Tempête de neige et hibernation : les dinosaures vivaient aussi dans le grand Nord

Des centaines d’os de bébé dinosaures retrouvés en Alaska permettent aujourd’hui de l’affirmer : des dinosaures vivaient de manière permanente en Arctique.

De Manon Meyer-Hilfiger
Publication 25 sept. 2024, 16:47 CEST
Photographie prise en août 2017 du Glacier Hubbard en Alaska. Sa source la plus longue prend ...

Photographie prise en août 2017 du Glacier Hubbard en Alaska. Sa source la plus longue prend naissance à 122 kilomètres de son front (point le plus bas). Il faut 400 ans à la glace pour traverser toute la longueur du glacier. 

PHOTOGRAPHIE DE Diego Delso

Au cœur de la nuit polaire, un imposant tyrannosaure (Nanuqsaurus hoglundi) traque sa proie en silence, à pas mesurés dans l’épaisse couche de neige. Pour continuer à vivre et chasser par ces températures négatives, le grand corps du prédateur est certainement recouvert de plumes, qui agissent comme une sorte de grand manteau. Sans doute étaient-elles blanches, pour lui permettre de passer inaperçu au milieu des flocons de neige.

Cette scène peut paraître incongrue tant nous avons l’habitude d’imaginer les dinosaures dans des décors de forêt tropicale. Et pourtant, voilà 73 millions d’années, ces derniers prospéraient aussi en Arctique. C’est l’étonnante conclusion d’une récente étude parue dans Current Biology.

Les scientifiques savaient déjà, depuis les années 1980, que certains dinosaures étaient passés par l’Alaska – mais pas qu’ils s’y étaient installés, qu’ils y avaient vécu de manière permanente et qu’ils s’y étaient reproduits. Dans la formation de Prince Creek, au nord de l’Alaska, le paléontologue Patrick Druckenmiller et son équipe ont retrouvé des centaines d’os de bébés dinosaures. « En temps normal, nous sommes heureux d’en trouver un ou deux. Là, ce fut une immense surprise ! On ne s’attendait pas à une telle abondance » retrace-t-il. Or, cette profusion a une signification. Les dinosaures naissaient et grandissaient dans cette région polaire. Les bébés, sortis de l’œuf souvent à la toute fin de l’été, n’avaient pas le temps de migrer vers le sud – ils n’étaient pas prêts, pas assez grands pour parcourir les milliers de kilomètres vers des températures plus clémentes.

Fragments d'os et de dents de bébés dinosaures découverts dans la formation de Prince Creek. Leur taille n'excède pas les 19 millimètres de diamètre d'un penny américain.

PHOTOGRAPHIE DE Patrick Druckenmiller

Certes, le climat d’Alaska était moins rude qu’aujourd’hui. L'été, on estime qu'il y faisait 12 ou 13°C en moyenne. Mais en hiver, les températures chutaient tout de même en dessous de 0°C. Et la nuit polaire s’étirait durant de longs mois : ces dinosaures ne voyaient pas le soleil près d’un tiers de l’année.

Les dinosaures du nord ont dû s’adapter. En tout, treize espèces capables de survivre lors des périodes de grand froid et d’obscurité ont été identifiées en Arctique. Parmi elles, Nanuqsaurus hoglundi, un proche cousin du T-rex, Ugunaaluk kuukpikensis, un grand herbivore d’Alaska reconnaissable à son bec de canard, ou encore Pachyrhinosaurus perotorum, un herbivore cousin du tricératops. Chacun avait sa stratégie pour passer l’hiver. « Les carnivores avaient très certainement le corps recouvert de plumes pour se protéger du froid » relève Patrick Druckenmiller. « D’autres espèces plus petites (moins d’un mètre de haut) pourraient avoir creusé des terriers pour hiberner. C’est encore à l’étude, car l’hibernation n’est pas documentée chez les dinosaures pour le moment. Mais dans la région du Montana, des collègues ont retrouvé des ossements de dinosaures (cousins de ceux de l’Alaska) dans des terriers, donc peut-être que cela leur servait pour hiberner, et que cette pratique était répandue» poursuit le chercheur.

Les plus grands herbivores, eux, comptaient plutôt sur leurs réserves de graisses accumulées pendant l’été. Au fil de l’hiver, ils survivaient aussi en grignotant ce qu’ils trouvaient sur place : « des racines, des fougères, des bouts de bois en décomposition... » énumère Patrick Druckenmiller.

Ces découvertes viennent aussi renforcer l’idée selon laquelle les dinosaures étaient des animaux à sang chaud. Impossible de survivre durant l’hiver en Arctique sans cette chaleur interne. D’ailleurs, aucun fossile d’animaux à sang froid – serpents, grenouilles, tortues - n’a été retrouvé à Prince Creek, en Alaska.

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    Patrick Druckenmiller et son équipe enterrent donc un peu plus l’hypothèse de départ sur les dinosaures, formulée au 19e siècle. À l’époque, les spécialistes étaient persuadés que ces animaux étaient des gros reptiles au sang froid, obligés de prendre des bains de soleil pour survivre. 

    Les années passant et les recherches s'accumulant, les experts ont fini par s’accorder sur le fait que les dinosaures maintenaient probablement leur température entre celle des reptiles et celle des oiseaux. Des animaux à sang chaud donc. Mais sans preuve concrète. Les squelettes de bébés dinosaures en Alaska viennent enfin apporter un indice matériel. « Aujourd’hui, grâce à ce travail de terrain, on sait que les dinosaures avaient certainement le sang chaud et ressemblaient sans doute plus à des mammifères que des reptiles » conclut le paléontologue.

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