Un tsunami en Méditerranée d'ici 30 ans ? Un scénario 100 % crédible

Le tsunami de Sicile avait fait environ 200 000 morts en 1908.

De Margot Hinry
Publication 1 juil. 2022, 18:30 CEST
Volcans sous-marins

Volcans sous-marins

PHOTOGRAPHIE DE Alexis Rosenfeld

Les îles éoliennes forment un archipel volcanique au nord de la Sicile. Elles abritent l’un des plus grands systèmes volcaniques sous-marins d’Europe. On parle peu de ces géants cracheurs de magma et de gaz, puisqu’on ne les voit pas à l’horizon. Les volcans sous-marins représentent en réalité 80 % des volcans terrestres. Plus d’un million de volcans endormis ou en activité sont plongés sous les eaux.

Récemment, l'UNESCO a annoncé un risque de « 100% qu'un tsunami, avec une vague de plus de 1 mètre », s'abatte sur les villes côtières de la Méditerranée, dont des villes françaises comme Marseille, Nice, Cannes et Antibes. Par voie de communiqué, l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture a rappelé que « 78 % des tsunamis [étaient] provoqués par l'activité sismique, 10 % par l'activité volcanique et les glissements de terrain, et 2 % par l'activité météorologique. »

L’équipe de « 1 Ocean, le grand témoignage sur l’Océan », un projet de recherche globale sur l’océan en collaboration avec l’UNESCO, a récemment exploré les volcans sous-marins de l’île Panarea. Cette île est connue pour être située proche du célèbre volcan Stromboli. Ce dernier a d’ailleurs provoqué une explosion qualifiée de « majeure » par les autorités locales au mois de mai dernier.

« L’objectif de cette mission reste la même que d’habitude avec 1 Ocean. Je souhaite sortir des narrations classiques et aller explorer l’inexploré, grâce à ces technologies que l’on n’avait pas avant. Ces volcans, les récifs profonds, on a encore plein d’histoires à raconter. Elles sont à mon sens très utiles. […] En 2022, que nous puissions venir parler de quelque chose qu’on ne connaît pas, c’est quand même une preuve que l’on n’en sait vraiment peu sur ce continent bleu. Il n’y a que 5 % de l’océan qui est exploré et 20 % cartographié. On est dans un monde inconnu » explique Alexis Rosenfeld, meneur du projet, explorateur et photographe.

Ces plongées au cœur de l’océan permettent aux équipes sur place d'observer et de rapporter des récits qui aident les scientifiques. « On observe la naissance de la vie » affirme Alexis Rosenfeld. Les cheminées hydrothermales formées par ces différents volcans viennent nourrir des amas de bactéries. « Les fonds marins de la caldeira de Panarea sont parsemés de taches blanches que l’on trouve généralement à la base des colonnes de gaz. Ces tâches sont en réalité des amas de bactéries qui se nourrissent principalement de carbone. Elles constituent le premier maillon de la chaîne alimentaire, la base des écosystèmes terrestres » décrit le communiqué de la mission d’exploration.

L’UNESCO a déjà mis en place un programme de préparation des populations aux risques et comportements à adopter face à des vagues de tsunami. « Ce dispositif intelligent essaye de comprendre et d’étudier la nature en écoutant les volcans pour prévoir les risques. L’UNESCO coordonne ce programme international d’alerte au tsunami […] déjà en place dans le Pacifique et souhaite le développer en Méditerranée » revèle l'explorateur et photographe.

Alexis Rosenfeld témoigne de ce qu’il a observé sous l’eau, près d’une zone découverte en 2018 renommée The Smoking Land pour ses éruptions permanentes de gaz provenant de la chambre magmatique. « Il y a une sorte de dôme à une trentaine de mètres de là, avec des éruptions de gaz et autour, il y a énormément de bactéries. Elles sont tellement nombreuses qu’elles sont visibles, elles forment des tapis de bactéries blanches. Il y a un mélange improbable de gaz et de géothermie qui va traverser les fissures de la croûte terrestre et qui, au moment de la rencontre avec l’eau de mer et avec l’oxygène qui est dans l’eau, va se transformer en bactéries. C’est la transformation du minéral en vivant. »

 

LE STROMBOLI À L'ORIGINE DU PROCHAIN TSUNAMI ?

Explorer ces zones inconnues permet aux scientifiques de surveiller les activités volcaniques de la région. Le comportement des volcans qui s'y trouvent est inquiétant et plutôt instable ces dernières années. « Nous estimons que, selon un cycle naturel, il y a une grande explosion dans cette zone tous les 70 ans. Or, la dernière a eu lieu à la fin des années 1930. [En cas d’explosion] l’un des risques est la formation d’un tsunami. Il s’agit d’un phénomène qui se déplace à très grande vitesse, au minimum à 300 km/h. Il pourrait donc frapper les îles en quelques minutes, ce qui implique de réagir très rapidement » explique Francesco Italiano, responsable de la section de Palerme de l’Institut National de Géophysique et de Volcanologie (INGV).

Le volcan Stromboli inquiète particulièrement les scientifiques. « Le Stromboli est un volcan actif. Il génère en permanence des explosions de faible intensité mais parfois son activité change de nature. Il produit alors des coulées de lave, mais aussi d’énormes explosions qui peuvent être très dangereuses pour les Hommes » ajoute Francesco Italiano pour l’UNESCO.

« Il y a une véritable inquiétude de la part de la science, il y a beaucoup de surveillance, la mise en place d’un système de bouées qui permet de déclencher des alertes et de protéger les populations.  […] Pour les volcans, l’idée c’est de valoriser et de faire comprendre aux populations l’importance à la fois de la prévision, de la protection et de la formation. […] Il ne faut pas oublier que le risque est majeur et véritable. Le tsunami de Sicile a fait environ 200 000 morts en 1908 et puis plus récemment il y a eu celui d’Indonésie qui a causé 250 000 morts en 2004 » rappelle Alexis Rosenfled.

À Lisbonne cette semaine, lors de la Conférence des Nations Unies sur les océans, la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a annoncé le lancement du programme « Tsunami ready » [Prêts face au tsunami] à l’échelle internationale. L’UNESCO s’engage à former et à préparer 100 % des populations côtières face aux menaces grandissantes de risque de tsunami.

L’UNESCO le rappelle, toutes les régions océaniques restent à risque, même si la plupart des tsunamis touchent le Pacifique et l’océan Indien. Le Centre d’alerte aux tsunamis dans le Pacifique de l’UNESCO, hébergé par les États-Unis, a déjà répondu à lui seul à 125 tsunamis, soit une moyenne de 7 tsunamis par an.

La menace est réelle et Audrey Azoulay assure que toutes les populations à risque seront formées et prêtes à réagir face à un tsunami, d'ici moins d'une dizaine d'années. « Pour être "prête face aux tsunamis", une communauté doit avoir élaboré un plan de réduction des risques de tsunamis, identifié et cartographié les zones à risque de tsunami, élaboré des documents de sensibilisation et d'éducation du public, créé des cartes d’évacuation compréhensibles par tous et afficher publiquement toutes les informations utiles sur les tsunamis » indique l’UNESCO.

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