Le long cou de ces reptiles, faciles à décapiter, aurait causé leur perte

Tanystropheus, un reptile marin du Trias, possédait un cou de 3 mètres de long qui lui permettait d'attaquer ses proies par surprise. Mais ce long cou le rendait aussi plus vulnérable face à ses propres prédateurs.

De Riley Black
Publication 7 juil. 2023, 16:31 CEST
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Des fossiles du reptile marin Tanystropheus révèlent que sa tête aurait été arrachée par un plus grand prédateur.

Illustration de Roc Olivé, Institut Català de Paleontologia Miquel Crusafont, FECYT

Tanystropheus, une espèce de reptile marin qui vivait il y a environ 240 millions d’années, était doté d’un cou allongé qu’il utilisait probablement pour attraper les poissons et les calmars qu’il chassait par surprise dans les mers du Trias.

Cependant, de nouvelles recherches suggèrent que ce long cou aurait bien pu causer la perte de Tanystropheus.

Deux fossiles de ce reptile marin, exposés à l’Université de Zurich, en Suisse, présentent certaines caractéristiques qui ont suscité l’intérêt des paléontologues : des crânes complets, quelques vertèbres attachées, mais rien d’autre. Cette particularité n’est pas un simple accident de conservation. Les créatures ont été décapitées, leur colonne vertébrale coupée en deux par une morsure.

« On a toujours pensé que le cou de ces deux spécimens, surtout celui du plus gros, avait été arraché », explique le paléontologue Stephan Spiekman, du Musée national d’histoire naturelle de Stuttgart, en Allemagne. Mais l’idée n’était guère plus qu’une théorie jusqu’à ce que Spiekman commence à approfondir le sujet des fossiles avec son collègue Eudald Mujal, qui avait déjà étudié des marques de morsure sur des animaux du Trias. Cette collaboration a permis d’identifier de nouveaux indices sur les événements qui ont mené à la mort de ces malheureux Tanystropheus il y a plus de 242 millions d’années, qui ont été présentés dans une étude parue dans la revue Current Biology.

Découvert en 1852, Tanystropheus est depuis longtemps l’une des espèces préférées des paléontologues et des passionnés de fossiles, notamment du fait de son cou inhabituel. L’animal, qui pouvait atteindre les 6 mètres de long, possédait en effet un cou de 3 mètres qui constituait la majeure partie de son corps (plus long que son torse et sa queue réunis), et était doté de treize vertèbres exceptionnellement longues destinées à le soutenir.

Même si Tanystropheus était loin d’être le seul reptile préhistorique à avoir développé un long cou, ses proportions et son anatomie ont toujours semblé inhabituelles aux yeux des spécialistes. En outre, le reptile ne semblait pas aussi à l’aise dans l’eau que les plésiosaures, des nageurs qui, au fil du temps, ont développé un cou de plus de 6,5 mètres de long. Les experts ont longtemps pensé que, pour attraper les poissons ou les calmars dont il se nourrissait, Tanystropheus devait se tenir sur le rivage et plonger son cou dans l’eau, comme certains oiseaux le font de nos jours.

Des analyses plus récentes indiquent néanmoins que, au contraire, Tanystropheus était un nageur habile et qu’il chassait probablement dans l’eau. Mais être doté d’un cou aussi remarquable ne présentait pas que des avantages : le reptile était devenu un chasseur sournois, mais vivait également parmi des prédateurs qui le prenaient pour cible.

 

DES MARQUES DE MORSURES PRÉHISTORIQUES

Les coupures brutales observées sur les fossiles de Tanystropheus ne sont pas les seuls indices suggérant qu’un traumatisme a eu lieu : « [nous avons trouvé] des traces de morsures que nous n’avions jamais identifiées avec certitude auparavant », décrit Spiekman. En retournant observer les fossiles à Zurich, les chercheurs ont découvert des perforations, des éraflures et des fractures, que l’animal a sans doute subies au cours de sa vie, et non durant le processus de fossilisation.

« Il y a de fortes chances que ces blessures soient dues à une morsure », affirme Stephanie Drumheller-Horton, paléontologue et spécialiste des marques de morsure observées sur les fossiles à l’Université du Tennessee, à Knoxville, qui n’était pas impliquée dans la nouvelle étude. En frappant les os, les dents laissent des traces particulières, telles que des égratignures, des perforations et des cassures, que nous pouvons facilement identifier sur les os.

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De telles marques ne permettent pas seulement d’indiquer que la créature a subi une morsure ; Spiekman et Mujal ont également pu les utiliser afin de reconstituer la manière dont les deux Tanystropheus ont, selon eux, été attaqués et décapités.

« Il est bien sûr toujours difficile d’être certains de nos affirmations lorsque l’on parle d’un scénario prédateur-proie vieux de 242 millions d’années », tempère Spiekman. Malgré tout, les dégâts constatés sur les os donnent une bonne idée de ce qui est arrivé. « Les deux perforations dentaires s’ouvrent vers l’arrière, ce qui indique que c’est ici que le cou s’est brisé ; et l’éraflure qui apparaît sur la surface de l’os s’élargit vers l’arrière et vers le haut, ce qui montre que c’est dans cette direction que la dent a été retirée. » L’ensemble de ces éléments suggère que les prédateurs ont attaqué par le haut et par l’arrière, ont mordu le cou exposé de leur proie, et ont reculé tout en continuant à mordre.

De son côté, Drumheller-Horton n’est pas aussi sûre que le prédateur ait bien utilisé cet angle d’attaque. Bien que le scénario décrit dans l’article soit tout à fait plausible, certains carnivores reptiliens comme les crocodiles mordent puis fouettent leur proie d’un côté à l’autre, des mouvements qui pourraient également être à l’origine des blessures observées sur Tanystropheus.

 

UN COU PARTICULIÈREMENT FRAGILE

Même si d’autres reptiles marins, tels que les plésiosaures, ont eux aussi développé un long cou, celui de Tanystropheus le rendait particulièrement vulnérable. Plutôt que d’être nombreuses et compactes, et ainsi plus résistantes aux morsures, les vertèbres du cou de Tanystropheus étaient plus limitées et longues que celles d’autres animaux, ce qui les rendait plus fragiles.

« Ces vertèbres étaient presque entièrement creuses », révèle Spiekman, « elles ont la forme d’un tube ou d’un cylindre mince et allongé. » Tanystropheus a développé un long cou long et léger, mais ce faisant, il est devenu plus vulnérable aux reptiles aquatiques plus grands qui rôdaient dans les mêmes eaux.

Les scientifiques n’ont pas encore déterminé l’identité du reptile qui a mordu les deux individus Tanystropheus. L’espèce en question n’a peut-être même pas été découverte. « De nombreux prédateurs sont susceptibles d’avoir infligé ce type de blessure », notent les chercheurs dans leur étude.

En raison de l’espacement observé entre les marques de dents, il est possible que l’attaquant soit un individu de l’espèce Nothosaurus, un autre reptile à long cou, mais aussi de Cymbospondylus, un ichtyosaure ressemblant à un dauphin, et de Helveticosaurus, dont l’allure est comparable à celle d’un lézard. La découverte de deux fossiles de Tanystropheus, tous les deux décapités et enfouis dans les mêmes couches rocheuses, est loin d’être un événement habituel en paléontologie, ce qui laisse à penser que de telles attaques devaient se produire relativement souvent.

Maintenant que les fossiles décapités ont été identifiés, les chercheurs peuvent commencer à en chercher d’autres. Selon Drumheller-Horton, bien que la structure de leurs squelettes soit différente, il est étonnant de ne jamais avoir observé de dégâts similaires sur des plésiosaures ou d’autres reptiles marins à long cou.

Il est possible que d’autres ossements exposés dans des collections muséales portent des marques de morsures préhistoriques mortelles, mais que les paléontologues ne les aient simplement pas encore inspectés. « Je pense que certains de ces fossiles mériteraient d’être réexaminés », conclut la paléontologue.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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