Des espèces de dinosaures différentes auraient voyagé ensemble

Des empreintes fossilisées de dinosaures récemment mises au jour pourraient fournir les premières preuves d’une diversité dans les troupeaux de dinosaures.

De Annie Roth
Publication 27 juil. 2025, 14:12 CEST
Trackway_artwork_high_res.Credit_Julius_Csotonyi

Un troupeau de cératopsiens (Styracosaurus albertensis) accompagné par un ankylosaure (Euplocephalus tutus) traversent une rivière asséchée sous les yeux scrutateurs de deux tyrannosaures (Gorgosaurus libratus).

PHOTOGRAPHIE DE Illustration de Julius Csotonyi

À travers la savane africaine, zèbres et gnous voyagent ensemble au sein d’immenses troupeaux, dans lesquels on repère parfois d’éventuels impalas et gazelles. Plus grand est le troupeau, mieux ses membres sont protégés des prédateurs tels que les lions, les hyènes et les lycaons.

Les scientifiques se demandent si les dinosaures adoptaient ce même comportement, mélangeant les espèces dans leurs troupeaux. Les films pour enfants comme « Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles » ou « Dinosaures » montrent souvent des groupes bigarrés de dinosaures se déplaçant ensemble lors de leurs migrations, comme des apatosaures et des tricératops, ou des iguanodons et des parasaurolophus (même s’ils ne vivaient pas à la même période). On manquait cependant de preuves fossiles que différentes espèces de dinosaures voyageaient effectivement ensemble.

Des archéologues travaillant dans les badlands du parc provincial de Dinosaur, à Alberta au Canada, ont découvert des empreintes fossilisées, selon eux les premières preuves qui attestent que différentes espèces de dinosaures voyageaient ensemble au sein d’un même troupeau. Cependant, tous les scientifiques ne sont pas de cet avis. La découverte a été publiée le 23 juillet dans la revue scientifique PLOS One.

Les empreintes, vieilles de 76 millions d’années, racontent l’histoire d’un petit groupe de dinosaures à cornes, les cératopsiens, qui auraient pu former un troupeau qui n’est pas sans rappeler le groupe hétéroclite du Seigneur des Anneaux, composé d’un ankylosaure en armure et, peut-être, de deux théropodes à pattes courtes. Et à l’instar de la communauté de Tolkien, ce groupe de voyageurs aurait été pourchassé par d’effroyables ennemis : deux grands tyrannosaures carnivores.

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Technicien RTMP travaillant sur le site de Skyline, où ont été découvertes les empreintes.

PHOTOGRAPHIE DE Dr Brian Pickles, University of Reading

 

MARCHER DANS LES PAS DES DINOSAURES

Au cours de l’été 2024, Brian Pickles, paléontologue de l’université de Reading, en Angleterre, et son collègue, Phil Bell, étaient à la recherche de fossiles dans le parc lorsqu’ils ont remarqué une étrange protubérance qui émergeait du sol.

« Nous étions en train de chercher des os, sans grand succès », se rappelle Brian Pickles. Quand soudain Phil Bell, paléontologue de l’université australienne de Nouvelle-Angleterre, a aperçu un rebord surélevé de pierre ferrugineuse. « Il a commencé à tourner autour pour l’observer et s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une empreinte de dinosaure. »

Les 48 heures qui ont suivi cette découverte ont été rythmées par des excavations frénétiques et de profondes découvertes qui ont abouti à ce qu’il appelle « une révolution de la paléoécologie des dinosaures dans le parc provincial de Dinosaur ».

Dans un carré de terre grand comme environ deux parkings, l’équipe a pu découvrir une dizaine d’empreintes fossilisées. À l’inverse d’autres sites où des traces de dinosaures ont été retrouvées, ces traces ne se chevauchent pas et sont à égale distance les unes des autres, sans montrer signe de foule. Selon leur taille, leur forme et leur orientation, les chercheurs en ont conclu qu’elles ont probablement été faites par un troupeau constitué de plusieurs espèces, au moins cinq dinosaures qui marchaient ensemble. L’équipe a également retrouvé les traces fossilisées de deux grands tyrannosaures qui auraient marché côte à côté près du troupeau.

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    Modèle numérique de terrain du site de Skyline, où ont été découvertes les empreintes (échelle en mètre) et traces principales (à l’échelle de l’élévation relative).

    PHOTOGRAPHIE DE Dr Brian Pickles, University of Reading

    Ces super-prédateurs travaillaient-ils de concert pour chasser ce gibier ? Le troupeau s’est-il formé afin de pouvoir se défendre contre de telles menaces ? Dans les prairies africaines, les lions suivent souvent des troupeaux constitués de plusieurs espèces d’herbivores et les chassent en groupe. Ces empreintes que les paléontologues ont retrouvées auraient-elles été dues à une situation similaire ?

    « C’est assez évocateur de penser que cette situation est similaire à ce que l’on peut voir aujourd’hui dans les plaines d’Afrique », dit Brian Pickles. « Nous ignorons à quel moment les marques ont été faites, les tyrannosaures auraient très bien pu passer par là les premiers. »

     

    « PAS DE BASE SOLIDE » ?

    Certains chercheurs n’ayant pas pris part à cette découverte remettent en question les conclusions de l’équipe.

    Selon Anthony Romilio, paléontologue de l’université de Queensland, en Australie, bien que les dinosaures aient sûrement formé des troupeaux où se mêlaient plusieurs espèces, les interprétations des empreintes qu’ont fait les scientifiques ne sont pas bonnes.

    « En tant que chercheurs, nous sommes naturellement attirés par la possibilité qu’offrent ces fossiles. Mais cette excitation peut parfois mener à des surinterprétations », explique le paléontologue. Les traces des cératopsiens et de l’ankylosaure sont similaires par leur forme, et il pense qu’il est plus possible qu’elles soient des empreintes mal préservées de grands hadrosaures.

    « Cette interprétation ne fera peut-être pas le même effet, mais elle est plus en accord avec ce que l’on sait des empreintes de fossiles et de leur circulation », continue-t-il.

    Christian Meyer, un paléontologue de l’université suisse de Bâle, est, lui aussi, sceptique. Il qualifie les découvertes de « spéculatives ».

    « Je trouve que la préservation des traces, y compris leur assignation taxonomique, n’a pas de base solide ; il n’y a pas de circulation complète qui montrerait le schéma de marche », explique Christian Meyer. « De plus, l’interprétation des troupeaux mixtes est, au vu des faits, un peu tirée par les cheveux selon moi. »

    Depuis les mises au jour qui ont motivé cette nouvelle étude, Brian Pickles et ses collègues déclarent avoir découvert plus de dix nouvelles traces de circulation de dinosaures. Avec autant d’empreintes, Brian Pickles explique que nous pourrons bientôt avoir plus d'éléments pour affirmer ou infirmer si les dinosaures formaient bel et bien des troupeaux de plusieurs espèces.

    « Il y a potentiellement bien plus à dire que ce que nous avons pu révéler jusque-là », conclut-il.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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