Ce singe de trois mètres était le plus grand primate de tous les temps

Gigantopithecus blacki, un singe géant qui a vécu dans les forêts denses de la Chine actuelle pendant plus de 2 millions d'années, n'aurait pas réussi à s'adapter à l'évolution rapide de son habitat naturel.

De Riley Black
Publication 11 janv. 2024, 17:53 CET
Gigantopithecus_blacki_in_a_forest_scene

Un groupe de Gigantopithecus blacki, le plus grand primate de l'Histoire, représenté dans une forêt du sud de la Chine. Lorsque les forêts luxuriantes ont cédé la place à des prairies ouvertes, ce singe géant a fait face à des difficultés qui ont fini par le mener à l'extinction.

Illustration de Garcia, Joannes-Boyau, Southern Cross University

Le plus grand primate de tous les temps est connu sous le nom de Gigantopithecus blacki. Les adultes de cette espèce disparue, qui parcouraient les épaisses forêts de l’actuel territoire chinois au cours de la dernière ère glaciaire, mesuraient environ 3 mètres de haut et pouvaient peser plus de 225 kilogrammes.

Depuis la découverte de cet impressionnant herbivore il y a près d’un siècle, les raisons de sa disparition ont représenté un véritable mystère pour les paléontologues. Une nouvelle analyse suggère cependant que, plus vulnérable du fait de son mode de vie unique, ce grand singe ne serait pas parvenu à s’adapter à la transformation rapide de son habitat forestier ancestral.

Publiée dans la revue Nature, la nouvelle étude se base sur des datations géologiques, des relevés de pollen et des indices retrouvés dans des dents fossiles de Gigantopithecus blacki afin de présenter une chronologie détaillée des événements qui ont mené ce dernier à l’extinction. Les résultats révèlent, avec plus de détails que jamais auparavant, le déclin et la disparition définitive de la créature.

« Mon collègue Yingi Zhang travaillait sur les preuves relatives à l’existence de Gigantopithecus blacki depuis plus de dix ans », explique Kira Westaway, autrice principale de la nouvelle étude et géochronologue à l’Université Macquarie de Sydney, en Australie. L’un des plus grands mystères à élucider concernait la chronologie des événements qui ont mené à la disparition du primate.

Westaway s’est alors efforcée de dater plus précisément les sédiments dans lesquels avaient été retrouvés les différents fossiles de Gigantopithecus. Déterminer la chronologie permettrait aux chercheurs d’essayer de découvrir à quoi ressemblaient la vie et l’environnement de Gigantopithecus et, ainsi, d’identifier les causes de son extinction.

Gigantopithecus blacki mesurait environ 3 mètres de haut et pesait plus de 225 kilogrammes, ce qui en fait le plus grand primate jamais découvert.

Illustration de Garcia, Joannes-Boyau, Southern Cross University

Des experts avaient déjà suggéré que l’extinction de Gigantopithecus était due à la raréfaction progressive de ses habitats forestiers de prédilection, mais l’absence de datation des fossiles retrouvés empêchait de confirmer cette hypothèse. « En l’absence d’une chronologie précise, on finit par chercher des indices au mauvais endroit », admet Westaway. Le mystère était d’autant plus complexe que d’autres primates ayant cohabité avec Gigantopithecus, tels que Pongo weidenreichi, un parent de l’orang-outan actuel, étaient parvenus à survivre à cette période de grande transformation.

Westaway et ses collègues ont découvert que Gigantopithecus vivait en Chine il y a 2,3 millions à 215 000 ans. « Tandis que, dans les grottes plus anciennes datant d’il y a environ 2 millions d’années, nous trouvons des dents de Gigantopithecus blacki par centaines », révèle Westaway, « dans les grottes plus récentes, qui datent d’il y a environ 300 000 ans, période à laquelle il était au bord de l’extinction, nous n’en trouvons plus que quelques-unes ».

L’analyse de pollens fossiles provenant des mêmes sites que les fossiles de Gigantopithecus a également permis aux chercheurs d’étudier l’évolution de l’habitat de l’animal au cours de cette même période. Il y a environ 700 000 ans, les forêts denses de pins, de bouleaux et de châtaigniers ont cédé la place à des habitats plus ouverts composés de davantage de prairies. C’est au beau milieu de ce changement environnemental que les populations de Gigantopithecus ont commencé à décliner, pour finir par disparaître totalement.

Comme en témoignent les dents retrouvées, le singe a probablement ressenti les conséquences directes de ces transformations. Les dents fossiles présentent encore des traces géochimiques laissées par les plantes que l’animal mangeait de son vivant. Il y a plus de 700 000 ans, Gigantopithecus et Pongo weidenreichi vivaient dans des forêts couvertes de canopées où ils se nourrissaient de feuilles, de fruits et de fleurs ; la nourriture dont ils avaient besoin était abondante presque toute l’année.

Cependant, lorsque les changements saisonniers se sont accentués et que la forêt s’est progressivement découverte, Gigantopithecus aurait rencontré des difficultés à trouver ses aliments habituels. De son côté, Pongo weidenreichi serait en revanche parvenu à adapter son régime alimentaire pour se nourrir de plantes fibreuses, plus facilement accessibles dans ce nouvel environnement.

« Le travail des auteurs [de l’étude] montre très bien que Gigantopithecus blacki était trop spécialisé pour s’adapter aux changements environnementaux auxquels il a été confronté », commente Julien Luoys, paléontologue à l’Université Griffith en Australie, qui n’était pas impliqué dans la nouvelle étude. Le spécialiste note que, à cette époque, l’Asie du Sud-Est connaissait de profonds changements environnementaux, une plaque tectonique s’étant affaissée dans la région, provoquant ainsi une modification importante du climat et des habitats locaux. « Imaginez qu’une grande partie du centre des États-Unis soit soudainement submergée. Vous pouvez alors imaginer l’ampleur des transformations qui se sont ensuivies », illustre-t-il.

L’extinction de Gigantopithecus blacki n’est cependant pas uniquement liée à cet immense changement environnemental, mais aussi à l’incapacité de l’animal à s’adapter suffisamment rapidement. Ce ne sont pas les changements eux-mêmes, mais « la réaction de Gigantopithecus blacki face à ces changements qui a scellé son destin », explique Westaway. Ces primates étaient si grands qu’ils devaient se déplacer au sol et étaient limités dans les distances qu’ils pouvaient parcourir ; ils essayaient donc de tirer le meilleur parti de chaque brindille, morceau d’écorce et autres aliments qu’ils avaient encore à leur disposition. Leurs efforts n’ont malheureusement pas été suffisants pour assurer leur survie.

Il y a environ 215 000 ans, le dernier individu de Gigantopithecus blacki a disparu, marquant la disparition de l’espèce, celle-ci n’étant pas parvenue à tenir face au rythme rapide de l’évolution de son habitat. Connaître la fin de l’histoire du primate géant ne permet toutefois pas de résoudre tous les mystères le concernant : par exemple, pour des raisons encore inconnues, certains des derniers individus de Gigantopithecus comptaient également parmi les plus imposants de l’histoire de l’espèce, selon Westaway.

En outre, d’autres fossiles de cette espèce ont été retrouvés en Thaïlande, au Vietnam, et peut-être même à Java, révèle Luoys, ce qui pose la question suivante : ces individus ont-ils connu exactement le même destin, ou le chemin vers l’extinction a-t-il varié selon les régions du monde ?

« Le niveau de détail atteint par ce nouvel article nous permet de mieux comprendre la dynamique d’extinction en Asie du Sud-Est à cette époque », affirme Luoys, ce qui, tout en expliquant la disparition du singe le plus impressionnant de la planète, soulève malgré tout de nouvelles questions.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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