Nostalgique ? Votre cerveau est programmé pour ça

Entre Barbie et Grimace, on dirait que la pop culture se contente de recycler de vieilles idées. Pour autant, les experts avancent que notre engouement pour « les bons vieux jours » serait plus qu’un simple sentiment doux-amer.

De Olivia Campbell
Publication 3 août 2023, 10:21 CEST
Un manège traditionnel vénitien avec des chevaux de bois, à Édimbourg, en Écosse. Les scientifiques qui ...

Un manège traditionnel vénitien avec des chevaux de bois, à Édimbourg, en Écosse. Les scientifiques qui étudient la nostalgie soutiennent que ce sentiment résulterait souvent de la remémoration d’un évènement heureux pendant l’enfance, une période de notre vie où l’on s’occupait de nous.

PHOTOGRAPHIE DE Sally Anderson / Alamy Banque D'Images

Un concert de Blur affiche complet en deux minutes. La tournée de The Cure bat tous les records. Grimace, la star de McDonald, fait son grand retour aux États-Unis. Des milliers de personnes se ruent pour voir Mission Impossible. En quelle année sommes-nous ? Non pas en 2000 mais bien en 2023. Sommes-nous à court d’idées ? Ou préférons-nous rabâcher et revisiter ce que l’on connaît, et qui nous plaît ?

La nostalgie, soit l’expérience de se remémorer tendrement son passé et de le regretter, sature la culture actuelle, en particulier le grand écran et la télévision. Entre Barbie, Indiana Jones, And Just Like That, Top Gun et Les Tortues Ninja, les producteurs ont misé gros sur la nostalgie. Et jusqu’ici, cette stratégie semble porter ses fruits : Barbie a par exemple réalisé le meilleur démarrage au box-office de l’année. 

Pourquoi tombons-nous aussi facilement dans le piège de la nostalgie ? 

À première vue, la réponse paraît simple : le fait d’évoquer ces agréables souvenirs vaporeux nous fait nous sentir bien. Mais les choses sont plus compliquées que ça.

« Consommer quoi que ce soit de nostalgique est un moyen de réfléchir à qui nous sommes et nous aide à donner du sens à notre vie », explique Krystine Batcho, professeur de psychologie au LeMoyne College et chercheuse reconnue dans le domaine de la nostalgie.

Batcho étudie la nostalgie depuis les années 1990, et a même mis au point un catalogue de la nostalgie qui évalue notre propension à celle-ci. Elle a constaté une explosion des études sur la nostalgie ces dernières années, les scientifiques cherchant de plus en plus à comprendre ce qui provoque la nostalgie, ou plutôt, comment la nostalgie provoque chez nous une réaction.

En 2014, un manuel sur les médias et la nostalgie a été publié. En février dernier, un numéro entier de la revue scientifique Current Opinion in Psychology a été consacré à la nostalgie. 

Ziyan Yang, professeur à l’Institut de psychologie de l’Académie chinoise des sciences, explique que la nostalgie donne une impression de chaleur, d’affection et d’appartenance, voire provoque une sorte de voyage mental dans le temps. Yang affirme que les films et la musique peuvent facilement déclencher un sentiment de nostalgie et que ces expériences peuvent être particulièrement réconfortantes en cas de périodes difficiles, que celles-ci soient personnelles, ou qu'elles concernent le monde entier. Batcho partage cet avis.

« Les médias familiers de notre passé nous apportent un réconfort émotionnel, tout en répondant à un besoin cognitif : celui d’encourager la croyance selon laquelle tout finira par s’arranger, comme ça a déjà été le cas par le passé », explique Batcho.

 

UN REMÈDE EN CAS DE PÉRIODE DIFFICILE

De nombreux chercheurs pensent que la pandémie de COVID-19 serait en partie responsable de la récente montée en puissance de cette quête du sentiment nostalgique. Selon un article publié dans la revue Psychology of Popular Media, sachant que la nostalgie peut nous apporter du bien-être et que les médias sont une puissante source de nostalgie, il est logique que la consommation de médias nostalgiques augmente en période de crise

Mais la nostalgie ne sert pas qu’à satisfaire notre besoin de bien-être et de réconfort : elle nous aide également à gérer ce que nous vivons à l’instant présent.

« La nostalgie est un moyen de faire face par exemple à l’isolement social, la déconnexion ou la solitude », explique Batcho. « Les périodes éprouvantes peuvent déclencher la nostalgie, car nous souvenir de ce que nous avons été nous aide à percevoir la continuité de notre identité. »

La nostalgie sert plusieurs objectifs psychologiques importants, affirme Batcho. 

L’un d’entre eux correspond à notre besoin de contrôle. Même si nous ne l’avons pas à un moment donné, la nostalgie peut nous donner l’impression que nous l’avons au moins sur notre propre développement personnel. 

La nostalgie nous aide également à satisfaire notre besoin de socialisation. Cela peut sembler contre-intuitif puisqu'elle est généralement le fruit d’une réflexion privée sur notre histoire personnelle, mais n’oublions pas que les souvenirs nostalgiques nous rappellent ce que l’on a pu vivre avec d’autres personnes. Batcho explique que ces types souvenirs peuvent nous inciter à rechercher un soutien social et émotionnel parce qu’ils mettent souvent en scène des personnes importantes de notre passé.

Une grande partie de la nostalgie se rapporte à des périodes de l’enfance. Selon Batcho, cela s’explique en grande partie par le fait que « dans l’enfance, nous étions aimés simplement pour ce que nous étions ». 

 

LES EFFETS DE LA NOSTALGIE SUR LE CERVEAU

Toute cette nostalgie a-t-elle une incidence sur le cerveau ? 

Visiblement oui, et pas des moindres. Et elle serait avant tout positive. Les recherches ont montré que la nostalgie peut accroître notre sentiment de bien-être, stimuler l’inspiration et la créativité, nous faire nous sentir plus jeunes, plus alertes, plus optimistes, plus énergiques, et même nous encourager à prendre des risques et à poursuivre nos objectifs

Yang et ses collègues ont récemment découvert que la nostalgie pouvait réduire notre perception de la douleur et améliorer notre capacité à détecter le danger. Ils ont constaté que, par rapport à des sujets témoins, les sujets qui pensaient à quelque chose de nostalgique présentaient une plus grande activité cérébrale lorsqu’ils lisaient des mots menaçants. 

En ce qui concerne le soulagement de la douleur, deux études ont été menées pour examiner l’effet analgésique de la nostalgie sur différents niveaux de douleur. Dans la première étude, un sujet a regardé des images nostalgiques et a affirmé être moins sensible à une faible douleur thermique. Mais lorsque les chercheurs ont demandé aux sujets de réfléchir à un évènement de leur passé, ces derniers ont affirmé être moins sensibles à la fois à une forte et à une faible douleur thermique.

Yang a également constaté que les zones cérébrales actives lors d’expériences nostalgiques sont celles associées à l’introspection, à la mémoire autobiographique, à la régulation émotionnelle et au traitement de la récompense. Cela signifie que la nostalgie régule l’activité cérébrale de ces zones, en agissant comme un tampon contre diverses menaces psychologiques et physiques. En d’autres termes, nous faisons bien plus que nous remémorer un bon souvenir.

 

COMMENT VOIR LA VIE EN ROSE, APRÈS-COUP

La nostalgie est généralement considérée comme une expérience émotionnelle contradictoire. Même dans le cas de souvenirs heureux, la nostalgie peut être douce-amère. Si le souvenir lui-même nous apporte du réconfort et nous réchauffe le cœur, il peut également nous faire ressentir de la tristesse en raison de son caractère révolu.

« Les souvenirs nostalgiques ne sont pas toujours bons. Ils sont parfois doux-amers, voire tristes », souligne Yang. « Mais même les mauvais souvenirs qui nous viennent à l’esprit semblent être plus positifs parce que nous les voyons à travers un filtre rose. »

Nous ne faisons pas que regretter notre passé, nous nous en rappelons une version romancée. 

Selon Batcho, ce n’est pas un hasard si nos souvenirs s’adoucissent avec le temps, et si le négatif tend à s’estomper plus rapidement. Prenons l’exemple de la parentalité. 

« Le fait d’avoir un souvenir qui soit meilleur que la situation vécue à l’époque répond à un objectif évolutif. Si les gens se souvenaient des évènements tels qu’ils ont vraiment été, la plupart des femmes ne voudraient plus jamais enfanter », explique Batcho en riant. « C’est un moyen de survie que de pouvoir édulcorer les mauvaises expériences passées. »

Peut-on alors souffrir d’un excès de nostalgie ?

Oui. En tant qu’évasion temporaire, la nostalgie offre un répit nécessaire qui peut nous apporter du soutien dans les moments difficiles. Mais l’expérience peut s’avérer négative si l’on rumine le passé. 

De manière générale, la nostalgie est une composante saine, voire vitale, de l’expérience humaine, qui nous aide à renouer avec notre authenticité en nous rappelant qui nous sommes censés être.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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