individus Enantiornithes étaient les plus abondants et occupaient des environnements très divers avant de disparaître lors de l’extinction de masse », explique Sarah Davis. « Les Ornithurae sont quant à eux les ancêtres des oiseaux que nous voyons aujourd’hui. Le spécimen que nous avons retrouvé est donc un ancêtre direct, mais il est trop fragmentaire pour que nous en apprenions plus. »

Ces oiseaux, identifiés grâce à leurs squelettes minuscules, étaient de taille similaire à celle de leurs descendants. Ils vivaient pourtant aux côtés de dinosaures bien plus grands, également retrouvés lors des fouilles.

« Les Megaraptor sont un groupe de carnivores […] qui vivaient dans le sud de l’Amérique, en Australie et dans certaines parties de l’Asie du Sud-Est, entre 130 et 66 millions d’années avant notre ère. En Patagonie, ils comptaient parmi les plus grands prédateurs à avoir vécu jusqu’à l’extinction Crétacé-Paléogène ; certains spécimens mesuraient jusqu’à 10 mètres. Malheureusement, nous n’avons pas un grand nombre de leurs squelettes, donc nous ne savons pas grand-chose sur eux. »

L’autre groupe de dinosaures, Unenlagiinae, inclut des carnivores de plus petite taille, davantage semblables au groupe Velociraptor ; longs d’un 1,5 à 6 mètres, ils restent toutefois plus imposants que ces derniers, et se distinguent par un museau allongé.

« C’était certainement des chasseurs rapides et agiles », ajoute Davis. « Néanmoins, ceux que nous avons retrouvés au Chili étaient les plus petits représentants du groupe. »

Malgré leur présence dans la même zone, la cohabitation des différents organismes n’est toutefois pas un fait avéré, mais la datation des os et des différentes strates géologiques a permis aux archéologues de clarifier en partie la situation.

« Tous ces dinosaures et ces oiseaux ont effectivement vécu entre 75 et 66 millions d’années avant notre ère. Cependant, rien ne prouve qu’ils ont vécu aux mêmes périodes », explique la paléontologue. « Les Megaraptor, les Unenlagiinae et les Enantiornithes ont peut-être cohabité, mais les Ornithurae sont plus récents et ont vécu à la toute fin du Crétacé, juste avant la crise du Crétacé-Paléogène. »

les plus populaires

    voir plus

    les plus populaires

      voir plus
      Gauche: Supérieur:

      Les os des oiseaux du Crétacé sont bien plus rares que les os des dinosaures. Plus petits et creux, ils n'ont pu être conservés que dans des conditions exceptionnelles.

      Droite: Fond:

      Lors des dernières fouilles de la vallée, les fossiles découverts étaient en grande majorité des dents. Ici, la dent d'un dinosaure Unenlagiinae.

      Photographies de Dr. Sarah Davis

       

      RIO DE LAS CHINAS, L’ELDORADO DES ARCHÉOLOGUES

      Un grand nombre de fossiles retrouvés au cours de ces fouilles sont des dents. Recouvertes d’émail, la matière organique la plus résistante sur Terre, elles sont très bien protégées des dommages du temps.

      Un autre critère favorisant la conservation des fossiles dans la vallée de Rio de las Chinas est la nature des roches présentes, qui sont spécifiques à la région.

      « Les fossiles proviennent tous d’une formation rocheuse appelée la formation Dorotea. Elle est constituée de dépôts fluviaux et côtiers », présente la spécialiste. « Dans les bonnes conditions, ces types de sédiments peuvent soutenir la préservation des os. »

      La découverte de fossiles semblables sur les sites argentins a également mis la puce à l’oreille aux archéologues. Il est cependant impossible de savoir si les espèces communes aux deux sites peuvent être considérées comme appartenant au même groupe, faute de fossiles intermédiaires.

      Étudié depuis des années par l’INACH et l’Université d’Austin, le site a permis la découverte de nombreux fossiles de dinosaures, mais également de plantes et d’autres vertébrés. Ces données, particulièrement précieuses pour les paléontologues, permettent de reconstituer la nature des écosystèmes du Campanien et du Maastrichtien.

      Le Crétacé est une période géologique correspondant à la troisième et dernière période de l’Ère des reptiles, et s’est étendu de 145 à 66 millions d’années avant notre ère. Il est divisé en deux périodes distinctes : le Crétacé inférieur, de 145 à 100,5 millions d’années avant notre ère, et le Crétacé supérieur, de 100,5 à 66 millions d’années avant notre ère. Il s’achève avec la disparition des dinosaures et l’impact de l’astéroïde de Chicxulub.

      Le Crétacé supérieur est lui-même subdivisé en plusieurs périodes, caractérisées par six strates de dépôts sédimentaires différentes. Le Campanien et le Maastrichtien sont la cinquième et la sixième de ces strates et s’étendent respectivement de 83,6 à 72,1 millions d’années avant notre ère, et de 72,1 à 66 millions d’années avant notre ère.

      Encore trop peu connues des archéologues, ces périodes représentent les dernières années du règne des dinosaures et de toute la biodiversité qui les accompagnait. La découverte de fossiles d’Enantiornithes et d’Ornithurae est donc particulièrement précieuse pour les chercheurs, notamment du fait de leur rareté.

      « Pour l’instant, les archives archéologiques des deux pays sont très fragmentaires. Ces fossiles semblent être l’unique trace d’oiseaux en Patagonie à ce jour », explique Sarah Davis. « [Leur découverte] était une surprise, parce que les os d’oiseaux ne sont pas souvent préservés. Ce sont des os creux et bien plus petits que les os de dinosaures. Il est exceptionnel de les retrouver dans la même zone ! »

      les plus populaires

        voir plus
        loading

        Découvrez National Geographic

        • Animaux
        • Environnement
        • Histoire
        • Sciences
        • Voyage® & Adventure
        • Photographie
        • Espace
        • Vidéos

        À propos de National Geographic

        S'Abonner

        • Magazines
        • Livres
        • Disney+

        Nous suivre

        Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.