Les champignons communiquent-ils entre eux ?

C’est une théorie mise en avant dans une étude récemment publiée par un chercheur britannique. Le « langage champignon » compterait jusqu’à 50 séquences symboliques, que l’on peut comparer à des mots.

De Margot Hinry
Publication 29 avr. 2022, 14:27 CEST
L’étude d'Andrew Adamatzky précise que les impulsions électriques augmentent lorsque les racines du champignon analysé sont en ...

L’étude d'Andrew Adamatzky précise que les impulsions électriques augmentent lorsque les racines du champignon analysé sont en contact direct avec du bois.

PHOTOGRAPHIE DE Irina Petrova Adamatzky

Un chercheur britannique a étudié de près l’activité électrique de quatre espèces de champignons. Le champignon fantôme (Omphalotus nidiformis), le champignon Enoki (Flammulina velutipes), le champignon à branchies séparées (Schizophyllum commune) et le champignon chenille (Cordyceps militaris). Parmi les hypothèses énoncées dans les conclusions de l’étude, parue dans la revue The royal society open science, il y a celle d’un « langage » champignons. Ces êtres vivants « échangeraient » non pas des mots, mais des séquences symboliques.

L’étude de l’activité électrique des champignons remonte aux années 1970 selon Andrew Adamatzky, de l’Université de Bristol. D’abord grâce à l’enregistrement cellulaire, qui aurait permis de découvrir des « pointes » qui s’apparentent à des « potentiels d’action ». Au cours des années, de nombreux scientifiques se sont penchés sur la question. 

En 2018, Andrew Adamatzky a enregistré le potentiel électrique extracellulaire des corps fruitiers des champignons pleurotes roses (Pleurotus djamor). Il explique qu’ainsi, « deux types d'activité de dopage sont mis en évidence : haute fréquence (période 2,6 min) et basse fréquence (période 14 min) » et ajoute qu’il y a ici « la preuve que le comportement de dopage électrique change en réponse à une stimulation thermique et tactile. »

Aujourd’hui, le chercheur britannique dirige, entre autres, un laboratoire informatique où il conçoit des prototypes de dispositifs pour détecter et calculer « avec un large éventail de substrats biologiques, chimiques et physiques. »

Andrew Adamatzky précise qu’afin de pouvoir concevoir des dispositifs informatiques sur la base de champignons, il doit d’abord comprendre « comment l'information est transférée et traitée dans les réseaux de mycélium ». L’étude parue début avril est le résultat de ces questionnements, à savoir comment un calcul peut être effectué au sein d’un réseau de mycélium. 

Le « langage champignon » compterait jusqu’à 50 séquences symboliques, que l’on peut comparer à des mots.

PHOTOGRAPHIE DE Andrew Adamatzky

Le chercheur affirme qu’il est probable que ces pointes d’actions électriques soient « des sous-produits des ondes calciques ». Ces dernières seraient, selon lui, utilisées par les champignons pour trois raisons. D’abord, le maintien de leur intégrité. L’expert compare cela aux cris des loups, « pour signaler leur présence mutuelle » et garder la meute groupée. Ensuite, pour « signaler à d'autres parties du mycélium la découverte de sources d'attractifs et de répulsifs » et puis, afin de transporter l’eau et les nutriments « le long du mycélium ».

L’étude précise également que les impulsions électriques augmentent lorsque les racines du champignon analysé sont en contact direct avec du bois. Le professeur estime que ces êtres vivants pourraient se servir de cette « langue champignon » pour communiquer des informations concernant de la nourriture ou des blessures potentielles « avec des parties distantes d’eux-mêmes ou des partenaires reliés, comme les arbres ».

 

CAPTURER UNE ACTIVITÉ ÉLECTRIQUE DANS UN CHAMPIGNON

Afin de capter ces pics et de pouvoir les analyser, le chercheur a d’abord inséré des électrodes dans un substrat qui avait été « colonisé par le mycélium fongique ». C’est grâce à ces électrodes qu’Andrew Adamatzky a pu découvrir des pics « semblables à des trains » d’activité électrique.

Par la collecte de ces éléments et leur analyse, le chercheur a pu procéder à une comparaison avec des données liées à des langages humains. « J’ai trouvé des similitudes » affirme le chercheur qui compare ces données notamment à de l’anglais et à du russe. « La longueur moyenne des mots fongiques sur quatre espèces et deux méthodes de regroupement des épis est de 5,97, ce qui est de l'ordre de la longueur moyenne des mots dans certaines langues humaines, par exemple 4,8 en anglais et 6 en russe ».

La théorie de la communication entre champignons n’est pas prouvée. Le chercheur insiste bien sur ce point et précise qu’il s’agit de spéculations basées sur ce qu’il a pu observer lors de son travail. L’ensemble de l’étude mérite encore de nombreuses recherches et des tests d’hypothèses critiques.

D’ailleurs, il précise lui-même qu’à chaque théorie, il envisage également celle où il ne s’agit pas de communication ou de langage. « Il y a aussi une autre option : ils ne disent rien » propose le chercheur. Dans ce cas, « les pointes de mycélium en propagation sont électriquement chargées », ainsi lorsqu’elles passent dans les électrodes, un pic au sein de  « la différence de potentiel est enregistré ».

Les théories restent ouvertes. « Peut-être qu’ils font de l'encodage temporel d'informations. Peut-être qu'ils sont analogues à la signalisation vocale des chats. Peut-être que le langage des champignons est quelque peu similaire au « langage » des oiseaux » émet le chercheur. À ce stade, la théorie doit être étayée par la collecte de données d’un plus grand nombre de champignons.

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