Cet ancien lion marsupial, aussi petit qu'un écureuil, était un redoutable prédateur

Cet animal, qui vivait il y a 46 000 ans dans ce qui serait l'Australie actuelle, avait une morsure redoutable, plus puissante que celle d'un lion ou d'une hyène modernes. « Il était probablement le "roi des animaux" de son aire de répartition ».

De Aaron Sidder
Publication 8 nov. 2023, 13:08 CET
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Représentation d'artiste de Microleo attenboroughi.

Illustration de Peter Schouten

Le vinaigre blanc a de nombreux atouts. Il peut être utilisé pour nettoyer les souris de nos ordinateurs, nos fenêtres, pour enlever des taches tenaces sur nos tapis ou, mieux encore, pour découvrir des espèces animales éteintes et pour le moins fascinantes.

L’acide acétique, l’un des principaux composants du vinaigre blanc, est couramment utilisé pour libérer certains fossiles délicats de leurs prisons rocheuses. En 2016, des paléontologues ont utilisé ce procédé dans une région reculée de l’Australie afin d’extraire de blocs de calcaire les dents de deux espèces de mammifères disparues depuis des millions d’années.

Bien que ces dents fossilisées constituent les seuls restes connus de ces deux espèces, elles peuvent néanmoins révéler de nombreux détails sur l’histoire de leurs propriétaires. Comme l’a affirmé le paléontologue Steve Wroe, « nous pouvons obtenir un sacré nombre d’informations grâce à une seule dent ! ».

L’une des mâchoires découvertes s’est avérée appartenir au nouveau membre d’une étrange famille de mammifères carnivores : les lions marsupiaux. Cependant, contrairement à ses cousins découverts avant lui, la créature était exceptionnellement petite, avec une taille comparable à celle d’un écureuil gris.

« Cet animal était vraiment petit... C’est tout à fait extraordinaire », admettait en 2016 Anna Gillespie, paléontologue de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud à l’origine de la découverte et de l’identification de l’espèce. « Pour moi, c’est tout à fait stupéfiant. »

 

PETIT, MAIS FÉROCE

Les lions marsupiaux appartiennent à une famille préhistorique éteinte étroitement liée aux koalas et aux wombats qui arpentent aujourd’hui notre planète. Cette famille compte actuellement une dizaine d’espèces, dont le membre le plus célèbre est Thylacoleo carnifex.

Ce dernier, qui vivait il y a 46 000 ans sur le territoire aujourd’hui connu comme l’Australie, est connu pour sa morsure redoutable : sa mâchoire était encore plus puissante que celle d’un lion ou d’une hyène.

L’espèce qui a rejoint cette famille en 2016 a été baptisée Microleo attenboroughi en l’honneur du célèbre naturaliste David Attenborough. Cet animal, qui était une version réduite de Thylacoleo carnifex, vivait quant à lui il y a environ 18 millions d’années, selon l’étude parue dans Palaeontologia Electronica en juillet 2016. Pesant environ 600 grammes, Microleo attenboroughi était considérablement plus petit que son célèbre futur cousin de plus de 100 kilogrammes.

Gillespie et son équipe ont identifié l’espèce grâce à des parties de sa mâchoire, récupérées dans des dépôts de calcaire sur le site fossilifère de Riversleigh en Australie, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Au fil des millénaires et du passage de l’eau, qui a lentement dissout le calcaire qui les entourait, les dents fossilisées ont fini par être exposées à l’air libre. C’est ainsi que la dent, dont un morceau dépassait de la roche, a pu être découverte par un volontaire avant d’être entièrement libérée du reste du calcaire par Gillespie grâce à l’utilisation d’acide acétique.

Les dents jouent souvent un rôle essentiel pour identifier les espèces, en particulier les mammifères, expliquait Wroe, paléontologue à l’Université de Nouvelle-Angleterre en Australie, après la publication de l’étude décrivant la découverte, dans laquelle il n’était pas impliqué. La forme des dents peut notamment révéler le régime alimentaire probable de l’animal ainsi que d’autres indices relatifs à sa place au sein de son écosystème.

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    Dents fossiles de Microleo attenboroughi, découvertes dans du calcaire en Australie.

    PHOTOGRAPHIE DE Anna Gillespie

    « Les molaires sont généralement plus instructives que les autres dents, car elles sont plus complexes. » D’après ses dents, des prémolaires et molaires des mâchoires gauche et droite, il est probable que Microleo attenboroughi ait été un prédateur arboricole qui se nourrissait d’une variété d’autres petites créatures.

    « Il vivait probablement dans les arbres, se prélassait et mangeait toutes sortes de petits animaux », selon Gillespie.

    Beaucoup de questions demeurent cependant sans réponse, car les dents trouvées par cette dernière constituent la seule preuve de l’existence passée de ce petit carnivore. Le manque de restes physiques pourrait indiquer que l’espèce était rare à son époque, ou simplement que d’autres fossiles attendent d’être découverts.

    « Le fait que nous n’ayons que ce spécimen m’intrigue beaucoup », confiait la paléontologue après la découverte. « Cela nous donne envie d’en trouver d’autres et de continuer à chercher. Obtenir un crâne serait fabuleux. »

     

    GRAND ET INTIMIDANT

    L’autre fossile extrait du calcaire australien appartenait à une autre espèce de marsupial jamais découverte jusqu’alors : Whollydooleya tomnpatrichorum. Tandis que le nom du genre fait référence au site de la découverte, Wholly Dooley Hill, le nom de l’espèce est un clin d’œil à Tom et Pat Rich, deux chercheur·ses reconnus pour leur travail sur le site de Riversleigh.

    Michael Archer, bénéficiaire d’une bourse National Geographic en 2013, a collaboré avec Gillespie, Suzanne Hand, coautrice de l’étude sur Microleo, et d’autres scientifiques afin de décrire le nouveau marsupial dans les Memoirs of Museum Victoria en 2016.

    Cette illustration montre un duo de Whoolydooleya tomnpatrichorum, des hypercarnivores préhistoriques.

    Illustration de Peter Schouten

    Si Microleo attenboroughi était unique de par sa petite taille, Whollydooleya tomnpatrichorum se distingue quant à lui du fait de son impressionnante dentition, et notamment de ses dents comparables à des lames.

    Bien que l’équipe n’ait trouvé qu’une seule dent, sa forme indique que l’animal était un hypercarnivore : autrement dit, une créature carnivore dont le régime alimentaire était composé d’au moins 75 % de viande. Les protubérances présentes sur la couronne, connues sous le nom de cuspides primaires, sont entrecoupées de lames d’émail tranchantes, une caractéristique qui, selon Wroe, n’est utile que pour couper la viande.

    Pour Archer, du fait de la forme de sa dent, la créature était sans doute à l’abri de tout risque de mauvaise haleine. En effet, sa forme distincte aurait permis d’éliminer efficacement les particules d’aliments en décomposition qui peuvent être à l’origine de l’halitose.

    Whollydooleya tomnpatrichorum, qui vivait il y a environ 12 à 5 millions d’années, a été classé dans la famille des Dasyuridae, qui comprend plus de soixante espèces de marsupiaux qui, pour la plupart, sont petits et ressemblent à des souris, comme le diable de Tasmanie.

    Cependant, cette espèce représenterait selon Archer un groupe de marsupiaux carnivores qui n’était pas connu jusqu’alors. Les estimations suggèrent que Whollydooleya tomnpatrichorum pesait environ 23 kilogrammes, soit deux à trois fois la taille du diable de Tasmanie actuel. Avec ses dents tranchantes et sa taille imposante, le carnivore était sans doute un adversaire redoutable.

    « Il était probablement le "roi des animaux" de son aire de répartition », capable d’attraper et d’engloutir à peu près n’importe quel animal qui lui faisait envie, écrivait Archer en 2016. Whollydooleya tomnpatrichorum n’aurait toutefois pas pu choisir Microleo attenboroughi pour l’un de ses repas, celui ayant vécu des millions d’années avant lui. Néanmoins, les fossiles pourront tout de même permettre aux scientifiques d’en apprendre davantage sur les changements climatiques qu’a connus l’Australie au cours de sa préhistoire.

    Neville’s Garden, le site de découverte de Microleo attenboroughi, abrite également des stalagmites préservées dans des matières fossiles, ce qui suggère que le lieu était autrefois une piscine immergée dans une grotte située au sein d’un environnement tropical riche et diversifié.

    Les sédiments plus récents de Wholly Dolly Hill indiquent que l’hypercarnivore aux dents acérées aurait quant à lui été enterré là à une époque plus sèche de l’histoire australienne. Les deux fossiles corroborent ainsi la théorie selon laquelle l’Australie serait passée d’un climat humide à son état aride au cours du Miocène.

    Les futures découvertes de fossiles autour du site de Riversleigh, notamment ceux d’autres animaux de petite ou moyenne taille, permettront aux scientifiques de mieux comprendre les événements qui ont provoqué l’assèchement de l’Australie. Déterminer comment la vie a réagi face à des variations climatiques par le passé pourrait nous aider à mieux saisir les extinctions que nous observons aujourd’hui, qui sont principalement dues à l’accélération du changement climatique provoqué par l’activité humaine.

    Bien que nous ne sachions pas ce qui a provoqué l’extinction de Microleo attenboroughi et Whollydooleya tomnpatrichorum, « le changement climatique [...] a toujours été l’une des principales causes de l’extinction des espèces », conclut Archer.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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