Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ont eu des répercussions sur l’ionosphère

La découverte de ces répercussions au-dessus de la surface terrestre pourrait permettre de mieux comprendre les changements atmosphériques capables de perturber les technologies modernes.

De Maya Wei-Haas
Les explosions causées par les bombardements alliés ont eu un impact sur plus de 160 km de ...
Les explosions causées par les bombardements alliés ont eu un impact sur plus de 160 km de hauteur.
Photography by U.S. Air Force, Public Domain

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les bombardements alliés sur l’Europe n’ont pas seulement causé de nombreux dégâts au sol. Une nouvelle étude suggère que les ondes de choc ont eu des répercussions étonnamment étendues : elles auraient ainsi eu des incidences jusqu’à la limite de l’espace.

Récemment publiée dans la revue Annales Geophysicae, l’étude porte sur les répercussions de ces bombes sur l’ionosphère, une couche de l’atmosphère terrestre qui se situe entre 80 et 600 km au-dessus de la surface de la Terre et qui est chargée, ou ionisée, par le rayonnement solaire et cosmique. Les données de l’étude suggèrent que chaque bombardement libérait une puissance équivalente à une centaine d’éclairs, ce qui réduisait la densité des électrons chargés négativement dans l’ionosphère.

L’effet des bombardements sur l’ionosphère était minime et ne durait que quelques heures. Toutefois, l’approche inhabituelle grâce à laquelle les chercheurs ont établi les perturbations atmosphériques pourrait à l’avenir aider les scientifiques à perfectionner les modèles atmosphériques et ainsi prévoir avec plus de précisions les perturbations ionosphériques. Dans les cas les plus graves, ces perturbations peuvent paralyser les télécommunications et le géo-positionnement par satellite, c’est-à-dire les GPS.
 

PLONGÉE DANS LA SECONDE GUERRE MONDIALE

L’ionosphère ne subit pas seulement les oscillations constantes résultant de l’activité du Soleil. Les éruptions et les vents solaires, ainsi que les tempêtes géomagnétiques peuvent causer une baisse ou une augmentation de sa densité en électrons, mais notre flamboyant compagnon n’est pas le seul à avoir une incidence sur l’ionosphère : les orages et même les tremblements de terre de grande ampleur peuvent affecter cette dernière.

D’après les connaissances scientifiques actuelles, l’ionosphère est « beaucoup plus faible qu’elle ne devrait l’être », indique Chris Scott, spatiologue à l’Université de Reading, au Royaume-Uni.

Afin de mieux comprendre les répercussions de divers événements sur l’ionosphère, Chris Scott et son collègue Patrick Major, co-auteur de l’étude, ont cherché des exemples d’explosions libérant des quantités d’énergie équivalentes à l’activité électrique des orages. S’ils ont trouvé ce qu’ils voulaient, les deux hommes ne s’attendaient pas à ce qu’il s’agisse de traces liées aux bombardements de la Seconde Guerre mondiale.

À l’aide des traces écrites de 152 périodes majeures de bombardements qui ont eu lieu entre 1943 et 1945 et pour lesquelles étaient connus la date de l’explosion et le type de bombes larguées, les chercheurs ont analysé les données relatives aux bombardements alliés sur l’Europe. Ils ont ensuite comparé les répercussions des bombardements aux mesures atmosphériques réalisées par la Station de recherche radio de Slough, en Angleterre.

Bien qu’il ne soit pas facile de trouver l’incidence exacte des bombardements sur l’ionosphère, les scientifiques ont découvert une corrélation significative entre les bombardements lâchant au moins 100 à 800 tonnes d’explosifs, et les changements ou « affaiblissements » observés dans l’ionosphère trois à sept heures après la largage des bombes. À titre de comparaison, une tonne de TNT a à peu près la même énergie explosive qu’un éclair nuage-sol.

Comme le souligne Chris Scott, les éclairs et les bombes sont très différents, mais la corrélation observée renforce l’idée selon laquelle d’autres phénomènes naturels comme les éclairs peuvent avoir des répercussions sur l’ionosphère.

Chris Scott et Patrick Major se sont également penchés sur les données relatives au « Blitz », période pendant laquelle les Allemands ont bombardé Londres, entre autres, en 1940 et 1941. Mais cette campagne de bombardements offensive était si constante qu’il ne se passait pas un jour sans qu’une bombe n’explose. Les chercheurs n’ont donc pas pu établir de changements ionosphériques à comparer avec les données atmosphériques.

Chris Scott souligne que cette observation a donné à réfléchir : « Deux de mes tantes ont perdu la vie pendant le Blitz. Elles avaient neuf et 11 ans. Je sais donc que notre famille a conscience de l’impact qu’un tel conflit peut avoir. »


 

MIEUX COMPRENDRE L’IONOSPHÈRE

Cette utilisation nouvelle des données provenant d’événements historiques pour mieux comprendre l’atmosphère de la Terre a surpris la communauté scientifique.

« Je n’avais rien vu de tel jusqu’alors », confie Christopher Fallen de l’Institut de géophysique de Fairbank de l’Université de l’Alaska et scientifique en chef du High Frequency Active Auroral Research Program, un programme de recherche qui s’intéresse à l’étude du comportement de l’ionosphère et des propriétés de cette dernière. Selon lui, une modélisation plus sophistiquée pourrait permettre de savoir quels sont les mécanismes exacts responsables des répercussions des bombardements. Le travail réalisé par Chris Scott et Patrick Major constitue également une façon intéressante de répondre à une question difficile. « Je sais désormais qu’il est possible d’en savoir plus sur l’ionosphère grâce à des méthodes différentes », a confié Christopher Fallen.

Mihail Codrescu travaille pour le Centre de prévision météorologique spatiale (SWPC) du Service national de météorologie, une branche de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. Elle vient en aide aux personnes susceptibles de souffrir des conséquences de la météo spatiale sur les technologies et les avertit en cas d’éventuelles perturbations. Selon Mihail Codrescu, une meilleure compréhension des « affaiblissements » de l’ionosphère et des événements qui les causent peut nous aider à mieux comprendre leurs impacts sur les technologies modernes dont nous dépendons, comme les GPS et les communications radio.

En octobre 2003, au cours d’une tempête solaire particulièrement intense, les perturbations occasionnées dans l’ionosphère avaient eu de vastes répercussions : en raison des imprécisions des GPS, des avions avaient ainsi été détournés de force.

Chris Scott a hâte de se plonger dans d’autres archives afin d’aider au développement de nouveaux modèles de changements atmosphères. « Cela a multiplié par deux mon enthousiasme pour essayer de numériser ces données historiques », explique-t-il. « À l’heure actuelle, des quantités énormes de données inutilisées attendent dans des livres posés dans des bibliothèques. »

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